Pour contrecarrer la baisse inquiétante du nombre d’exploitations bovins lait, les jeunes éleveurs mènent un projet de valorisation du lait à l’échelle Sud-Ouest.
Objectif : maintenir la filière en créant une marque. Dans un contexte agricole compliqué, le Sud-Ouest est l’une des zones françaises où le taux de disparition des exploitations bovins lait est le plus fort. Dans ce sens, les installations dans cette production se raréfient et se font souvent en vente directe.
Dans le même temps, les crises sanitaires et alimentaires ont conduit les consommateurs à porter une attention croissante à leurs achats et à rechercher des produits locaux et éthiques. Les producteurs de lait se trouvent face au double enjeu de répondre à la demande sociétale tout en trouvant des solutions pour maintenir la filière laitière. Il y a deux ans, la conférence de bassin lait Sud-Ouest, réunie par Pascal Mailhos, préfet de région, a donné l’occasion à deux jeunes producteurs de lait, Sébastien Albouy (photo) et Iban Pebet, de prendre les choses en main. Ces administrateurs JA, respectivement pour l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine, ont fait connaissance et se sont retrouvés sur le constat alarmant et l’envie de monter un projet de filière.
Trois réunions et un séminaire JA plus tard, un projet ambitieux, auquel une trentaine de producteurs a contribué est né : créer une marque pour valoriser le lait du Sud-Ouest. « L’idée a été confortée par une enquête d’élèves ingénieurs de l’Ensat de Toulouse auprès de la grande distribution, détaille Sébastien Albouy. Les chefs de rayon ont signalé l’absence de beurre et lait d’origine locale sur les linéaires, alors que le fromage et les yaourts étaient présents. »
Un prix fixé à l’avance
Pour maintenir la filière laitière, et donc les outils de production dans le Sud-Ouest, le projet comporte une dimension économique : un prix minimum sera garanti à tous les éleveurs engagés dans la démarche. Ce prix de base couvrira le coût de revient moyen, évalué à 355 €/ 1 000 litres. Une prime de 20 €/ 1 000 litres, sera attribuée pour le respect du cahier des charges. Celui-ci mettra en avant la production locale sur des structures familiales, l’alimentation sans OGM provenant de la région et des laiteries à proximité des élevages et des points de vente. Il valorisera le bien-être animal, la qualité du lait, la réduction des traitements antibiotiques et le bilan carbone.
Pour l’heure, ce cahier des charges reste à finaliser. Une concertation entre l’ensemble des acteurs de la filière, en fonction des labels déjà existants, va permettre d’affiner les axes du document. Enfin – et c’est là toute l’originalité de l’initiative – la démarche doit aider des jeunes à s’installer sur des fermes viables et vivables via la mise en place d’un fonds installation de type financement participatif.
Ainsi, une prime supplémentaire de 10 €/ 1 000 litres sera appliquée sur 15 ans pour les jeunes installés. Une durée pendant laquelle ce montant équivaut au financement de 40 vaches laitières, à travers l’achat réel d’animaux ou le rachat de parts sociales dans une société existante. Pour les éleveurs, ces prix sont la garantie de connaître à l’avance leur rémunération. « Notre lait est produit et consommé dans le Sud-Ouest. Il n’y a aucune raison que son prix soit déterminé en référence avec le prix mondial », s’insurge Sébastien Albouy. « Quand les jeunes s’installent, il leur est demandé de bâtir un budget prévisionnel. Or, nous ne connaissons pas le prix du lait à l’avance.
Le projet, tel qu’il est bâti, doit donner de la visibilité aux producteurs », complète Iban Pebet.
Meilleure visibilité
Quant au surcoût, il est estimé à 6 centimes d’euros par litre de lait. Un montant que les producteurs de lait pensent acceptable par le consommateur, qui devient ainsi acteur de l’installation grâce à son achat citoyen. Le projet est maintenant finalisé depuis quelques
jours. Désormais porté par le groupement d’intérêt économique (GIE) Élevage Occitanie, la création de cette marque bénéficie du soutien
de la région Occitanie. Pour Sébastien Albouy et Iban Pebet, l’enjeu consiste maintenant à convaincre les industriels de l’intérêt de cette
marque ombrelle qui ne déstructure pas leur offre mais la fait monter en gamme. Avec l’espoir de démarrer en 2020.