Auteur : Q.Lambert – Terres Inovia
La campagne pois-chiche 2024 est toujours porteuse concernant les prix d’acompte avant campagne. Ils sécurisent l’insertion de l’espèce dans l’assolement et participent à la bonne dynamique. De ce fait, l’engouement pour l’espèce se poursuit, dans les deux principaux bassins de production : Poitou-Charentes et Sud-Ouest. La campagne 2023 avait été marquée par une forte pression héliothis et ascochytose, notamment au Sud. Qu’en est-il de la campagne 2024 ?
Implantation / Début de cycle
Contrairement à 2024, les préparations de sol ont été difficiles. Peu voire pas de gelées durant l’hiver et des cumuls de pluie importants en décembre ont rendu difficiles la reprise des sols argileux. Les nombreux jours de pluies durant la période de semis ont décalé les chantiers. La majorité des semis se sont déroulés ensuite tardivement pour la région, fin mars, début avril (jusqu’au 15). Les levées ont été plutôt bonnes et régulières.
La phase végétative se poursuit comme le début de campagne, sous un temps humide, notamment dans les bassins Ouest et sur le pourtour méditerranéen. Globalement, le développement des plantes est bon et même exubérant dans certaines situations (idem 2023). Durant le mois d’avril, on retrouve des températures moyennes plus adaptées à la croissance du pois chiche puis de nouveau, le mois de mai est plus frais. Le contrôle des adventices est plutôt bon grâce à l’action des racinaires, on note toutefois des re-salissements précoces.
Durant cette phase, comme en 2023, on note des premiers symptômes d’ascochytose en parcelles. La proportion de parcelles concernées est faible mais en augmentation par rapport à la campagne passée. Cette contamination est sans nul doute liée à l’usage de graines contaminées. Ces foyers se sont ensuite propagés au reste de la parcelle. Dans ces situations, l’impact de l’ascochytose en fin de cycle sur le rendement est indiscutable. En mode de production conventionnel, l’usage d’un traitement de semences autorisé (exemple : Pepper, fludioxynil) est vivement conseillé pour gérer les potentiels risques sanitaires présents sur la semence, que celle-ci soit « de ferme » ou certifiée. A ce jour, aucune autre solution que le Prepper (enrobage, traitement physique, etc.) n’est disponible pour gérer ce risque (hormis l’usage de semence indemne, difficile en 2024).
Floraison – Remplissage
Les mois de mai et juin sont toujours pluvieux, même si les cumuls sont moins importants, on note des pluies régulières tout au long de la période. La floraison est donc particulièrement longue dans l’ensemble des bassins. La floraison a débuté plus tardivement qu’à l’accoutumée, du fait des dates de semis et des conditions météorologiques de début de campagne. Les premières parcelles arrivent à floraison en mai et ce stade s’étale jusqu’à fin juin. Des avortements de gousses ou de fleurs dus au stress thermique de températures fraîches a pu survenir seulement sur les parcelles précoces, avec des fleurs en mai (minorité de situations). On ne note pas en 2024 de stress dû aux fortes températures (>36°C). Globalement, à fin floraison, le potentiel est en place et non limitant pour la mise en place du rendement.
Comme pour la floraison, la phase de remplissage n’est pas limitée par la météo.
Toutefois, le développement de la culture est généralement exubérant. Sans contraintes météorologiques, le pois chiche n’entre pas dans sa phase de maturité (le caractère indéterminé est très marqué pour cette espèce comparée aux autres légumineuses à graines). Une durée de floraison trop importante peut impacter négativement, la date de récolte (décalage du cycle) et la qualité des graines (différents états de maturité dans un même lot).
Bioagresseurs : Ascochytose, Adventices et Héliothis
Comme en 2023, les conditions météorologiques sont propices aux contaminations d’ascochytose. Dès la levée, une part des parcelles présentent des symptômes d’ascochytose sur feuilles et tiges dus à l’emploi de semences contaminées (voir paragraphe dédié page 3). Puis, début mai, sont constatées les premières contaminations sur une part significative des parcelles, sans incidence, puisque les symptômes sont isolés sur quelques folioles. Toutefois, cela illustre la présence d’inoculum potentiel pour la suite du cycle.
Les conditions climatiques étant toujours propices en mai et juin, les contaminations explosent. Les parcelles sont alors à la veille de la floraison ou à floraison. Dans les situations non protégées ou en mode de production biologique, l’incidence de la maladie peut être importante, avec des pertes de ramifications florifères. Les programmes fongicides ont dû être renforcés par un troisième passage, voir un quatrième, dans les situations où la maladie était très présente (idem 2023). Dans les situations touchées dès le semis, malgré des protections répétées, les foyers sont trop importants et la maladie n’a pas pu être contenue.
Pour les adventices, les années humides sont souvent signe d’une mauvaise gestion. Cette année encore, les pluies non limitantes ont entrainé des re-salissements de parcelles, avec notamment des chénopodes, des repousses de tournesol, du liseron des champs, etc. Dans ces situations, la combinaison d’une stratégie classique avec du désherbage mécanique a tout son intérêt, notamment en fin de phase végétative. Ce désherbage mixte peut être positionné précocement après la levée, directement après la prélevée ou tardivement après la post-levée (Onyx et/ou Challenge 600). Les passages en plein (herse étrille, houe rotative) auront une meilleure efficacité sur dicotylédones et sur graminées. Les passages en plein (bineuse), si l’inter-rang le permet, seront plus complets mais ne gèreront pas le rang. Si disponibles, ce sont des outils précieux dont il ne faut pas se priver. Dans tous les cas, l’efficacité de ces outils sera dépendante du stade des adventices et des conditions climatiques entourant le passage.
Le pois chiche est touché par un nombre restreint de ravageurs.
La présence de mineuses est plutôt rare cette année. Elle n’a pas engendré de situations problématiques de défoliation précoce. Fait remarquant, des attaques ont été constatées, à l’Ouest, secteur rarement touché par l’insecte contrairement à l’Aude (11) et au Sud-Ouest. A noter que les dégâts de mineuses n’engendrent pas de nuisibilité sur la culture, sauf rares cas dans les secteurs historiques de production. Aucune lutte n’est donc nécessaire.
L’héliothis est le principal ravageur et cette année encore, son impact sur le culture atteint toujours des niveaux préoccupants, notamment en AB. La fréquence d’attaques pour cette campagne est toujours importante (notamment à l’Ouest, moins touché en 2023). Dans le Sud de la France les niveaux de populations sont tellement importants que, depuis deux ans maintenant, les vols se chevauchent (plusieurs générations présentes au même moment) et créent un plateau, ce qui rend difficile le positionnement de la protection. En effet, les solutions disponibles ciblent uniquement les œufs et les jeunes larves (dites L1, L2) et possèdent une rémanence faible.
Afin de répondre aux enjeux de lutte, une demande de dérogation 120 jours (art 53 REG 1107/2009) a été déposé et a reçu un avis favorable. La spécialité commerciale ALTACOR (AMM 2100122, FMC) a bénéficié d’un usage dérogatoire pour la campagne 2024, du 15 avril au 13 août 2024 pour le pois chiche au sein de l’usage Légumineuses potagères (sèches)*Trt Part.Aer.*Chenilles phytophages (uniquement pois chiche). ALTACOR est composé de chlorantraniliprole (350g/kg) et est autorisé à la dose maximale d’emploi de 0,07 kg/ha des stades BBCH40 à BBCH89 en 1 application maximum (délai de rentrée : 6 heures et délai avant récolte : 14 jours). Cette solution a permis, pour les producteurs conventionnels, de gérer plus sereinement le ravageur. En effet, cette spécialité présente une rémanence d’action plus importante et un niveau d’efficacité moins dépendant du positionnement, amenant de la souplesse indispensable lorsque le vol est en plateau. Le premier pic de vol est observé début juin dans le Sud-Ouest via les captures d’adultes au champ.
A noter que ce ravageur pose de nombreux problèmes dans plusieurs filières (soja, tomates plein champ, sorgho, maïs spéciaux). On en retrouve même dans de nombreuses parcelles de tournesol du Sud-Ouest. Des dégâts d’oiseaux (pigeons ramiers), de lièvres ou de sangliers sont également remontés, localement.
Récolte
Les récoltes ont débuté début août et se sont étalées jusqu’à mi-août, les chantiers ont pu être groupés et ont permis de sécuriser la récolte. Les rendements sont hétérogènes, en fonction des modes de production (conventionnel ou AB) et de la gestion des bioagresseurs (héliothis et ascochytose). Les rendements vont donc de 5 à plus de 40q/ha. Le rendement moyen brut est estimé à 22q/ha. En AB, le rendement moyen est de 10q/ha avec une qualité des graines décevantes. La qualité des graines est impactée par la présence, plus ou moins forte, d’héliothis dans les parcelles et du re-salissement.
Votre contact régional
Quentin Lambert (q.lambert@terresinovia.fr) – Ouest Occitanie