Publié le 24 mai 2017
Alain et Éric Taurignan, du GAEC Casties, élèvent des Blondes d’Aquitaine à Montgaillard-sur-Save, dans le Saint-Gaudinois. En plus de 50 ha de céréales, ils disposent de 70 ha d’herbe pour alimenter environ 180 bêtes, dont 80 mères.
30 ans d’évolutions techniques
Installés à la fin des années 70, ils ont pratiqué l’ensilage en coupe directe pendant près de 20 ans. En 1998, ils sont passés au préfanage, avec un ensilage réalisé une à deux journées après la fauche. « Nous y avons gagné en termes de qualité », explique Éric Taurignan. « En ensilant l’herbe trop verte, le silo « coulait », en emmenant dans le jus de grosses quantités de sucre. Le fait de laisser ressuyer nous a permis d’éviter ces pertes. » Jusqu’à récemment, les deux éleveurs fonctionnaient avec un système de deux bâches épaisses posées sur un silo couloir. Depuis l’an dernier, ils testent un nouveau concept. Sous une bâche classique de 150 microns d’épaisseur, ils disposent un microfilm de 40 microns. « Cela ressemble à du cellofrais de cuisine », poursuit Éric. « Transparent, il colle au silo et le rend étanche à l’air, contrairement aux bâches noires qui ne mettent l’ensilage qu’à l’abri de l’eau et de la lumière. Ce microfilm sert à accélérer le passage en fermentation anaérobie. » Mais les deux frères décident d’aller encore plus loin dans leur technique d’ensilage. Ils viennent en effet de s’engager comme Ferme pilote, dans le cadre d’un projet Ecoantibio départemental* qui vise à diminuer les intrants sanitaires et, plus largement, améliorer les techniques préventives. Ce programme basé sur une gestion sanitaire des troupeaux dans sa globalité aborde évidemment le volet alimentation. Et donc l’ensilage…
La montée en puissance des conservateurs
Les additifs et conservateurs de fourrages font appel à différents types de bactéries et d’enzymes afin de conserver la richesse en énergie et protéines de l’herbe ou du maïs ensilés, et d’en améliorer l’appétence et la digestibilité. Très répandu en Europe de l’Est, le recours aux conservateurs peine à s’implanter en France. En cause, le coût du procédé, principalement, évalué à 70 €/ha. Ce qui n’a pas dissuadé les frères Taurignan à tenter l’expérience. « Souvent, en sortie d’hiver, les silos ont tendance à repartir en fermentation quand les températures remontent au printemps », explique Alain. « Ce coup de chauffe peut vite nous faire perdre les 20 premiers cm d’ensilage sous les bâches et dans les bordures du silo. Sur les conseils de 5mVet, nous testons depuis cette année un conservateur organique. Les bactéries qu’il contient activent la fermentation pour que l’ensilage fermente de suite et soit ensuite stable pendant tout l’hiver et le printemps qui suivent. C’est avec la diminution des pertes et le maintien d’un bon pH et donc d’une bonne qualité de fourrage que nous pensons amortir le coût du conservateur. » Celui-ci se présente sous forme d’une poudre qui sera mélangée à l’eau, puis pulvérisée par couches sur le silo, au fur et à mesure de son remplissage. À la différence des conservateurs chimiques à base d’acide propionique ou formique, il n’y a pas besoin que la pulvérisation soit régulière et homogène sur tout le fourrage, les bactéries, en tant qu’organismes vivants, migrant facilement dans le silo. « L’utilisation des conservateurs organiques est aussi moins problématique pour l’applicateur, qui n’a pas besoin d’équipement de protection particulier », ajoute l’éleveur. « Et ça sens moins mauvais que les équivalents chimiques. »
En 2017, le GAEC n’a testé cette solution que sur les 14 ha d’ensilage d’herbe. Mais ils renouvelleront l’opération sur maïs, en septembre. Leur expérience sera suivie pendant 3 ans par technicien de 5mVet et des analyses seront réalisées tout du long. Un prélèvement a été fait à l’ensilage, avant application du produit. Un autre sera fait dans le silo et d’autres analyses seront réalisées sur les vaches. Mais Alain et Éric se disent confiants. « Cette technique existe depuis 20 ans et ne cesse de progresser », précisent-ils. « Elle est très utilisée en Suisse, par exemple, où les terres coûtent aux alentours de 75.000 €/ha et donc où chaque mètre carré d’herbe ou maïs doit être à son optimum. » Cette recherche d’optimisation a enfin pour but de tendre vers l’autonomie en herbe et d’éliminer, à terme, l’ensilage de maïs. Les Taurignan estiment que cette culture coûte relativement cher à produire et trop cher à corriger en azote. « L’herbe est plus facile à équilibrer », conclut Éric. « La nôtre est à dominante de graminées (ray-grass, fétuque et pâturin). Et depuis 8 ans qu’on ne renouvelle plus les prairies d’ensilage tous les deux ans, du trèfle blanc est venu enrichir le mélange en légumineuse. Nous avons hâte de voir les résultats. »
* En Haute-Garonne, le projet « Fermes pilotes Écoantibio », unique en France, est piloté par le Groupement de Défense Sanitaire (GDS) et regroupe des éleveurs, la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP), le Conseil Départemental, le Laboratoire Départemental, la Chambre d’Agriculture, des vétérinaires et 5mVet, un cabinet vétérinaire spécialisé dans l’audit et la formation en médecine des ruminants.