Publié le 25 novembre 2016
« Plus on est de fous, plus on rit », parait-il… À St Pierre de la Réunion, on en comptait un bon paquet, le 20 octobre 2016 ! Dans une ambiance de fête, avec rues bondées et orchestres tous les 100 mètres, 2.640 fous furieux s’élançaient pour le départ du Grand Raid de l’Île de la Réunion. Réputée parmi les plus difficiles au monde, cette course traverse l’île du sud-est au nord-ouest, en passant par les massifs et cirques volcaniques du centre. Au final, 167 km de course pour 9.717 mètres de dénivelé positif ! De quoi largement justifier son autre nom de « Diagonale des Fous ». Le plus rapide l’a avalée en 23h44 et le dernier, en 66 heures. Entre les deux, Jacques-André Couret, 51 ans, éleveur de limousines à Aspet…
« Un moyen de se vider la tête »
Le métier d’éleveur est prenant, souvent stressant et rarement de tout repos. Pour évacuer la pression, chacun sa méthode. Jacques-André Couret a choisi de courir. Il a commencé il y a une quinzaine d’années, « juste pour se vider la tête », explique-t-il. Au départ, il parcourt de petites distances. Puis le virus du trail le prend. Il court de plus en plus régulièrement autour de chez lui, allonge progressivement ses parcours puis s’inscrit aux « Galopins du Cagire », le club de trail local. C’est comme cela qu’il se retrouve à participer au Grand Raid des Pyrénées, en 2010. Il arrive à finir cette « promenade » de 165 km et décide de s’aligner sur les courses les plus mythiques du trail extrême, comme l’UTMB (Ultra-Trail du Mont-Blanc) qu’il courra en 2012.
La Diagonale des Fous, il y pense depuis longtemps et décide de se lancer en 2015. Pour cela, il se prépare pendant un mois en ralliant, sur quatre week-ends consécutifs, Hendaye à l’Ariège par le GR10 qui traverse tout le massif des Pyrénées d’Est en Ouest. En juillet 2016, il s’offre enfin un test, avec les 108 km du Gran Trail Aneto-Posets, qui accuse un dénivelé positif de 6.700 m. C’est donc sereinement qu’il aborde la Diagonale, en octobre. Il a pour cela le soutien de sa compagne, Muriel, qui s’est mise à la course, elle aussi. « Entre son élevage et les courses, je n’avais pas trop le choix si je voulais le voir », confesse cette secrétaire dans le milieu médico-social. Mais elle se limite à des parcours beaucoup plus modestes. Ensemble, ils boucleront tout de même le GR20, la célèbre traversée nord-sud de la Corse, en 8 jours quand un bon randonneur met en général deux semaines. C’est aussi ensemble qu’ils prennent l’avion pour la Réunion, le 17 octobre dernier.
55 heures sans dormir
Les fous sont lâchés à 22 h, ce jeudi 20 octobre… Une première difficulté pour les coureurs qui, dans leur majorité, sont levés depuis le matin. L’autre difficulté est que le raid débute directement par 40 km d’ascension pour atteindre le Piton Textor, point culminant de la course à 2.165 mètres. JAC, comme le surnomment ses collègues du club, y parviendra en 9h. S’il a eu un coup de mou vers 4h du matin, il s’est refusé à dormir un peu, comme cela se fait souvent, par crainte de perdre son rythme. Il ne s’autorisera un arrêt de deux heures… qu’au bout de 120 km. Et encore, porté par les nerfs, il ne fermera pas l’œil et terminera la diagonale sans dormir. Le plus dur, hormis la fatigue, a été de gérer les variations de climat. Étouffantes en journée, avec un très fort taux d’humidité, les températures tombaient à 3° la nuit. Malgré cela et les passages dans des endroits très boueux, Jacques-André a eu la chance de ne pas attraper d’ampoules. Et Muriel était là pour l’encourager tout au long du périple sur les portions accessibles en voiture. Il franchira la ligne d’arrivée à St Denis de la Réunion, épuisé mais ravi, le dimanche 23 octobre à 4h25 du matin. Après une course de 54 heures et 26 mn… Il termine 1.151ème au classement général, au terme d’un raid qui aura vu 30% de ses participants abandonner. « C’est une des plus belles courses que j’ai pu faire », confiera-t-il. « Les paysages sont fabuleux et l’ambiance est une vraie folie ! »
Si le couple passera quelques jours de vacances sur place avant de rentrer, notre éleveur ne les passera pas à dormir. Tout au plus s’accorde-t-il une heure de sommeil supplémentaire par nuit. Le 28, il regagne Aspet et se remet au travail dès le lendemain. « Si j’avais commencé à courir plus jeune, j’aurais peut-être pu me trouver des sponsors », explique-t-il. « Ce qui m’aurait bien arrangé, vu le budget que représente cette aventure. » Car au prix de l’inscription et des billets d’avion, Jacques-André doit ajouter celui du Service de Remplacement pour faire tourner l’élevage en son absence. Mais il ne regrette rien et après 10 jours de récupération physique, il s’est remis à la course. « Mes collègues de l’ACVA me considèrent un peu comme un extra-terrestre », sourit-il. « Beaucoup me charrient et me disent que si j’avais un vrai métier, je n’aurais pas le temps de courir. Mais c’est comme ça que j’ai trouvé mon équilibre et je ne compte pas m’arrêter tout de suite. » Et c’est bien tout le mal qu’on lui souhaite…