Publié le 26 avril 2015
Comment financer un projet sur son exploitation, quand la trésorerie est en berne et le recours à l’emprunt, impossible ? C’est la question que s’est posée Joëlle Itié, maraîchère à Villemur-sur-Tarn. Sur 4 ha de vergers et 3 en maraîchage, le « Jardin de Julie » produit une grande variété de fruits et légumes de saison et emploie 4 personnes à temps plein, auxquelles s’ajoutent 3 salariés occasionnels lors de la pleine saison.
Surgeler pour satisfaire le consommateur
Si tout est vendu en circuits courts, l’originalité de l’exploitation tient aux différents modes de commercialisation mis en place par Joëlle Itié. Associée dans deux magasins fermiers, Ferme Attitude à Toulouse et Fermement Bon à Muret, une bonne partie de sa production y est écoulée. Elle livre également trois cantines et quelques restaurants autour de chez elle. Joëlle Itié a enfin trois modes de vente directe au consommateur : les Paniers Fraîcheurs, distribués dans des gares du département en partenariat avec la SNCF, la vente à la ferme de fruits et légumes ramassés et mis à disposition du client et enfin la vente à la ferme en cueillette libre par les clients eux-mêmes. C’est en échangeant avec les clients venus à la ferme qu’a germé l’idée d’un nouveau projet. « Je constate une demande croissante des clients en produits plus ou moins transformés », explique-t-elle. « Ils veulent consommer des légumes frais, avec du goût, mais n’ont souvent pas le temps ou l’envie de les éplucher. J’ai alors pensé à faire de la surgélation de mes légumes et petits fruits. »
La surgélation consiste à refroidir brutalement des aliments en les exposant, de quelques minutes à une heure, à des températures entre -18 et -35°C. L’eau contenue dans les cellules se cristallise alors finement, limitant ainsi la destruction cellulaire. Les produits ainsi traités conservent toute leur texture, leur saveur et peuvent être conservés plus longtemps. « Grâce à ce procédé, je pourrai proposer à mes clients des légumes prêts à consommer, tout en laissant libre cours à leur imagination pour les préparations culinaires », précise Joëlle Itié. « En transformation, je pourrai également préparer des soupes « maison », prêtes à réchauffer et qui garderont toutes les qualités gustatives de la soupe fraîche. J’envisage également de faire des confitures et compotes, avec les fruits en autopasteurisation, pour compléter ma gamme. » Dernier avantage de ce projet, faire des préparations culinaires surgelées permettra à l’exploitante de valoriser les fruits et légumes abîmés ou peu esthétiques, généralement boudés par les clients.
Financer un projet en « don contre don »
Si très peu de maraîchers, en Midi-Pyrénées, peuvent transformer leurs produits, Joëlle Itié a l’avantage d’avoir pensé, lors de son installation hors-cadre, à doter son exploitation d’un point de vente équipé d’une aire de préparation des commandes et surtout d’un laboratoire. Rien n’empêche donc de se lancer dans l’aventure. Sauf le financement… Une cellule de refroidissement coûte, en effet dans les 5.000 €. Un coupe-légumes, indispensable pour cette activité, va chercher dans les 1.500 €. Ajoutez à cela une machine pour mettre les produits sous vide (3.000 €) et une armoire de présentation (2.350 €) et la facture grimpe à près de 12.000€. Or, depuis 2 ans, Joëlle Itié cumule les déboires. Le printemps très froid de 2014 a empêché toute culture d’été et début 2015, une grêle a ravagé tous ses vergers. Avec une trésorerie au plus bas, pas moyen d’autofinancer entièrement le projet. C’est par les médias qu’elle entend parler de Stéphanie Outre. Cette maraîchère bio de Belberaud a réussi à financer l’achat du robot de désherbage mécanique Oz, développé par la start-up toulousaine Naïo Technologies. Portée par Ulule, une plateforme internet de financement participatif (voir encadré), l’opération avait permis de récolter 3.600 €, en 2014. Joëlle Itié découvre dans le même temps une plateforme appelée Miimosa. Soutenue par l’APCA, la FNSEA et Jeunes Agriculteurs, elle est exclusivement dédiée aux acteurs de l’agriculture et de l’alimentation. Elle y envoie alors un dossier de présentation du projet. Celui-ci est validé par les responsables du site et mis en ligne, le 10 avril dernier. « L’appel à dons va durer 50 jours », explique-t-elle. « Si j’atteins 60% de l’objectif de 6.500 € que je me suis fixé, je percevrai l’argent. Sinon, les contributeurs seront remboursés. »
En contrepartie, la maraîchère offrira aux contributeurs divers produits de son exploitation, dans des quantités proportionnelles à la hauteur du don accordé. Une façon de remercier à son niveau cette solidarité qui, si elle reste modeste individuellement, peut tout changer si elle prend de l’ampleur. De fait, si elle parvient à boucler son financement, Joëlle Itié va embaucher 1 ou 2 personnes pour développer ce nouveau poste… et assurer un peu plus la pérennité de son exploitation. Un petit geste aux grands effets, c’est bien tout le principe – et la grande force – du financement participatif.
Financement participatif : la banque, c’est (un peu) vous…
Le financement participatif (ou crowdfunding en langue de Shakespeare) est un mode de financement de projets qui vise à récolter des fonds auprès d’un large public, le plus souvent via Internet. Généralement de montants modestes, ces dons permettent de financer un projet artistique (musique, édition, film, etc.) ou entrepreneurial.
Il existe trois grandes familles de financement participatif :
- les plateformes de dons, les plus connues ;
- les plateformes de prêts aux particuliers ou aux PME ;
- les plateformes d’investissement au capital de start-up.
Depuis son introduction en France en 2008, le financement participatif a séduit 1,3 million de contributeurs, dont les 3/4 ont moins de 50 ans. Le secteur est en pleine explosion puisqu’en 2014, les 46 plateformes Internet françaises ont collecté 152 millions d’euros (près du double de 2013) pour plus de 20.000 projets.
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