Publié le 12 février 2017
Ils n’étaient pas peu fiers, les gens de Terres Inovia ! Le 27 janvier 2017, des membres de cet Institut Technique spécialisé dans les cultures oléoprotéagineuses présentaient aux techniciens de coopératives et d’organismes agricoles, le bilan provisoire d’une expérimentation dans le Sud-Ouest de culture de colza associée à des légumineuses. Testée depuis 5 ans sur plus de 160 sites dans d’autres régions de France, le moins qu’on puisse dire est que les résultats de cette technique sont des plus encourageants. Terres Inovia en faisait, ce jour-là, la démonstration en Haute-Garonne, le matin, pour la conduite en agriculture biologique, et dans le Gers, l’après-midi, pour une conduite en conventionnel.
Une technique aux multiples bénéfices
Les cultures de colza dans le Sud-Ouest sont tout particulièrement exposées aux attaques récurrentes de ravageurs, qui sont de plus en plus résistants aux insecticides. Les innovations agronomiques dans la région cherchent à améliorer les rendements, en luttant efficacement contre les ravageurs, tout en respectant mieux l’environnement. Parmi ces innovations, l’association du colza à une légumineuse (trèfle d’Alexandrie, fenugrec, lentille, féverole, vesce commune ou pourpre, etc.) est l’un des leviers actuellement testés en Occitanie, en agriculture biologique et conventionnelle. Semées en même temps que le colza, ces légumineuses accompagnent ce dernier jusqu’au cœur de l’hiver, où le gel est attendu pour faire disparaître ces plantes compagnes. Elles auront contribué à protéger le colza des ravageurs d’automne, comme la grosse altise ou le charançon du bourgeon terminal, et à limiter l’envahissement par les mauvaises herbes. De plus, cette présence ne sera pas neutre pour la suite, par sa contribution à l’alimentation en azote du colza sur l’ensemble du cycle.
Dans le centre de la France, où cette technique se développe, les avantages sont nombreux. Les essais ont ainsi montré une augmentation des rendements de 10 %, soit un gain moyen de 3 qx/ha, et une augmentation du potentiel agronomique de la parcelle qui se répercute sur les cultures suivantes. Les bénéfices environnementaux sont indéniables, avec un recours plus limité aux herbicides, aux insecticides et aux engrais. Les charges de désherbage ont ainsi diminué de 20 à 30% et la technique a permis de supprimer l’utilisation d’au moins un insecticide. La réduction d’apport d’engrais permet d’économiser 30 unités/ha en moyenne.
Objectif 100.000 hectares
Pour Terres Inovia, cette technique devrait se développer prioritairement, en France, sur les 100.000 ha les plus exposés aux insectes d’automne et où sévissent des résistances aux insecticides. Notons qu’elle est matériellement accessible puisqu’aucun matériel supplémentaire ou spécifique n’est nécessaire. À terme, plus de 40 % de la sole française de colza (1,5 million ha) pourrait valoriser pleinement cette technique. Le ministère de l’agriculture et la profession sont tombés d’accord pour accompagner le développement de cette innovation. Elle bénéficie ainsi d’un Certificat d’Économie de Produits Phytosanitaires (CEPP).
L’accompagnement agronomique est également essentiel. Terres Inovia a donc édité un guide technique destiné aux agriculteurs et propose une formation spécifique aux techniciens de terrain et aux agriculteurs désireux de tester cette technique.
du Pôle Agriculture Bio de Terres Inovia
Sécuriser son colza, même en bio !
Alors que la culture de soja, très répandue dans le Sud-Ouest, ne pose pas de problème particulier à être menée en production biologique, il en va tout autrement du colza. Implantation difficile, problèmes de levée, pression trop importante des ravageurs, il était convenu que faire du colza bio était impossible ou presque dans la région. Il y a pourtant un marché, certes de niche mais très porteur, puisque la France ne satisfait qu’à peine un quart de la demande nationale de colza bio. Poussé, entre autres, par des collecteurs, le pôle Bio de Terres Inovia, épaulé par l’ITAB, a décidé de relever ce challenge. Et compte y parvenir, au moyen de quatre leviers agronomiques.
« Le colza est différent des cultures traditionnelles d’ici », explique Jean Raimbault. « Il dispose de ce qu’on appelle une capacité de compensation. Cassez la fleur ou le bourgeon d’un tournesol, par exemple, et la plante est fichue. Le colza, lui, a des ramifications sur sa tige principale, comme les branches d’un arbre. Si ça casse à un endroit, il peut se ramifier, faire des rejets, re-bourgeonner et donc survivre à une attaque, s’il a suffisamment de force. Toute notre ambition va donc être de réussir à mettre en place un colza vigoureux, d’une croissance active mais mesurée, pour qu’il puisse récupérer d’une agression. »
Pour ce faire, la première des choses est de sécuriser la levée. Les techniciens de Terres Inovia ont trouvé la réponse dans l’irrigation. Si elle n’est pas obligatoire en conventionnel, qui dispose de solutions en cas de souci, l’irrigation sera un atout majeur en bio. Le deuxième levier est celui des plantes compagnes. « Une féverole, par exemple, semée en même temps que le colza, en août-début septembre, fait son cycle à l’automne puis cède la place au seul colza », poursuit Jean Raimbault. « Ces deux plantes vont changer la nature du couvert végétal habituel et perturber le comportement et mode de vie de certains insectes ravageurs. Nous avons ainsi constaté une diminution de moitié du pourcentage d’attaques, par rapport à un colza seul. Quand on sait qu’un traitement phytosanitaire bien mené diminue de moitié le taux d’attaque de ravageurs comme le charançon du bourgeon terminal, vous comprenez tout l’intérêt de ces plantes compagnes en bio, tout comme en conventionnel. » Le 3ème axe d’action est de rendre le colza « poussant » à l’automne. Plus celui-ci va accumuler de matière verte (faire des feuilles) à l’automne, moins il aura besoin d’azote au printemps. En conduite bio, on apportera de la fumure organique (ici, des fientes de poule en localisé) à l’automne, qui sera bien absorbée par la plante et évite la volatilisation. Le dernier levier réside dans le mélange de plusieurs variétés de colza. Au printemps, un insecte, le méligèthe, attaque le colza avant qu’il soit en fleur et vient casser les boutons – et la silique – pour chercher le pollen dont il se nourrit. Il peut occasionner de graves pertes de rendements. L’idée est donc d’ajouter, au semis, un petit pourcentage de graines d’une variété très précoce, qui nourrira les insectes au bénéfice du reste du colza.
« Toutes ces démarches sont aussi valables en conduite conventionnelle », conclut Jean Raimbault. « Elles permettent un réduction substantielle de la pression sanitaire et des coûts de lutte qui en découle. Pour le colza bio, les résultats que nous avons présentés aujourd’hui nous donnent vraiment espoir de voir se développer cette culture dans notre région et offrir une opportunité supplémentaire aux producteurs bio. »