Publié le 1er septembre 2016
C’est à force de passer devant l’incinérateur de Bessières que Gilles Briffaud a eu l’idée un peu folle, en 2011, d’utiliser la chaleur résiduelle produite par l’usine pour chauffer une serre géante et produire des légumes de qualité en grandes quantités, pour alimenter le marché toulousain. Cinq ans plus tard, sa vision s’est concrétisée. Le 5 juillet 2016, « Les Serres de Bessières » étaient officiellement présentées aux médias. Rencontre avec un « agriculteur/entrepreneur » vraiment pas comme les autres.
Défi technologique
Gilles Briffaud est un agriculteur « multicartes ». Installé depuis 1977, ce Purpanais de formation a développé plusieurs activités de production et commercialisation de produits régionaux, dont la gestion est regroupée au sein d’une entreprise familiale, la FIBAQ. Il est ainsi présent dans le Tarn, la Haute-Garonne, le Gers et la Dordogne, où il produit du melon, du raisin, des prunes/pruneaux et des céréales. Toujours à la recherche de nouvelles opportunités, il comprend vite le potentiel que représenterait la récupération de la chaleur perdue par l’incinérateur de Bessières. La société Econotre (filiale de Suez), propriétaire de cette unité, se montre intéressée par le concept. De même que Decoset, qui gère le traitement des déchets du nord de Toulouse. Ce syndicat mixte investira 3 millions d’€ dans le système de captation et d’acheminement de la chaleur entre l’usine de retraitement et les serres, situées à quelques centaines de mètres. Au final, un contrat tripartite de 25 ans sera signé entre Econotre, Decoset et Les serres de Bessières. Restait un problème technique à résoudre. « La vapeur d’eau produite par l’incinérateur sort à 42°C », explique Gilles Briffaud. « Habituellement, les serres sont chauffées à 65°. Il fallait trouver un moyen de faire pousser des tomates aussi bien qu’en serre traditionnelle, mais en basse température. J’ai cherché un constructeur qui puisse relever le défi. Un seul a accepté, la société néerlandaise Horconex. » S’en suivent alors plusieurs mois d’études et essais pour aboutir à un système de serres cathédrales à haute performance énergétique, aptes à répondre aux besoins de la culture. Ce système combine chauffage à basse température, climatisation et déshumidification. Des tubes situés au sol et au milieu des plants de tomates, hauts de 5 mètres, chauffent les végétaux. Un double système d’écrans thermiques et d’ombrage permet de gérer la luminosité et d’isoler la serre des grosses chaleurs. Enfin, une ventilation dynamique aspire l’air extérieur et le mélange à celui de la serre dans des armoires spécifiques, pour l’amener à la bonne température. En injectant de l’air sec, le climat de la serre limite la formation d’humidité sur les cultures et donc le risque de maladies cryptogamiques. « Tout est piloté par informatique », complète Gilles Briffaud. « Non seulement ce système est d’une grande efficacité, mais il est aussi très économe. La déshumidification et le double écran thermique nous permettent de diviser quasiment par deux notre facture énergétique. Après une première campagne de tomate, le bilan est au-delà de nos espérances. Alors que nous avions prévu 2 MW par ha, on constate que 1,2 MW suffit amplement. Du coup, il serait envisageable d’étendre notre surface de serres pour employer cette énergie non utilisée. »
À la conquête du marché régional
La tomate grappe représente la moitié du marché de la tomate en France. Le M.I.N. de Toulouse en écoule en moyenne 12.000 tonnes chaque année, dont moins de 30% viennent de Midi-Pyrénées. Un déséquilibre que l’entrepreneur compte bien corriger. En effet, les Serres de Bessières ne visent pas moins que d’alimenter 20 à 25% du volume de tomates grappes écoulées dans l’aire urbaine toulousaine. « Nous sommes en concurrence avec des pays comme le Maroc, l’Espagne, la Hollande ou la Belgique, mais aussi avec des zones de production françaises, comme la Bretagne », rappelle-t-il. « Notre atout est qu’avec notre zone de conditionnement à 30 mètres des serres, on récolte à un stade de maturité beaucoup plus optimal que nos concurrents. Quand ils font de la tomate pour voyager, nous, nous faisons de la tomate pour manger ! Les tomates produites dans le nord de la France doivent être collectées chez plusieurs producteurs, puis acheminées par camion au M.I.N. de Toulouse. Les nôtres passent de la serre à l’étal du commerçant, le jour même ! »
Et les premiers résultats sont plus qu’encourageants. La construction des serres a débuté le 25 août 2015 et le 4 février suivant, 30.000 m² étaient opérationnels. Le 8, les 90.000 premiers pieds de tomate ont été installés, avec quelques semaines de retard pour une variété, la Clodano, qui se plante normalement en décembre. « Nous avons récolté 1.500 T entre avril et juillet, qui se sont écoulées très vite, à tel point que je manque de produit aujourd’hui pour répondre à la demande », se félicite Gilles Briffaud. « L’année prochaine, nous devrions en produire 300 de plus, en commençant à l’heure. » D’ici 2018, Les serres de Bessières devraient disposer de 100.000 m² de surface de production. De quoi atteindre l’objectif annuel de 4.500 T de tomates. Elles sont commercialisées auprès du M.I.N., des commerces de gros et demi-gros et des GMS de la région. Livrées dans un colis neutre, elles arborent un petit drapeau « Tomate de Toulouse » qui – espère l’agriculteur – fera la différence lors de l’achat par le consommateur. Un consommateur que Les serres de Bessières comptent également séduire par le mode de production de ses légumes.
Performances techniques et environnementales
Et les premiers résultats sont plus qu’encourageants. La construction des serres a débuté le 25 août 2015 et le 4 février suivant, 30.000 m² étaient opérationnels. Le 8, les 90.000 premiers pieds de tomate ont été installés, avec quelques semaines de retard pour une variété, la Clodano, qui se plante normalement en décembre. « Nous avons récolté 1.500 T entre avril et juillet, qui se sont écoulées très vite, à tel point que je manque de produit aujourd’hui pour répondre à la demande », se félicite Gilles Briffaud. « L’année prochaine, nous devrions en produire 300 de plus, en commençant à l’heure. » D’ici 2018, Les serres de Bessières devraient disposer de 100.000 m² de surface de production. De quoi atteindre l’objectif annuel de 4.500 T de tomates. Elles sont commercialisées auprès du M.I.N., des commerces de gros et demi-gros et des GMS de la région. Livrées dans un colis neutre, elles arborent un petit drapeau « Tomate de Toulouse » qui – espère l’agriculteur – fera la différence lors de l’achat par le consommateur. Un consommateur que Les serres de Bessières comptent également séduire par le mode de production
Pour cette première campagne, le rendement des tomates était de l’ordre de 50 kg/m², quand la moyenne d’une production sous serre classique se situe à 42. « Ce n’est qu’un début, nous visons un rendement de 62 kg/m² », affirme Herman Meurs, directeur d’exploitation qui gère, avec son épouse XXX, toute la partie agronomique. Ces deux spécialistes passionnés surveillent l’évolution des plants comme le lait sur le feu. Croissance, santé, présence de ravageurs ou maladies, rien n’est laissé au hasard pour sortir un maximum de ces plants, avec un coût le plus bas possible et une conduite la plus vertueuse possible. « Les serres reproduisent le climat idéal au bon développement des plantes », poursuit l’expert. « Le système est déjà économe en énergie, mais il nous permet de diminuer drastiquement les risques sanitaires… et donc les traitements phytosanitaires. C’est ce qui m’a plu quand on m’a présenté ce projet : pas de recours aux énergies fossiles, faible niveau d’intrants et recyclage maximum. » De fait, les eaux de drainage sont intégralement récupérées et réinjectées dans le système. Ce qui permet d’économiser environ 30% de la consommation en eau et 35% en engrais. Pour la protection des cultures, les auxiliaires de culture (des insectes prédateurs des principaux ravageurs et des bourdons chargés de la pollinisation) sont directement élevés dans les serres de Bessières. « C’est ma plus grande fierté à ce jour », confie Gilles Briffaud. « J’en suis le premier surpris mais jusqu’à présent, nous avons réussi à conduire les cultures sans phytosanitaires. Malgré le printemps pluvieux, nous avons pu passer au travers des attaques de ravageurs et maladies. Il y a bien eu des alertes en mai et juin, avec quelques infestations très localisées. Heureusement, nous avons une spécialiste à l’œil très affuté. Elle a détecté les premiers symptômes très tôt et nous avons pu intervenir sur le système climatique. Cela a suffi à corriger le tir et stopper la maladie, sans même intervenir sur la plante ! »
Quand une serre traditionnelle répartit ses charges à part égale entre énergie (chauffage, ventilation), intrants (fertilisation, terreau, substrat, eau, etc.) et main d’œuvre, les serres de Bessières parviennent donc à considérablement réduire les deux premiers postes. Celui de la Main d’œuvre est, par contre, plus élevé, en raison de l’importante technicité requise par le système. 35 emplois ont déjà été créés et c’est près d’une centaine d’embauches qui est prévue à terme. Mais au final, malgré des installations 15% plus chères que des serres classiques sans écran et ventilation, les coûts de production sont parfaitement maîtrisés. « C’est la seule solution pour s’en sortir », estime Gilles Briffaud. « En 40 ans de métier, je n’ai jamais rien vendu. J’ai toujours dû me contenter du prix que « m’accordent » les acheteurs. Je me suis donc fixé comme objectif de produire à moins d’1€/kg. Et nous allons y arriver. »
Une déclaration qui ne peut que réjouir les investisseurs et partenaires. D’un montant total de 18 millions d’€, le projet a reçu le soutien de la région Occitanie et FranceAgriMer et financera 15% de ses besoins au moyen des Certificats d’Économie d’Énergie, puisqu’il permet de séquestrer 800 T. de CO2 par an et d’utiliser 28.000 MWh/an d’une énergie jusqu’alors perdue. Les serres de Bessières sont une SAS dont 40% sont détenus par la FIBAQ, 40% par Oubatimes (une société de Grenade dirigée par Claude Domenget, par ailleurs directeur général des serres) et 20% par Agro Invest. « C’est un fonds de développement spécialisé dans l’agro-industrie et l’agroalimentaire », explique Gilles Briffaud. « Ils ont accepté de financer le projet sur ma simple motivation et ont apporté 4 millions d’€ sur les 7 déjà investis à ce jour. C’est tout à leur honneur et je sais qu’ils ont, tout comme moi, connu quelques nuits difficiles et eu des nœuds au ventre. Mais ils ont recommencé à respirer et sont prêts à poursuivre l’aventure. » Une suite qui se traduira entre autres, par l’introduction de la culture du concombre, la construction d’une serre de démonstration de 640 m² et la création d’un pôle maraîcher de 20 ha voisins des serres pour installer des jeunes sur des cultures en pleine terres. Une chose est sûre, on n’a pas fini d’entendre parler des serres de Bessières…
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