Publié le 20 novembre 2013
C’est un nouveau coup dur pour la filière équine. Depuis plusieurs années, elle se bat pour maintenir le taux de TVA réduit applicable à la filière cheval. Cet avantage fiscal est en effet condamné par la Cour de Justice de l’Union Européenne. Après de nombreux revirements, le Gouvernement français, qui avait pourtant adopté fin 2012 un amendement permettant de conserver un taux de TVA réduit pour les activités équestres, a finalement cédé en mars 2013 : fin du taux réduit pour les ventes d’équidés vivants pour une utilisation de sport, loisir ou course, ainsi que pour l’entraînement des équidés de courses, et les pensions de chevaux retraités. Soit un saut de 7 à 19,6 % dans la majorité des cas, applicable à partir du 1er janvier 2014.
Après les éleveurs, les centres équestres touchés
Ce fut un coup dur pour les éleveurs, mais à l’époque, les centres équestres avaient évité le pire. Cependant, le 25 octobre 2013, le Gouvernement a annoncé être “contraint de mettre fin, à partir du 1er janvier 2014, au taux réduit de TVA pour les activités des centres équestres, taux qui passera de 7 % à 20 % ” (le taux normal de TVA passera en effet de 19,6 % à 20 % au 1er janvier 2014).
La réaction des professionnels de la filière équestre, Fédération Nationale du Cheval (FNC), Groupement Hippique National (GHN) et FNSEA, ne s’est pas faite attendre : dès le 30 octobre, ils unissaient leurs voix pour déclarer « TVA équestre : il faut agir, réagir … et ne pas subir », en demandant « formellement au Gouvernement de poursuivre les actions et procédures auprès de la Commission Européenne pour que soit reconnue la possibilité d’appliquer à la filière équestre le taux de 7 % de TVA ». Pour appuyer cette demande, la filière cheval de Midi-Pyrénées a organisé une manifestation à Toulouse le mardi 12 novembre (voir encadré ci-dessous).
Les centres équestres pensaient avoir été compris
« Nous, professionnels des centres équestres, pensions que nous avions été compris », s’indigne Jacques Arthuys, Délégué Régional du GHN et responsable du centre équestre La Bidoune, à Escosse. « Historiquement, les sports équestres se sont développés à partir de gens qui avaient les moyens de monter à cheval. Mais dans les années 80-90, en France, nous avons fait un gros effort de démocratisation, afin que l’équitation devienne un sport pour tous. Nous avons réussi : entre 1984 et 2011, le nombre de cavaliers licenciés à la Fédération Française d’Équitation (FFE) est passé de 145.000 à plus de 700.000. »
Pourtant, il rappelle que les centres équestres ont dû se battre pour obtenir le statut agricole et ses avantages : « Nous avons mis 15 ans à expliquer aux pouvoirs publics que notre métier est bien celui de paysan. Pour pouvoir mettre les gens à cheval, nous devons entretenir nos animaux toute l’année, tous les jours, comme n’importe quel éleveur. » Les centres équestres ont obtenu gain de cause en 2004 : « Nous avons enfin été compris. Nous avions promis de développer la filière notamment dans les territoires ruraux, de créer de l’emploi, d’améliorer la qualité de la cavalerie et des installations. C’est ce qui s’est passé. Depuis 2005, 3.000 nouveaux centres équestres ont été créés et grâce à la fiscalité avantageuse obtenue, nous avons investi : entre 700 et 800 millions € par an sur le milliard d’euros de chiffre d’affaire annuel du secteur. Ce dynamisme français est d’ailleurs une exception remarquable. »
« C’est une condamnation à mort … »
Jacques Arthuys rappelle également les centres équestres sont tenus par des entrepreneurs privés, non subventionnés, avec une réalité économique : « la marge nette moyenne d’un centre équestre est de 7 %. Appliquer une augmentation de la TVA de 13 % conduit donc forcément à la fermeture pure et simple de l’entreprise ! » Au total, la filière estime que 2.000 clubs sur les 8.000 français disparaîtraient dès l’année prochaine. Soit 6.000 emplois détruits, plus de 60.000 équins abattus et la perte de l’accès de nombreux cavaliers à un loisir sportif, mais aussi éducatif. En effet, les centres équestres ne peuvent pas répercuter une telle hausse de la TVA sur leurs tarifs : « Ce serait une révolution ! Je perdrais un quart de ma clientèle. Mais je ne peux pas non plus me permettre de rogner sur ma marge. »
C’est donc l’incompréhension face à « l’absurdité » d’une telle mesure qui domine chez les professionnels. « Rien ne tient la route dans cette hausse », tempête-t-il. « En sacrifiant une filière au développement exemplaire, les répercussions économiques et sociales seront telles que cette modification de la fiscalité coûtera à l’État bien plus que les 30 millions de rentrée fiscale escomptés ! » Leur espoir est donc maintenant d’être entendus.
Esther Laurens (Terres d’Ariège)
L’ampleur de la mobilisation était la preuve de l’inquiétude de la filière équine régionale. Plus de 700 personnes, accompagnées de 250 chevaux, ont ainsi exprimé leur colère depuis l’hippodrome de la Cépière à Toulouse jusqu’aux portes de la Préfecture de région, le mardi 12 novembre dernier.
Reçue par Monsieur Soleil, le Directeur adjoint du cabinet du Préfet, une délégation de responsables de la filière équine régionale* a présenté les chiffres et résultats économiques de la filière équine en Midi-Pyrénées, avant de détailler les graves répercussions qu’engendrerait le passage à une TVA à 20%. « Nous avons été écoutés, mais reste à savoir si nous serons entendus… », lançait à la foule Jacques Arthuys, à la sortie de l’entretien. « Si la mobilisation d’aujourd’hui ne suffit pas, nous n’aurons d’autre choix que de descendre à nouveau dans la rue. Continuons à sensibiliser nos clients, nos élus et tous les citoyens. Nous faisons un beau métier, nous sommes une belle filière et nous voulons continuer à la développer sans avoir peur de devoir fermer boutique du jour au lendemain à cause d’une mesure aberrante. »
Une crainte que partageait la majorité des manifestants présents. « Je fais un peu moins de 400.000 € de chiffre d’affaires par an », expliquait Ludovic Darrigan, directeur d’un centre équestre près de Muret. « Si la TVA est appliquée, ça me fera près de 50.000 € de moins. Et là, je ne passe plus financièrement… »
Mais vu les positions du ministre du Budget, Pierre Moscovici, qui faisait publier « tel quel », le lendemain même, le décret sur cette TVA équine, on risque fort de réentendre parler sous peu des centres équestres…
* Jacques Arthuys (GHN), Jean Henry (Comité Régional d’Équitation), Gérard Dupuy (Conseil du Cheval Midi-Pyrénées), Alexandra Picard (Commission paritaire pour l’emploi – entreprises équestres) et Laurent Prenat (Fédération Nationale du Cheval)