Publié le 11 décembre 2015
Alors que 2014 avait vu plus de 93.000 ha emblavés en France par les producteurs de semences de maïs, 2015 a accusé une baisse des surfaces de l’ordre de 25%. En cause, tout d’abord les excellents rendements obtenus lors des campagnes précédentes qui ont permis de reconstituer les stocks. Viennent ensuite un plan de production national sans doute trop ambitieux et enfin, la situation géopolitique très tendue en Europe de l’est, même si l’embargo russe n’a pas trop impacté le marché des semences. « Il faut quand même rappeler que 2014 était une année exceptionnelle », relativise Régis Boisseau, responsable maïs au GNIS*. « 2015 reste donc une année à haut niveau. Actuellement, 95% des objectifs de production ont été atteints et on pourrait arriver à 98% de réalisation en fin de campagne. »
Pas de hausses en prévision
Même s’il faudra attendre les mois d’avril ou mai pour connaître les détails de la prochaine campagne de maïs semences, l’année 2016 devrait voir la baisse des surfaces se poursuivre. Celles-ci font actuellement l’objet de négociations entre les entreprises semencières et les établissements producteurs. « Les semenciers évaluent le nombre de doses dont elles auront besoin par variété », explique Régis Boisseau. « C’est la répartition des contrats qui diffère d’une entreprise à l’autre. Les entreprises nationales raisonnent généralement à l’échelle du territoire français et éventuellement dans les pays limitrophes pour alimenter le réseau européen qui reste notre principal débouché. Les multinationales, elles, estiment les besoins mondiaux et répartissent la production approximativement entre plusieurs bassins, pour faire la balance entre les risques climatiques, les coûts de production et la proximité des zones de ventes. Les prévisions tournent autour de 65.000 ha, soit 3 ou 4 % par rapport à 2015. Mais certains professionnels craignent que l’on descende jusqu’à 60.000 ha (-14%). »
Quant aux prix du maïs semence, il n’y a pas non plus d’embellie en vue. Celui-ci se construit sur une base intégrant les cours du maïs consommation et les charges spécifiques à la production de semences, auxquels s’ajoute une prime incitation. Mais le prix du maïs consommation reste bas. Alors que nous arrivons en fin de période de récolte, les stocks disponibles sont toujours élevés. En outre, l’Ukraine a réalisé une bonne campagne, tant en quantité qu’en qualité. Sa production vient concurrencer la nôtre, notamment sur les marchés espagnols, tirant ainsi les prix vers le bas.
Le danger des impasses techniques
C’était un des motifs de colère, lors des Journées Maïs de Toulouse, les 17 et 18 novembre derniers. La réglementation de plus en plus stricte sur les intrants vise à faire diminuer les IFT** et remet en cause plusieurs molécules. Et les producteurs pointent du doigt les impasses techniques qui se profilent, notamment dans la lutte contre les ravageurs. « La filière maïs semences, par ses actions techniques, travaille à essayer de minorer l’impact de ces restrictions », précise Régis Boisseau. « De même, en maïs de consommation, les progrès de l’innovation variétale permettent d’amortir partiellement les pertes de productivité consécutives à la suppression de certaines molécules. Mais la recherche variétale prend du temps et va donc moins vite que la réglementation. Il en va de même pour la gestion de l’eau. Nous développons des variétés qui résistent mieux au stress hydrique. Mais elles ont et auront toujours besoin d’eau… Les freins à la création de ressources sont un vrai motif d’inquiétude. Les producteurs de semences ne sont plus sur des niveaux de rémunération qui permettent de prendre des risques. C’est une production qui nécessite des investissements importants. Les amortissements et charges de structure pèsent donc très lourds sur les trésoreries en cas de mauvaise année. C’est pourquoi le principe d’une assurance « coup dur » était indispensable à mettre en œuvre. »
Des atouts toujours présents
Peut-on alors rester optimiste dans ce contexte morose ? « Oui » et pour plusieurs raisons, selon Régis Boisseau. Tout d’abord, le dynamisme des exportations. Avec plus de moitié de la production de semences de maïs vendue hors de nos frontières, l’attractivité de la France ne se dément toujours pas. Sa qualité et surtout sa régularité en font une valeur sûre pour nombre de pays importateurs. La filière, ensuite, qui reste très ambitieuse. « Rappelons-nous qu’en 2005, on rêvait d’atteindre les 50.000 ha », poursuit-il. « Nous sommes aujourd’hui à 60.000, malgré un contexte peu porteur. Nous restons donc sur des niveaux très élevés. Les grands opérateurs mondiaux sont toujours présents en France et continuent d’investir dans des outils industriels. Ils ont toujours confiance et ont de grandes ambitions pour la filière. » Il insiste ensuite sur l’excellente organisation du réseau des producteurs de semences, sur le nombre de variétés disponibles ou qui apparaissent chaque année, ou encore sur la nouvelle zone de production qui voit le jour en Alsace. Autant de signes qui appellent à rester positif.
« Nous avons toujours besoin de multiplicateurs », plaide l’expert. « Certes, c’est une production technique et exigeante, mais elle en vaut la peine. Les mécanismes assurantiels au national (caisse de risque) et régional (caisse de péréquation) sont également là pour sécuriser les producteurs. J’entends les inquiétudes qu’ils ont cette année, mais je tiens à préciser qu’en termes de filières, nous sommes toujours en croissance. »
* Groupement National Interprofessionnel des Semences et plants ** Indice de Fréquence de Traitement