Publié le 12 février 2014
Nicolas Artigues s’est installé en 2008 sur la ferme de ses grands-parents à Montastruc de Salies. Intéressé par la production laitière, Nicolas s’est vite rendu compte qu’elle n’était pas appropriée à l’exploitation qu’il allait reprendre.
Il s’est donc tourné vers le Veau Sous La Mère, une production que ses grands parents avaient pratiquée, avant d’arrêter en 2003. Il a commencé à constituer son troupeau avec quelques vaches de race Aubrac et des tantes laitières Montbéliardes. Ne disposant que de deux vieilles étables entravées basses, malcommodes et dépourvues d’évacuateur à fumier, son projet prioritaire, dans le cadre du PDE (Plan de Développement de l’Exploitation) a été la construction d’une stabulation libre et d’une salle de tétée attenante. Le nouveau bâtiment a été mis en service en mai 2013. Francis Rousseau, animateur de l’Association Le Veau Sous La Mère, l’a invité à partager les fruits de son expérience et du système original qu’il a mis en place.
Francis Rousseau : Êtes-vous satisfait d’avoir finalement choisi le veau sous la mère ?
Nicolas Artigues : Absolument. Je ne regrette pas du tout d’avoir fait ce choix mais, bien entendu, avec les conditions optimales de travail que j’ai aujourd’hui. Si j’avais dû continuer à faire du veau sous la mère dans les vieilles étables, je pense que j’aurais déjà arrêté la production !
F.R. : Comment a germé l’idée de ce système de tétée original ?
N.A. : Au départ, j’étais parti pour disposer les cornadis de tétée en U autour des cases à veaux, comme je l’avais vu dans un film de l’Association « Le Veau Sous La Mère ». Et puis, je me suis dit qu’il y avait encore mieux à faire dans mon bâtiment, en m’inspirant des salles de traite en épis des élevages laitiers. Ainsi, au lieu d’un cornadis de tétée, j’ai mis en place 3 couloirs de passage des vaches en enfilade, disposés en U. Chacun de ces couloirs est fermé à l’avant par une barrière oblique, de manière à obliger les vaches à se ranger en épis, bien accolées les unes aux autres. Côté espace de tétée des veaux, j’ai monté deux barres de tétée horizontales sur toute la longueur des couloirs. Elles sont de hauteur réglable afin de permettre aux veaux un accès facile à la mamelle, tout en les empêchant de passer dans les couloirs des vaches.
F.R. : Étiez-vous confiant dans l’adaptation des vaches et de leurs veaux à ce système ?
N.A. : On n’est jamais sûr de rien lorsqu’on met en place quelque chose de totalement nouveau ! Mais sachant que cette solution marchait en élevage laitier, je me suis dit qu’il n’y avait pas de raison que ça ne marche pas en élevage de VSLM. L’apprentissage de l’entrée d’une quinzaine de vaches en enfilade dans le couloir de tétée principal a été l’affaire de quelques jours, pas plus. Moyennant quelques petites améliorations, je peux affirmer aujourd’hui que c’est un système qui fonctionne bien.
F.R. : Quels sont les principaux avantages d’un tel dispositif de tétée ?
N.A. : Le premier avantage, c’est qu’il nécessite moins de place et moins de tubulaires que les salles de tétée classiques ou, a fortiori, que celles en logettes alternées. Ensuite, on a une très bonne vision d’ensemble des vaches nourrices et des veaux au moment de la tétée, qui plus est avec une grande facilité à faire passer et retéter les veaux d’une vache à une autre. Une fois bloquées dans les couloirs, les vaches sont très calmes. De plus, elles ne voient pas et ne peuvent pas sentir les veaux qui les tètent, ce qui facilite grandement l’adoption et le multi-allaitement. Au total, ce système de tétée en épis me fait gagner un temps considérable par rapport à la tétée dans les vieilles étables, tout en travaillant dans des conditions beaucoup moins pénibles et bien plus agréables !
F.R. : Avec un recul de 6 mois, quels enseignements pratiques en retirez-vous ?
N.A. : J’ai déjà constaté qu’il n’est pas indispensable de distribuer la ration complémentaire de farine aux vaches sur l’aire de tétée pour les y faire venir. Au contraire, il faut l’éviter pour qu’elles ne se précipitent pas dans les couloirs de tétée et pour qu’elles y séjournent plus tranquillement.
D’autre part, j’ai jugé préférable d’attacher les veaux à la barrière de tétée pendant qu’ils tètent pour qu’ils ne soient pas tentés de changer de nourrice sans arrêt, mais aussi et surtout pour les empêcher de courir d’un bout à l’autre de l’aire de tétée.
Mais il y a aussi des améliorations à apporter à ce dispositif. J’en vois deux à faire rapidement. Tout d’abords, rainurer la partie bétonnée où les veaux stationnent pour la tétée ou bien y apposer un tapis antidérapant, car les veaux glissent beaucoup sur le béton lisse pendant la tétée. Ensuite, je dois modifier le positionnement en hauteur du tube supérieur de la barrière de tétée (qui comporte deux rangées de tubes), car celui-ci blesse certaines vaches bloquées dans le couloir de tétée au niveau des hanches et des ischions.
F.R. : Quesl sont vos prochains projets ?
N.A. : Maintenant que je suis bien équipé au niveau des bâtiments, ma nouvelle priorité est d’améliorer et d’homogénéiser la génétique de mon troupeau. J’ai fait récemment le choix de m’orienter vers la race Limousine comme race dominante de mon troupeau. Mon deuxième objectif est de rationaliser la conduite de mes 40 ha de surfaces fourragères, de façon à en améliorer leur rendement et donc le chargement en UGB. J’ai en effet le projet de passer de 44 vaches actuellement à 60 en 2014-2015, et cela sans surfaces fourragères, c’est-à-dire sans avoir à rogner sur les 25 ha de terres labourables. Pour réussir cette intensification, je vais m’employer à :
– chauler les parcelles trop acides pour en remonter le pH,
– mieux raisonner la fumure de fond et les apports d’azote sur les prairies,
– régénérer par sursemis (semis direct) les prairies dont la flore est dégradée,
– pratiquer le pâturage tournant dynamique.
F.R. : Qu’avez-vous envie de dire aux jeunes qui hésitent à s’installer en VSLM ?
N.A. : Je leur dirais d’abord que c’est une production passionnante et qui ne peut que passionner les éleveurs qui la découvrent, s’ils se dotent de bonnes conditions de travail.
Je leur dirais ensuite : Organisez-vous, adoptez des solutions qui vous permettent de gagner du temps et vous verrez que c’est une production qui n’est pas beaucoup plus exigeante en travail que la production de broutards. Dès lors, avec une organisation rationnelle et simplifiée du travail, vous pourrez vous faire remplacer facilement pour pouvoir partir de temps en temps. Pour ma part, le nouveau bâtiment m’a permis de réduire et de simplifier le travail de l’alimentation, du paillage, du curage et bien sûr de la tétée des veaux. Les week-ends, je me débrouille pour n’avoir que la tétée à faire et, avec mon système en épis, il m’est vraiment facile de me faire remplacer !
Je leur dirais enfin que nous, éleveurs de veaux sous la mère en démarche de qualité Label Rouge, avons la chance d’être sur un segment de marché haut de gamme, bien différencié, avec un produit noble qui est très prisé par des consommateurs disposés à débourser un peu plus d’argent pour acheter de bons produits. À nous de savoir saisir cette chance en étant capables d’approvisionner, en quantité et en qualité, ce marché de niche qui dégage une bonne plus-value et garantit la viabilité économique des petites exploitations dans nos régions défavorisées ou de montagne. Il y aura toujours de la place dans cette production pour les éleveurs compétents et motivés !
L’exploitation en bref…
- Département : Haute-Garonne
- Petite région : Comminges
- Installation : 2008
- Main d’œuvre : 1 U.M.O.
- Organisation de producteurs : ELVEA 31
- Parcellaire : 65 ha de SAU dont :
– 12,5 ha de céréales paille (blé, triticale)
– 12,5 ha de maïs grain derrière une dérobée (RGI/Trèfle incarnat ou méteil)
– 40 ha de SFP (prairies naturelles)
- Cheptel :
– 29 mères Limousines, Aubrac, Bazadaises et croisées viande
– 15 tantes Montbéliardes
– 1 taureau Bazadais (+ pratique de l’IA)
- Production annuelle : 40 à 45 veaux sous la mère
Commentaires fermés.