Publié le 18 octobre 2015
Changement d’adresse pour l’Assemblée Générale 2015 du CERFRANCE 31. Ce 6 octobre dernier, l’habituel Espace Diagora à Labège a fait place au Centre International de conférence de Météo France, à Basso Cambo dans la périphérie toulousaine. Une Assemblée Générale marquée cette année par la présence du célèbre journaliste économique Jean-Marc Sylvestre, dont la conférence clôturait la journée.
Des ateliers sous le signe de l’innovation
Comme on ne change pas une formule qui marche, le CERFRANCE 31 a maintenu le regroupement, sur une demi-journée, de l’Assemblée Générale statutaire, de la désormais traditionnelle conférence de la soirée « Entreprises », mais aussi des ateliers d’informations et d’échanges. Ces ateliers d’une vingtaine de minutes ont été lancés en 2012 pour faire bénéficier les participants de l’AG des nombreuses et diverses compétences, services et domaines d’action présents au sein du CERFRANCE 31. Cette année au nombre de 6, ils portaient sur les matières sociales, l’optimisation des résultats, l’agronomie, la gestion de patrimoine, internet ou encore le pilotage d’entreprise. Malgré cette diversité de sujets, tous avaient en commun de traiter de près ou de loin d’innovation. Quel que soit le domaine, c’était le maître mot de la journée et la participation de plus de 200 personnes à un ou plusieurs ateliers montrait que l’attente est réelle en la matière. Et ce n’était pas l’invité d’honneur qui allait dire le contraire. Jean-Marc Sylvestre a débuté son intervention sur la pertinence des ateliers de l’après-midi. « Il y a des raisons d’être optimiste, malgré la morosité ambiante en France », déclarait-il. « Mais elles passent toutes par la capacité qu’auront nos entreprises à proposer des solutions innovantes, dans la production, la communication ou les services. Ce que j’ai pu entendre lors des ateliers va dans le bon sens. »
« La crise, c’est juste dans la tête… »
Alors qu’on ne parle que d’elle depuis 2008, la crise – ou plutôt les moyens d’en sortir – était le thème de la conférence de la soirée. Chroniqueur économique à TF1, LCI et BFM TV, entre autres, Jean-Marc Sylvestre a côtoyé nombre de responsables politiques et économiques nationaux et internationaux. Aux premières loges depuis le début des évènements, autant dire que son témoignage et ses analyses étaient très attendus. Et le public n’a pas été déçu. Émaillant son discours d’anecdotes sur ses principaux acteurs, il est revenu sur la crise, ou plutôt les crises, qui ont marqué ces 8 dernières années. Jean-Marc Sylvestre distingue en effet, la crise immobilière, par où tout a commencé en 2007 aux USA, de celle du crédit (2008), puis de la crise économique (2009). S’en suivront la crise sociale à partir de 2010 et enfin, celle dont nous voyons peut-être la fin : la crise de la dette. « Contrairement à des pays comme le Portugal, l’Italie, ou l’Espagne, la France a tellement amorti ces crises en recourant à l’endettement public, que celle-ci en a presque été indolore pour ses citoyens », estime-t-il. « Sauf que maintenant, il faut rembourser… » Pour lui, le gros de la crise est passé. En tout cas en Europe, où les signaux de la reprise sont visibles. Pourtant, la France peine à redécoller. « Nous avons pourtant tous les atouts en main », poursuit Jean-Marc Sylvestre. « L’Euro est à la baisse, l’énergie n’a quasiment jamais été aussi bon marché, l’environnement international est pour l’instant porteur et les taux d’intérêt très bas devraient encourager l’investissement. Mais l’argent ne circule pas, ou mal, en France. Entreprises et banques se renvoient la responsabilité. Nous avons un problème de confiance. Chez nous, la crise a toujours été davantage dans les esprits que dans les faits. »
Passer à une « logique d’offre »
Pour le journaliste, les pays qui retrouvent la croissance sont ceux qui ont entrepris de lourdes, et souvent douloureuses, réformes pour retrouver de la compétitivité : réduction des déficits publics, réforme du droit du travail au travers d’accords avec les syndicats, réforme des politiques fiscales, etc. « Mais la France est paralysée par la peur de la mutation », insiste-t-il. « Notre croissance a toujours été fondée sur des industries et des produits traditionnels. Nous sommes maintenant très en retard sur la révolution digitale et l’innovation au sens large. Il faut rompre avec les anciens modèles et passer d’une logique de la demande à une logique de l’offre. En résumé, il s’agit de proposer des produits dont le marché peut avoir besoin, même s’il n’en est pas encore conscient. » S’appuyant sur les travaux de l’économiste Schumpeter, il soutient que la mécanique économique dépend de l’offre et du chef d’entreprise. C’est à ce dernier de détecter les besoins et désirs de ses contemporains et de leur offrir des produits qui vont ensuite trouver leurs marchés et créer de l’activité, donc des emplois. Utilisant la métaphore de la forêt, où il faut parfois couper les arbres les plus vieux pour permettre la croissance des jeunes pousses, il estime qu’il faudra avoir le courage de sacrifier de vieilles industries pour en faire émerger de nouvelles.
Le français, champion de l’angoisse
Selon diverses études, 60% des produits utilisés aujourd’hui n’existaient pas il y a 10 ans. « Ce qui veut dire que 60 % de ceux qui seront utilisés dans 10 ans n’existent pas aujourd’hui ou sont en cours de développement », ajoute Jean-Marc Sylvestre. « Il y a donc des opportunités énormes. » Il dresse alors un tableau rapide des grandes caractéristiques du monde de demain, marqué par le progrès technique, la mondialisation des échanges, des produits et des services, et avec comme corolaire, une concurrence accrue entre pays. « Or progrès technique, mondialisation et concurrence sont justement les trois plus grandes craintes des français dans tous les sondages », s’exclament le journaliste. « On a peur de tout ce qui peut être une opportunité. Regardez le progrès technologique : on en a tellement peur qu’on a inventé le principe de précaution et qu’on l’a inscrit dans la constitution ! La France est un véritable paradis fiscal pour la recherche. Nous attirons les meilleurs chercheurs au monde avec des crédits recherche considérables. Mais une fois des solutions ébauchées, nous en interdisons toute expérimentation sur notre sol… Résultat, nos start-ups partent développer à l’étranger des technologies conçues ici. Nous avions la meilleure agriculture au monde et aujourd’hui, nous sommes à la traîne dans tous les secteurs à cause d’une accumulation démesurée de normes dues à l’angoisse française du progrès. »
Pendant près de 2 heures, Jean-Marc Sylvestre a donc plaidé pour un retour de l’optimisme dans le paysage économique et politique français, et incité les entrepreneurs à devancer les attentes du marché et, du coup, créer eux-mêmes leur niche et/ou leur valeur ajoutée. « Avec la révolution numérique, le client est devenu plus fort que le chef d’entreprise », concluait-il. « Grâce à internet, le client sait tout. Il a tout décortiqué et comparé. La difficulté est de reprendre le pouvoir sur lui. Il faudra pour cela le surprendre, lui raconter une histoire à laquelle il a envie d’adhérer et lui donner confiance en vos produits. Cela ne dépendra que de vous et pas des politiques. Il faut savoir que 40% des français vivent de revenus issus de la production, contre 60% de revenus issus de la redistribution. Ce sont logiquement ces derniers qui ont toute l’attention de nos élus… »