Buzet/Tarn : rapt d’un « joyau agricole »

Publié le 10 décembre 2010

L’histoire commence mi-novembre dernier. Jean-Philippe Desse, artisan sur la commune de Buzet-sur-Tarn, demande à un agent de l’intercommunalité de faire la vérification périodique de son système d’assainissement. Quelle n’est pas sa stupeur quand le technicien lui répond simplement : « Pas la peine de vérifier ici. Dans un an, tout est rasé. Il va y avoir une zone industrielle. »

Décisions en catimini

Jean-Philippe, tout comme les agriculteurs de la commune, tombent des nues. Interpellé, le maire Jean-Claude Carrié déclare n’être au courant de rien. « C’est nous prendre pour des imbéciles ! » tonne Dominique Vincent, qui exploite 270 ha à Buzet. « Cela fait 2 ans qu’il planche sur le PLU de Buzet. La Chambre d’Agriculture 31, la Direction Départementale des Territoires et Préfecture ont déjà donné un avis négatif sur les projets que voulaient mener la mairie. Et aujourd’hui, on apprend par hasard que le conseil municipal a voté discrètement un nouveau PLU le 20 octobre dernier et qu’une enquête publique est en cours… » Le problème est que cette enquête se termine le 9 décembre et qu’apparemment peu de personnes semblent en être informées. « Il n’y a eu aucune publicité, aucune information, aucune consultation ni des habitants, ni des associations, ni des agriculteurs », s’insurge Laurent Maresse, Président de l’Association de Sauvegarde des Coteaux (ASC). « Il était question, au départ, de faire des zones commerciales et de loisir. En fait, on découvre un projet pharaonique, baptisé les Portes du Tarn. »

40 ans de développement agricole

Rapidement alertés, agriculteurs et associations de Buzet s’organisent. ASC, JA et FDSEA 31 convient les buzetois à manifester le dimanche 5 décembre. Devant la mairie, près de 200 personnes bravent le froid pour venir aux nouvelles et témoigner de leur incompréhension devant ce projet. Il y a de quoi s’inquiéter, en effet. Le PLU prévoit l’implantation, avec les Portes du Tarn, de 260 ha de zones industrielles (principalement une plate-forme logistique et de distribution), à cheval sur les communes de Buzet et Saint Sulpice. Dans les cartons également, la disparition de 200 ha de terres agricoles et d’espaces naturels au profit de l’urbanisation et l’augmentation de 170% de la population d’ici 10 ans. « Buzet n’a pas vocation à être la réserve foncière, ni devenir la banlieue de Saint Sulpice », clamait Dominique Vincent à la tribune. Si la population a de quoi craindre la dégradation de son cadre de vie, l’agriculture locale, elle, verrait 40 années d’investissements et d’aménagements réduits à néant. Car Buzet, aux dires de ses agriculteurs, a toujours été à la pointe en matière de développement agricole depuis les années 70. « Ça a été un choix politique majeur de notre commune », explique Dominique Vincent. « C’est grâce à cela qu’aujourd’hui on a un réseau d’irrigation et de drainage en parfait état, une association foncière, une CUMA irrigation, des parcelles structurées et très productives qui font d’excellents rendement en maïs, soja, semence de maïs et de tournesol… Toutes ces infrastructures sont à leur optimum d’efficacité car elles ont fait l’objet d’investissements colossaux de la part du Conseil Régional, du Conseil Général et des agriculteurs. Buzet, c’est un joyau agricole que quelques élus mégalo ou incompétents vont saccager par faiblesse ou vénalité ! »

L’intercommunalité pointée du doigt

« Nos élus municipaux sont plus dépassés par les évènements qu’autre chose », lâchait une manifestante. « Ils n’ont pas eu le cran de s’opposer à l’intercommunalité. » Et c’est bien là le nœud du problème selon de nombreux habitants. « L’adhésion de Buzet à une intercommunalité tarnaise va à l’encontre de notre histoire culturelle et économique », estime Charles Calléja, arboriculteur de la commune. « Nos territoires sont depuis toujours tournés vers Bessières, Montastruc et Toulouse. Or aujourd’hui, Buzet sert de réceptacle aux projets sociaux et économiques indispensables aux communes du Tarn, mais dont elles ne veulent pas sur leur propre territoire. Rappelons que le projet Portes du Tarn est mené par un Syndicat d’Économie Mixte présidé par le Président du Conseil Général du Tarn et dont le Vice-Président est le représentant de l’intercommunalité. La seule solution pour ne pas voir notre territoire bradé au profit du Tarn serait de sortir de cette intercommunalité. »

Pour l’heure, l’urgence est de stopper ce PLU, selon les manifestants. Les habitants étaient donc invités à participer le plus massivement possible à l’enquête publique avant sa clôture et à manifester leur opposition en signant 2 pétitions contre le PLU et le projet Portes du Tarn. « Nous allons avoir besoin de tous les appuis politiques possibles pour convaincre le commissaire enquêteur de revoir ce PLU », termine Dominique Vincent. « Sinon Buzet aura du mal à se remettre de coup-là. » D’après les premières estimations, les hectares irrigués condamnés par ce PLU représentent 20% des frais fixes de l’ASA qui devront donc être répartis et supporté par les agriculteurs restant. Une hausse brutale des coûts qui remettrait bien des choses en cause.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia