Publié le 13 avril 2016
Soirée très pointue au centre Diagora de Labège, ce 30 mars. Pour ses Rencontres annuelles, le Crédit Agricole Toulouse 31 avait invité Gilles Babinet, le digital champion de la France auprès de la Commission européenne. « Cela veut dire, en fait, qu’on m’a demandé de représenter mon pays à Bruxelles pour tout ce qui concerne les enjeux de l’économie numérique, mais également de promouvoir les avantages d’une société numérique en France », expliquait cet autodidacte de 49 ans, qui a fondé pas moins de 9 sociétés à succès dans sa carrière, débutée à 22 ans. Pendant près d’une heure, il a ainsi passé en revue les grands axes de la révolution digitale et la façon dont elle bouleverse notre façon d’appréhender le monde. D’après certaines projections, chaque habitant de la planète sera connecté d’ici 2025. Une donnée qui, selon Gilles Babinet, impose aux entreprises de se pencher très rapidement sur les moyens de s’y adapter.
Une rupture plus culturelle que technologique
La transformation digitale de notre société est une évidence. Les énormes progrès technologiques ont fait – et font toujours – fondre les coûts de l’échange et du stockage de l’information. Les frontières disparaissent devant l’émergence d’un village planétaire connecté avec ses nouveaux codes et ses nouvelles règles. Dans leur grande majorité, les PME françaises ne savent comment aborder cette révolution et craignent plus ses conséquences qu’elles n’en perçoivent les opportunités. Pour Gilles Babinet, s’il comprend qu’on puisse se sentir démuni devant la transformation digitale, les blocages sont plus d’ordre culturel que technologique. Il livrait alors les quatre principes essentiels qui permettent, selon lui, d’aborder ce virage numérique.
Tout d’abord, aucune société ne peut réussir sa transformation digitale sans une implication totale de la direction générale, voire des actionnaires. « Il s’agit de passer d’un modèle hiérarchique vertical à un modèle horizontal », déclarait-il. « Les entreprises devront fonctionner en équipes restreintes pluridisciplinaires, rassemblées autour d’un projet commun. Les États-Unis ont inventé le terme « pizza team » (équipe pizza). Pour être réactive et efficace, une équipe « Projet » ne doit pas compter plus de personnes que ne peuvent en rassasier deux pizzas géantes dans une réunion de travail. C’est donc la fin des directeurs et autres chefs de service. Autant dire que sans une ferme volonté du directeur général pour imposer ce changement, c’est perdu d’avance. »
Se former et s’ouvrir au changement
Le 2ème principe est de penser en deux temps à la fois : temps long et temps court. Le temps long, ou industriel, est celui de la transformation du système d’information de l’entreprise en plate-forme de données, pour en unifier l’accès au sein et à l’extérieur de la société. Mais pour ne pas décourager les collaborateurs et les accoutumer progressivement au digital, il faut mettre en place, sur des temps courts, des expérimentations : rencontres avec des start-up, concours d’innovation, etc. Vient ensuite le principe de formation. Par des cours collectifs ou individuels, il s’agira de mettre à niveau l’intégralité du personnel, en fonction de leur type d’activité. Le dernier principe est celui de l’ouverture. « L’entreprise « digitalisée » échange avec son écosystème », résume Gilles Babinet. « Elle met des données à disposition en ligne, qui peuvent permettre à des communautés de créatifs d’ajouter des innovations ou des services complémentaires à ceux qu’elle fournit. » Ainsi, une des phrases-choc qu’il a coutume de lancer est « Ne protégez plus vos innovations; partagez-les ! » Une vraie révolution intellectuelle.
Est-ce alors la fin des grandes entreprises ? Non, assure l’expert. Il parle plutôt d’hybridation entre les entreprises et les start-up. Un discours repris par Michel Mathieu, Directeur Général adjoint de Crédit Agricole SA. « À l’image des Villages de start-up que le Crédit Agricole a créé, avec d’autres partenaires, à Paris et dans d’autres villes de France, nous allons assimiler les façons de travailler de ces jeunes pousses et explorer de nouveaux champs d’activité qui nous étaient jusque-là inconnus. En échange, nous leur offrons notre assistance et notre assise financière pour les aider à grandir et devenir de futurs partenaires. Être digital et avoir des milliers de salariés n’est pas incompatible. »