Un « Printemps » sous le signe de l’industrie

Publié le 17 avril 2016

Le pôle de compétitivité Agri Sud-Ouest Innovation organisait son traditionnel Printemps à Labège, le 22 mars dernier, devant plus de 400 participants. L’occasion pour Daniel Segonds, Président et Vincent Costes, nouveau Directeur du Pôle, d’échanger avec les acteurs du monde agricole, agro-alimentaire et agro-industriel, sur le thème des « défis d’un leader mondial de l’agroalimentaire ».

En quelques décennies, le secteur de l’agroalimentaire est devenu un moteur de croissance de notre économie mondialisée. Le modèle de distribution « de la ferme à la table » a laissé place à un transit considérable de marchandises à travers la planète. Les facteurs que doivent prendre en compte les grands groupes mondiaux de l’agroalimentaire sont nombreux : quête permanente de croissance, élargissement des horizons, complexité des chaines d’approvisionnement, pouvoir de la technologie, dérégularisation, extrême volatilité des cours des matières premières, diversité des réglementations et des normes de sécurité alimentaire selon les pays ou les régions, diversité des attentes des consommateurs, etc. Invité d’honneur de ce Printemps 2016, le Président du Conseil d’Administration du Groupe Danone, Franck Riboud, était le témoin idéal pour apporter son expertise sur les défis qu’a à relever un leader mondial de l’agroalimentaire. Entré dans le groupe en 1980, Franck Riboud y exercera différentes responsabilités de contrôle de gestion, de marketing et de ventes, notamment auprès des « grands clients ».

Il devient directeur du département Développement de Danone en 1994, avec pour mission d’assurer l’internationalisation de Groupe. Ainsi, sous son impulsion, l’entreprise s’installe en Asie et en Amérique Latine. En 15 ans, il fait de Danone un leader mondial de l’agroalimentaire avec pour objectif d’être numéro un local dans chaque pays où il est implanté. Président du Conseil d’Administration depuis 2014, Franck Riboud a recentré Danone autour de trois axes majeurs : l’eau, les produits laitiers frais et la nutrition infantile.

Se retrouver autour de la qualité

Après avoir fait un tour d’horizon du marché agroalimentaire et agro-industriel mondial et ses grands enjeux, Franck Riboud s’est prêté de bonne grâce aux questions/réponse avec la salle. Interpellé par Christophe Canal, producteur de lait et Président de la Chambre d’Agriculture du Lot, il a insisté sur la nécessité de tirer les filières agricoles françaises vers la qualité. « Il nous sera très difficile d’être compétitifs, en France, sur les produits standards mondiaux », estime-t-il. « Ceci dit, est-ce le but que nous voulons poursuivre ? Quand vous allez aux États-Unis, pays de la productivité, et que vous regardez ce qu’ils « bouffent » en bout de chaîne, vous prenez peur ! Ce n’est clairement pas le modèle qu’il faut suivre chez nous. La valorisation de l’agriculture et l’agroalimentaire français se fera sur la qualité. En cela, les grandes entreprises agroalimentaires ont un rôle à jouer. C’est une orientation politique qu’elles doivent prendre, en cessant de considérer les coopératives et entreprises qui nous approvisionnent comme de simples fournisseurs de matières premières. Les groupes comme Danone ont les reins assez solides pour épauler et donner de la lisibilité à nos producteurs. Il faut casser cette division entre ceux qui font de la valeur ajoutée et ceux qui produisent la matière première. Si nous arrivons à développer une valorisation par la qualité, forcément ce souci de qualité et d’innovation va remonter toute la chaîne, d’amont en aval. Mais il faut, pour cela, que les distributeurs acceptent que les prix soient plus élevés, quelle que soit la guerre qu’ils se livrent entre eux. Le Gouvernement devrait être beaucoup plus agressif sur ce sujet. Les actuelles négociations entre les Pouvoirs Publics et la grande distribution sont malheureusement risibles. Pourtant, avec ses circuits de formation, sa recherche performante et ses pôles de compétitivité, la France est armée pour innovation dans des produits de qualité. Mais il faudrait, politiquement, accompagner le mouvement plutôt que de rentrer dans la sur-norme, comme on le fait trop bien dans ce pays. »

La rentabilité n’est pas un gros mot

S’adressant à une étudiante qui l’interrogeait sur l’agriculture  bio, il a rappelé l’importance de ne pas opposer les différents modes de production. Il y a 15 ans, Danone a ainsi lancé « Les deux vaches », une société spécialisée dans le yaourt 100% bio. Le but initial était de venir en aide aux producteurs de lait bio qui manquaient de débouchés et vendait leur lait au prix du conventionnel. Malgré son succès, la société n’est rentable que depuis l’année dernière. « Le bio n’est pas la solution universelle », déclarait-il. « Pas tant que les prix seront aussi élevés. Mais pour les baisser, il faut des volumes, des acheteurs, en un mot : de la rentabilité. Il ne faut pas avoir peur des termes « rentabilité, profits, ou productivité ». C’est ce qui fait qu’une entreprise se développe, embauche, forme et fait de l’innovation. Si vous enlevez ces critères de compétitivité, plus rien ne fonctionne. Je suis attristé quand je vois l’opposition des étudiants au projet de loi sur la Travail. S’il faut attendre d’avoir 3 trimestres en chute libre pour faire de l’efficacité, on n’a rien compris ! C’est quand le compteur va bien qu’il faut mettre en place des systèmes qui favorisent la productivité, sans pour autant exclure des engagements sociaux forts. Je me bats sur ce thème depuis des années, mais les choses n’avancent pas. »

 

Komplantes élu « Projet de l’année » par les lycéens

Mis en place par le Pôle il y a 5 ans, le Prix des Lycéens a pour objectif de sensibiliser les jeunes générations à l’importance et à la diversité de l’innovation dans les secteurs agricoles et agroalimentaires. Pour cette édition 2016, 600 élèves de Première, Terminale et BTS de 28 classes venant de 16 établissements d’enseignement général ou agricole devaient élire le projet le plus novateur à leurs yeux. Au cours de l’année, des étudiants de l’ENSAT et de Bordeaux Sciences Agro se sont mués en professeurs pour présenter aux lycéens, dans leurs classes, les projets retenus par Agri Sud-Ouest Innovation. En compétition, on retrouvait donc trois projets. Tout d’abord, Demos, porté par la société Inovfruit de Mussidan (24), vise à développer un système de cuisson et décontamination par micro-onde de graines oléagineuses (colza, tournesol, soja) à très haut débit (objectif : 30 T/h), intégrable sur une ligne de production industrielle. Ensuite venait Stevianov, un projet de l’Épi Salvagnacois (81) qui vise à développer une filière agricole française, tracée et de qualité, de Stevia, une plante d’origine sud-américaine dont on extrait un édulcorant intense. Enfin, Komplantes, porté par Caribou TG, société basée à Réalville (82) et spécialisée dans l’alimentation animale, est un projet de création d’une gamme de compléments alimentaires naturels pour animaux d’élevage, issus d’infusions de plantes fermentées.

Robert Genibre (Caribou TG), porteur du projet Komplantes, reçoit le prix des lycéens par une élève du lycée agricole d'Ondes.
Robert Genibre (Caribou TG), porteur du projet Komplantes, reçoit le prix des lycéens par une élève du lycée agricole d’Ondes.

C’est ce dernier qui a remporté les suffrages des jeunes. Ils ont particulièrement apprécié l’objectif de Komplantes de contribuer à la réduction du recours aux médicaments en élevage. Il s’agit en effet d’infusions de plantes, qui fermentent entre un et six mois avec des kéfirs (levures et ferments naturels originaires d’Asie centrales). Ces compléments alimentaires, qui sont disponibles sous forme liquide ou en poudre, disposent de propriétés antiparasitaires intéressantes, notamment sur des nématodes gastro-intestinaux (strongles) et sur des protozoaires (coccidies), fréquemment retrouvés dans les élevages de bovins, caprins, ovins et volailles.

« Le choix de Komplantes par les lycéens est intéressant », se félicite Daniel Segonds, Président d’Agri Sud-Ouest Innovation. « Il démontre parfaitement que la préservation de notre environnement et la santé humaine et animale sont au cœur des préoccupations des jeunes générations. » Le trophée a été remis à Robert Genibre, gérant de Caribou et Hervé Hoste, chercheur, par des élèves du Lycée agricole d’Ondes, accompagnés de leur professeur.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia