Les entrepreneurs veulent circuler !

Publié le 24 juin 2015

Des routes trop étroites ou à la végétation non adaptées à la circulation d’engins agricoles, des bordures ou terre-pleins centraux hauts et saillants, des ronds-points infranchissables, des panneaux et barrières gênants et inamovibles, des traversées de villes et villages interdits de même que les axes de contournement, des câbles téléphoniques trop bas, …, les obstacles et mésaventures rencontrés par les entrepreneurs de travaux agricoles, forestiers et ruraux au cours de leurs déplacements sont légions. Et le ras-le-bol guette.

Addition salée

« Contrairement à un agriculteur qui n’a comme seule préoccupation l’accès à ses parcelles, souvent regroupées autour de l’exploitation, un entrepreneur se déplace tout le temps, avec des engins souvent imposants, pour répondre aux demandes de ses clients », rappelle Nelly Masse Desaivres, déléguée régionale de l’Union Régionale des Entrepreneurs des Territoires (UREDT) Midi-Pyrénées. « Or circuler en convoi agricole devient de plus en plus compliqué. Nos adhérents nous font remonter des problèmes tous les jours. » Loin de n’être que des contretemps ou de l’agacement, l’inadaptation croissante des aménagements routiers et urbains aux convois agricoles a un coût dont les entrepreneurs se passeraient bien. « Nous avons beaucoup de casse matérielle », explique Jean-Claude Gasc, Président de l’UREDT Midi-Pyrénées. « Un rétroviseur par ci, un pneu par là. Mais à 300 € pour un pneu de remorque ou de semoir, et jusqu’à 2.000 € pour un pneu de tracteur, l’addition peut grimper très vite. » Un retard dû à un détour de plusieurs kilomètres pour éviter un obstacle compromet aussi la rentabilité d’un chantier. Au « mieux », il y aura une surconsommation de carburant. Plus grave, un retard peut faire manquer une fenêtre météo pour des interventions aux champs (labour, semis…) et obliger à reporter le chantier. Mais au pire, il peut faire rater la récolte d’un client.

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Jean-Claude Gasc (à gauche) a invité de nombreux acteurs publics et privés à répondre aux questions des entrepreneurs sur les problèmes de circulation des convois agricoles et forestiers

Cela fait plusieurs années qu’EDT alerte les différents intervenants publics ou privés et tente de leur faire prendre conscience des problèmes de circulation des entrepreneurs, mais aussi des questions de sécurité publique que cela entraîne. Des contacts ont été pris et des rencontres de travail ont eu lieu à plusieurs reprises pour faire avancer le dossier. « Nous avons édité des plaquettes de conseils aux entrepreneurs et les tenons informés de nos progrès en la matière », poursuit Nelly Masse Desaivres. « Mais relayer le contenu de nos rencontres nous semblait insuffisant. C’est pourquoi nous avons souhaité organiser une rencontre entre nos adhérents et des responsables de différents services concernés par la circulation des convois agricoles. »

Ça va mieux en le disant…

C’est dans l’amphithéâtre du lycée d’Ondes qu’aura lieu cette matinée d’échange, le 12 juin dernier. Sur le thème « Notre place au sein du réseau routier », les adhérents de Midi-Pyrénées ont pu interroger les représentants de la DREAL* (pour la conformité des engins roulant sur la voie), de la gendarmerie, du service Voirie du Conseil Départemental 31, d’Orange (pour les lignes téléphoniques) et de la MSA. Si beaucoup d’entrepreneurs n’avaient pu participer en raison des nombreux engagements en cette période de travaux, l’UREDT Midi-Pyrénées avait reçu quantité de questions à poser de leur part avant la rencontre, preuve de l’intérêt d’une telle journée. « Il fallait vraiment un face-à-face », reconnaît Jean-Claude Gasc. « Les entrepreneurs présents ont pu chacun raconter leur histoire et entendre la réponse, quand il y en avait une, du service concerné. » Très sollicités, les deux gendarmes du Peloton Motorisé de Toulouse ont reconnu les difficultés auxquelles devaient faire face les entrepreneurs. Mais s’ils se sont montrés intransigeants sur les questions de vitesse ou d’équipements de sécurité obligatoire, ils ont tout de même rappelé que le « bon sens » guidait la plupart du temps leurs décisions. Par exemple, un dépassement de poids d’un engin sur l’unique chemin d’accès à une parcelle est toléré, puisque l’entrepreneur ne peut faire autrement. « En règle générale, il faut savoir que pendant les moissons, il y a une plus grande tolérance », déclarait l’adjudant Patrice Marty. « La gendarmerie n’ira pas vous embêter pour nuisances sonores ou autres problèmes mineurs. Vous avez un travail urgent et important à faire, dans un temps limité, et nous ne sommes pas là pour vous mettre les bâtons dans les roues. »

EDT fait des propositions

Au-delà des ces échanges de points de vue et d’expériences plus ou moins malheureuses, la journée a aussi servi à rappeler aux intervenants les propositions faites par les Entrepreneurs des Territoires pour améliorer les conditions de circulation des convois agricoles (voir encadré). « Trop de problèmes viennent du fait que les aménageurs, qu’ils soient publics ou privés, ne pensent qu’aux véhicules légers dans le dimensionnement de leurs projets », insiste Jean-Claude Gasc. « Les engins agricoles, tout comme les poids lourds, sont trop souvent oubliés. Ce sont pourtant deux pans très importants de l’économie nationale qu’on entrave ainsi. Il faut donc déjà prendre le problème à la base, dès la phase de réflexion de tout projet d’aménagement. Ensuite, l’entretien et/ou l’amélioration des équipements de voiries doit intégrer le gabarit des convois agricoles dans ses modifications. Cela pourrait passer par des consultations systématiques du réseau EDT ou alors des rencontres périodiques pour faire le point sur des problèmes récurrents. » Le dernier point noir des problèmes de circulation ne vient pas, lui, de l’aménagement des voies mais plutôt de ses usagers. Comme les gendarmes l’ont aussi constaté lors de l’accompagnement de convois exceptionnels (type Airbus), les incivilités et l’énervement des automobilistes suivant un convoi agricole sont de plus en plus fréquents. Là aussi, la communication à destination du grand public sur les impératifs et la réalité du travail d’entrepreneur de travaux agricoles, forestiers et ruraux pourrait aider à améliorer ces comportements qui peuvent s’avérer dangereux. C’était d’ailleurs un des buts de la journée du 12 juin. Mais une fois encore, les médias généralistes invités à y assister ont surtout brillé par leur absence. Apprendre à tous les usagers à partager la route risque de prendre un peu de temps…

 

* Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement

 

7 propositions d’Entrepreneurs des Territoires
  1. Intégrer les déplacements des engins agricoles dans les projets d’aménagement des territoires.
  2. Privilégier des solutions d’aménagement qui permettent aux convois agricoles, de circuler librement et facilement (bande centrale à plat, bordures surbaissées, chicanes adaptées…) afin de répondre aux contraintes des clients du monde agricole et forestier.
  3. Assurer un entretien de la végétation aux abords des routes, qui permettrait la circulation des engins agricoles, camions, sans occasionner des dégâts sur le matériel.
  4. Consulter les entrepreneurs de travaux agricoles, ruraux et forestiers des territoires concernés, avant toute validation de projet d’aménagement.
  5. Organiser une rencontre annuelle entre les associations des maires, les élus locaux et le réseau Entrepreneurs Des Territoires.
  6. Sensibiliser les usagers de la route à partager le réseau routier avec les engins agricoles et ruraux.
  7. Communiquer sur le décret du 4 mai 2006, relatif à la circulation des véhicules et matériels agricoles ou forestiers et de leurs ensembles.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia