Publié le 12 avril 2013
À l’heure où les énergies renouvelables occupent de plus en plus le devant de la scène, la méthanisation semble être une voie à ne pas négliger, à l’image de ce que réalisent déjà nos voisins allemands depuis plusieurs années. Un projet intéressant est ainsi à l’étude du côté de Cazères. Mais pour avancer, l’implication des agriculteurs est indispensable.
Une problématique « eau » comme point de départ
Lors du Grenelle de l’environnement, la zone de captage d’eau de Lavelanet de Comminges a été inscrite comme zone prioritaire à protéger. Du fait de son importance vis-à-vis de la population qu’il dessert et de son taux de nitrates trop élevé, l’Agence de l’Eau Adour-Garonne*, sur les recommandations de 3 bureaux d’études, a défini autour de ce point de captage un périmètre de 600 ha dans lequel il fallait entreprendre des actions visant à améliorer et préserver la qualité de l’eau. Ce périmètre se trouvant dans la zone d’influence de la Régie d’Eau et Assainissement de Cazères, cette dernière s’est emparée de cette problématique et s’est sérieusement penchée sur la question. « Durant 9 mois, nous avons enquêté auprès de tous les acteurs de ce périmètre utilisant des nitrates et des produits phytosanitaires », explique Philippe Saunier, directeur d’Eleance (entité qui regroupe la régie d’eau et assainissement mais aussi les 3 régies d’électricité). « Cela comprend les agriculteurs mais aussi les industries et les services de voirie. Concernant l’agriculture, nous avons relevé, d’une part, que la majeure partie des terres concernées était composée de prairies recevant des effluents d’élevage et, d’autre part, que ce périmètre était classé en Zone Vulnérable. Nous avons donc cherché un moyen de concilier les contraintes des éleveurs relatives au stockage de ces effluents avec notre action de protection de la zone de captage. C’est là que l’idée d’une unité de méthanisation, avec les atouts qu’elle peut proposer à l’agriculture, a commencé à germer. »
Un projet qui reste à calibrer
« Les connaissances multiples d’Eleance en matière d’énergie, d’eau et d’assainissement nous permettent d’être compétents sur quasiment tous les volets d’une unité de méthanisation », poursuit Philippe Saunier. « Nous avons donc décidé de creuser cette idée et de faire appel à des partenaires pour nous aider à évaluer la viabilité d’un tel projet. » Après un appel d’offre en juin 2012, la société Méthaneva a été retenue pour réaliser l’étude de faisabilité et la Chambre d’Agriculture de Haute-Garonne pour enquêter auprès des agriculteurs d’une large zone autour du point de captage. En effet, les 600 ha de l’aire de captage sont largement insuffisants à alimenter une grosse unité de méthanisation. Eleance et ses partenaires ont donc élargi les investigations à tous les acteurs potentiels situés à 20 minutes de route maximum de Cazères. « Après avoir défini une zone d’étude, nous avons répertorié et invité les 170 éleveurs concernés à une réunion d’information organisée par la Régie fin janvier », précise Jean-Michel Geniez, le conseiller agricole référent énergie de la Chambre d’Agriculture 31, en charge de ce dossier. « Cette réunion avait pour objectif de présenter le projet et de commencer à recueillir des informations, notamment sur les quantités d’effluents potentiels. Nous avons ensuite effectué des enquêtes terrain et téléphonique pour une partie de ces agriculteurs, de manière à avoir des données quantitatives mais aussi qualitatives (motivation,…). » Pour les gisements non agricoles, c’est Méthaneva qui s’est chargée de contacter les industriels ou encore les collectivités territoriales de cette zone.
Répondez aux enquêtes de la Chambre d’Agriculture !
Pour le moment, la Chambre d’Agriculture a obtenu une quarantaine de réponses aux enquêtes, dont très peu de retours de courrier spontanés. « Le formulaire d’enquête a été envoyé avec une lettre d’intention de collecte, ce qui fait peut-être peur à certains agriculteurs », estime Jean-Michel Geniez. « De plus, les agriculteurs ont du mal à voir leur intérêt dans un tel projet. Étant donné qu’on n’est qu’au début du projet, rien de concret ne peut encore être proposé. » Il n’y a pourtant pas de craintes à avoir, rétorque Philippe Saunier. « Une lettre d’intention n’est ni un contrat, ni une lettre d’engagement définitif », insiste-t-il. « En répondant à cette enquête et en signant cette lettre, il s’agit plus d’une déclaration comme quoi l’agriculteur n’est pas déjà en contrat avec un autre opérateur et d’un engagement moral à ne pas mettre en vente ses ressources à d’autres, pendant la durée du montage du projet, soit environ 24 mois. Je rappelle que nous n’en sommes qu’au stade d’étude et que rien, loin s’en faut, n’est acté. Car tant que le potentiel réel de ce territoire n’aura pas été évalué avec un minimum de précision, il est quasiment impossible de savoir si le projet est viable, ni vers quel type d’unité de méthanisation s’orienter, ni quelle devra être sa taille ou même où il faudrait l’implanter. Nous avons donc impérativement besoin d’un maximum de retours pour nous faire une idée de ce nous pouvons entreprendre. Seuls, nous ne pouvons rien faire. » On l’aura compris, le temps des signatures de contrat est encore loin. Du reste, si le projet venait à se concrétiser, des propositions commerciales seront proposées en temps voulu aux agriculteurs souhaitant s’engager. Lesquels auront toute liberté de le signer ou non.
« Même si nous devons avancer dans l’étude, il n’est pas trop tard pour remplir et renvoyer le formulaire », précise Jean-Michel Geniez. « Cela nous permettra d’affiner les gisements mobilisables – et donc la partie économique – pour ensuite faire des propositions commerciales. Sans gisements, pas de projets et donc pas de propositions ! Il est donc vraiment important que le monde agricole soit acteur dans ces projets. Il a beaucoup plus à gagner qu’à y perdre. Des cas concrets, dans d’autres régions, en attestent. C’est pourquoi la Chambre d’Agriculture tâche de s’investir sur cette thématique. Nous comptons donc sur les agriculteurs pour se manifester. »
* L’Agence de l’eau Adour-Garonne est le premier financeur de cette étude, suivi par le Conseil Régional de Midi-Pyrénées et l’ADEME.
En premier lieux, le captage classé prioritaire bénéficiera, par une meilleure gestion des intrants, d’une situation pérenne et d’une eau souterraine de qualité à long terme. La méthanisation permet de recycler de nombreuses matières : la biomasse agricole (déjections animales, résidus de culture, culture intermédiaires), les déchets industriels (abattoir, laiterie, conserverie, huiles…) et les déchets de collectivités (tontes, biodéchets, etc.).
De même, la production d’une unité de méthanisation peut avoir plusieurs destinations. Le digestat peut être épandu. Quant au biogaz, il peut être vendu pour être injecté dans les réseaux de gaz. Mais il peut aussi être utilisé pour produire, par cogénération, de l’électricité ou de la chaleur pour chauffer des habitations, des entreprises ou encore sécher des fourrages.
Côté agriculture, les avantages d’une unité de méthanisation sont loin d’être négligeables. Elle peut permettre notamment d’éviter aux éleveurs situés en Zone Vulnérable d’augmenter leur capacité de stockage d’effluents, vu que ces derniers pourraient être collectés par l’unité de méthanisation et stockés sur son site. On peut aussi envisager la mise en place d’un plan d’épandage collectif mutualisé, géré et suivi par l’unité (administratif, épandage). D’autant plus que le digestat à épandre aura été préalablement traité pour en réduire le nombre de pathogènes et d’adventices, ainsi que pour atténuer son odeur.
D’un point de vue agronomique, la méthanisation permet d’augmenter l’efficacité de l’azote. En effet, une fois transformés en digestat, les effluents ou déchets voient leur taux d’azote assimilable augmenter. De plus, le digestat peut être séparé en digestat solide, qui se comporte comme un engrais de fond, et en digestat liquide, plus proche d’un engrais azoté. Des économies d’engrais minéral sont possibles pour les agriculteurs, notamment sur des projets avec beaucoup de déchets non agricoles.
Enfin, la méthanisation est aussi un bon moyen de valoriser les cultures intermédiaires, jusque-là inexploitées, ou encore les issus de silos et les menues pailles.