Publié le 2 mai 2012
À première vue, ce TD 5030 de chez New Holland n’a rien de particulier. Stationné sous un hangar d’une exploitation de Roumens, à côté de Revel, il est pourtant l’objet de toutes les attentions de la part de son propriétaire, Michel Berjaud. Ce céréalier de 51 ans peaufine, ce jour-là, quelques réglages avec Patrick Duhamel, directeur technique des Établissements Lavail. Il faut dire que ce modeste tracteur de 80 cv va partir en Irlande du Nord, en octobre prochain, pour concourir aux championnats d’Europe 2012 de labour à plat. Si cette sélection de niveau international est l’aboutissement logique d’années d’entraînement, mettre sur pied une telle expédition n’est tout de même pas une mince affaire.
Long is the road…
… ou « longue est la route », pour ceux qui auraient séché les cours d’anglais à l’école. Cette aventure européenne est en effet un long parcours, dans tous les sens du terme. Dans le temps, puisque Michel Berjaud a fait son premier concours de labour en 1976, sous l’impulsion de deux agriculteurs voisins, Didier et Pierre Puget. Et dans l’espace, avec un tracteur à amener dans le canton de Londonderry, à précisément 1.963 km de Roumens si l’on en croit internet… « Les frais d’inscription et d’hébergement pour une douzaine de jours sont pris en charge par l’association France Labour », explique l’agriculteur. « Mais l’acheminement aller-retour du matériel est à ma charge. J’en ai à peu près pour 3.500 € avec les Transports Vieu de Revel. » Autant dire que le recours au sponsoring est indispensable pour financer ce déplacement. Si Lavail s’est déjà investi dans ce défi, Michel Berjaud attend avec confiance les réponses d’autres partenaires potentiels. Pas question, bien entendu, de gagner de l’argent avec ce concours, qui reste un loisir pour l’ensemble de ses participants. Un loisir qui pourrait vite devenir coûteux, s’il n’avait pas recours à l’entraide et la solidarité du monde agricole. « La seule modification sur le tracteur a été l’ajout d’une distribution hydraulique, installée par Lavail », précise-t-il. « La charrue est le seul outil vraiment spécifique pour un concours de labour. Elle est équipée de couteaux circulaires et d’un réglage hydraulique. Et celle que je vais utiliser en Irlande m’a été prêtée par André Grilhères, un ami et voisin qui a été champion de France de labour en 81. C’est d’ailleurs toujours lui, ainsi que d’autres anciens compétiteurs comme André Latché, Guy Bermond, Bernard Barbaste et Jean-François Batigne (champion de France 93) qui me conseillent dans ma préparation et mes entrainements. » Car Michel s’entraîne tous les week-ends sur une parcelle de son exploitation. Il a beau avoir 35 ans de concours derrière lui, il avoue ne jamais arrêter d’apprendre. « Si le matériel est maintenant plus facile à régler qu’avant, les règles de base n’ont pas changé », estime-t-il. « Le GPS étant interdit de séjour dans la cabine, il y a toujours des trucs et astuces qu’on découvre avec le temps et l’expérience. »
L’internationale des valeurs agricoles
Mais qu’est-ce qui plait tant à Michel Berjaud dans cette compétition ? « C’est une bonne école de la vie professionnelle et un moyen de partager des valeurs universelles, même si on ne parle pas la même langue », répond-t-il simplement. « On apprend à observer, à être précis et méticuleux. On apprend à respecter son matériel et ses adversaires. On apprend le plaisir du travail bien fait. Et on apprend à partager et transmettre sa passion. J’ai beaucoup appris des anciens. Je m’efforce donc d’être un exemple pour les jeunes générations et de leur donner envie de participer à une activité qui symbolise une grande partie de l’âme campagnarde. » Michel Berjaud n’en est pas à son coup d’essai en matière de compétition internationale. Membre de France Labour, il est aussi jury pour de nombreux concours, ce qui lui a donné l’occasion de visiter d’autres pays et de découvrir d’autres cultures, d’autres systèmes d’organisation. Et sa passion pour cette compétition n’a fait que se renforcer au contact de ses collègues français et étrangers. Chaque concours international est l’occasion d’un défilé de tracteurs, groupés par pays, et le moyen de faire connaissance avec les traditions locales. « L’Irlande du Nord étant très catholique, il y aura même une bénédiction des tracteurs », ajoute-t-il. Notre haut-garonnais défilera donc en compagnie de Jean-Marie Brice, compétiteur de Haute-Saône. Ils ont fini respectivement 2 et 3ème lors des sélections qui avaient eu lieu à Montauban, du 25 au 28 août derniers. Les premiers des catégories « labour à plat » et « labour en planche » iront, eux, disputer le championnat du monde, courant septembre en Croatie. Un niveau de compétition encore supérieur que Michel Berjaud atteindra peut-être dans les années à venir. Mais pour l’heure, il reste concentré sur l’Irlande et s’entraîne dur, sous la houlette d’un coach, Albert Viret, ancien commercial en machinisme agricole dans la Drôme, venu lui prêter main forte. Encore un exemple de la solidarité qui anime tous ces passionnés de la terre bien travaillée… Nous ne manquerons pas de revenir sur la conclusion de cette aventure et, quoiqu’il en soit, l’équipe du TUP lui souhaite de se faire plaisir et de porter haut les couleurs de la Haute-Garonne.