Publié le 20 août 2016
Le tournesol possède de nombreux atouts agronomiques, économiques et environnementaux. Peu consommateur d’intrants, précieux dans les rotations céréalières, c’est aussi une plante particulièrement pollinifère et mellifère. Le tournesol possède aussi d’indéniables atouts nutritionnels, en particulier sous sa forme oléique, pour l’alimentation humaine ou animale. Plante clé pour la biodiversité, le tournesol est enfin essentiel pour anticiper les évolutions du climat, notamment grâce à sa tolérance aux stress hydrique et thermique. Pourtant, après avoir connu une augmentation des surfaces et un pic de 1,1 million d’ha en 1990, les surfaces de tournesol en France stagnent en 2016, depuis quelques années, aux environs de 600.000 ha (619.000 ha en 2015). La progression des rendements est lente chez les producteurs, en dépit du progrès génétique attesté. Pour que cette culture gagne en compétitivité et trouve pleinement sa place dans nos systèmes agricoles et alimentaires durables, l’INRA et Terres Inovia se sont associés, en 2004, pour lancer un ambitieux programme de recherche. Une dizaine d’années plus tard, les résultats sont là. L’INRA et ses partenaires étaient donc fiers de présenter le bilan de ces travaux, lors de deux journées d’échanges Tournesol, les 28 et 29 juin 2016 à Toulouse, qui rassemblaient 130 professionnels de la filière.
Un nouveau modèle collaboratif de recherche
Unir sur un même projet et en un même lieu les forces de la recherche publique, de l’enseignement supérieur et des ingénieurs d’instituts techniques. Telle est l’objectif d’une Unité Mixte Technologique (UMT). L’UMT Tournesol créée à Toulouse s’est élargie en 2011 à d’autres partenaires toulousains, pour former un véritable pôle agro-génomique du tournesol. L’innovation y est le maître mot, avec des moyens de recherche mutualisés. Chercheurs et instituts travaillent ensemble quotidiennement, en se basant sur les connaissances scientifiques les plus pointues et en bénéficiant d’infrastructures collectives performantes. Un creuset de compétences disciplinaires et techniques est ainsi mobilisé.
La recherche sur l’amélioration des performances du tournesol à Toulouse s’appuie aujourd’hui sur deux programmes fédérateurs. Si l’UMT est centrée sur l’amélioration des conduites culturales, le programme SUNRISE se focalise sur les approches génétiques. Doté d’un fonds de 21 millions € sur 8 ans, il regroupe 16 partenaires (9 laboratoires de recherche publics, un institut technique, 5 entreprises semencières et une en biotechnologie). S’ajoutent également des programmes soutenus par Promosol (Association pour la promotion et la sélection des plantes oléagineuses) sur la résistance aux maladies.
Sunflo : la modélisation au service final de l’agriculteur
L’Inra et Terres Inovia ont conçu Sunflo, un outil pour prédire la performance de la culture, en fonction du temps et de variables climatiques (température, précipitations, rayonnement). Modèle numérique du fonctionnement de la culture du tournesol, il se base sur des équations mathématiques pour décrire des processus physiques et physiologiques. Il simule le développement et la croissance de la plante et ses interactions avec l’environnement. Son originalité réside dans la prise en compte des différences entre variétés. Testé sur près de 1.000 parcelles de tournesol, le modèle Sunflo peut ainsi prévoir la qualité accessible dans un territoire donné, en fonction de la variété, de la conduite culturale, du sol et du climat.
Grâce à ce modèle, l’UMT a pu concevoir des itinéraires techniques adaptés et améliorer les conseils pour le tournesol. À titre d’exemple, les équipes de l’INRA et de Terres Inovia ont développé une démarche originale pour mieux adapter la densité de semis du tournesol au milieu et à la variété. Elles ont ainsi couplé l’analyse de données réelles (issues de 38 expérimentations de Terres Inovia) et de données virtuelles (issues de simulations avec le modèle de culture Sunflo). Au total, plus de 140.000 combinaisons entre 16 variétés, 4 sites, 35 années climatiques, 3 niveaux de réserve en eau du sol, 3 dates de semis et 7 densités de peuplement ont été générées. Ce puissant dispositif, inenvisageable en expérimentation seule, a permis d’améliorer concrètement le conseil sur la densité de semis proposé aux agriculteurs par Terres Inovia pour la campagne 2016.
Le génome du tournesol décrypté
C’est une première mondiale ! En collaboration avec le Consortium international de génomique du tournesol, les scientifiques de l’INRA ont achevé le séquençage du génome de référence du tournesol. Un tour de force annoncé officiellement lors de ces journées d’échange. « Imaginez un puzzle géant qui représenterait un immense ciel bleu, avec seulement 3% de nuage », explique Nicolas Langlade, coordonnateur du programme SUNRISE. « Décrypter le génome du tournesol revenait à identifier tous les morceaux de puzzle, les ordonner et les assembler. Jusqu’alors, les programmes informatiques avaient beaucoup de difficultés à différencier ces morceaux quasiment identiques. Nous avons pu bénéficier d’une rupture technologique, qui a été intégrée dans un robot de séquençage de dernière génération, le PacBio RS II4. Ce séquenceur peut lire des fragments d’ADN 100 fois plus longs que les générations précédentes. » Restait aux analystes informatiques de l’INRA à reconstituer le puzzle, en s’aidant de l’impressionnante infrastructure technique et informatique du site de Toulouse. Les partenaires ne comptent pas en rester là. Cette nouvelle technologie est désormais appliquée au séquençage des génomes d’autres plantes cultivées ou de plantes parasites, comme l’Orobanche, une plante parasite du tournesol. « La technologie évolue très vite », ajoute Nicolas Langlade. « Nous disposons aujourd’hui d’un matériel de pointe que nous devons exploiter au maximum, avant qu’il ne deviennent obsolète. Sans soutiens financiers publics et privés, nous n’aurions pas pu réussir ce challenge. »
Ce résultat majeur permettra d’accélérer l’efficacité des programmes de sélection variétale du tournesol. En repérant les gènes d’intérêt agronomique, les partenaires du projet SUNRISE pourront proposer au monde agricole de nouvelles variétés mieux adaptées aux modes de production, aux usages alimentaires et industriels et répondant aux enjeux économiques de la filière. Ce décryptage sera en particulier utilisé pour identifier des gènes de tolérance à la sécheresse, en réponse au changement climatique.