Publié le 1er juillet 2013
Grande première dans le domaine de l’abattage régional. Le 30 mai dernier à l’ENSAT d’Auzeville Tolosane, l’ensemble des acteurs publics ou privés des filières d’élevage, de la production à la transformation, était convié à une journée d’échanges et de réflexion sur l’avenir des abattoirs en Midi-Pyrénées. Organisé par le GIE Promotion Élevage Midi-Pyrénées, ce colloque s’articulait autour d’un état des lieux des abattoirs d’animaux de boucherie de la région. Il s’agissait notamment d’obtenir des éléments de réponses à des questions majeures : Qui sont les abattoirs de Midi-Pyrénées ? Quels sont les volumes traités dans ces outils ? D’où proviennent les animaux abattus en Midi-Pyrénées ? À quels circuits de commercialisation sont-ils destinés ? « Ce diagnostic a été réalisé avec l’appui de la DRAAF Midi-Pyrénées et de FranceAgriMer et mené par nos services, en collaboration avec les interprofessions Intersud et Midiporc », précisait en introduction François Toulis, Président du GIE. « S’il répond à une demande des responsables professionnels des filières d’élevage, ce travail a avant tout été mené dans le cadre de la mise en place des commissions interrégionales des abattoirs, voulue par le ministère de l’agriculture. » (voir interview de Bruno Lion, ci-dessous). Pendant toute une journée, près de 200 personnes ont analysé les résultats de cette étude inédite, lors de tables rondes ou de débats avec la salle. Une restitution des plus instructives dont nous vous proposons ici une synthèse.
Les abattoirs de Midi-Pyrénées : des profils variés
La région Midi-Pyrénées compte 26 abattoirs, pour plus de 197.000 tonnes abattues.
L’étude a classé les abattoirs en trois catégories, selon le tonnage abattu :
- les abattoirs de petite taille (moins de 2.000 tonnes), au nombre de 14 ;
- les abattoirs intermédiaires (2.000 à 10.000 t), au nombre de 21 ;
- les abattoirs industriels (plus de 10.000 t) ou intermédiaires appartenant à un groupe industriel, au nombre de 16.
La forte concentration du secteur est à noter, avec 80 % des volumes d’abattage réalisés par 4 opérateurs industriels (Bigard, Arcadie Sud-Ouest, APO, FIPSO). Les 20% restants sont réalisés pour des grossistes, des entreprises de transformation, des bouchers et des éleveurs.
Sur ces 26 abattoirs, 9 sont polyvalents, notamment les outils de petite taille ou intermédiaires (dont Pamiers et Saint-Girons, les deux abattoirs ariégeois). Les abattoirs spécialisés à l’inverse, au nombre de sept, sont des outils industriels, et représentent 43 % du volume total d’abattage. Enfin, en règle générale, plus les abattoirs traitent de volume, plus ils proposent de services, dont des ateliers de découpe/transformation.
Les abattoirs participent à la création d’emplois. Ils ont pourtant du mal à recruter du personnel compétent, en partie à cause de la faible attractivité du secteur.
Enfin, le statut juridique des abattoirs reste varié. Historiquement outils de proximité appartenant aux communes, soit un « service public », beaucoup d’abattoirs ont aujourd’hui laissé leur gouvernance à des privés ou ont même été revendus totalement.
Anticipant les résultats sur la rentabilité, les participants se sont posés la question de l’avenir des 13 abattoirs encore propriété de collectivités. Un Président de Communauté de Communes est intervenu pour indiquer qu’il ne recherchait pas forcément l’équilibre financier, mais se préoccupait d’avantage d’aménagement du territoire et de soutien aux filières, en maintenant un outil là où les privés ne vont pas. Tout en se posant la question de la gouvernance, et donc d’un statut de l’abattoir permettant une plus grande implication des acteurs, comme une SCIC par exemple.
L’activité des abattoirs : baisse des volumes et dépendance à un usager
Les abattoirs midi-pyrénéens traitent d’abord du porc (à 42%). Viennent ensuite les gros bovins (36%), les ovins (11%) et veaux (11%) et 429 tonnes d’autres espèces (équins, caprins). Cependant, la prédominance du porc est plus sensible dans les abattoirs industriels, la répartition entre espèces étant plus équilibrée dans les abattoirs de petite taille. Les animaux viennent à 62 % de la région, et sont destinés pour 40 % au reste de la France et à l’international. À noter, la boucherie reste le circuit de commercialisation principal dans les petits abattoirs (57 %), contre 85% pour les industries et les GMS dans les abattoirs industriels. Concernant les volumes abattus, ils ont augmenté de 6 % entre 2008 et 2012. Mais cette moyenne cache une baisse des volumes depuis 2011, impactant principalement les abattoirs industriels. Cette baisse, liée à une chute de la production pour toutes les espèces, est prévue pour durer en 2013. Autre facteur de risque, les abattoirs sont en majorité dépendants d’un utilisateur principal, notamment dans les abattoirs industriels. Peu contractualisent : les relations sont historiquement basées sur des accords verbaux.
La baisse des volumes et la dépendance à un petit nombre d’usagers menace donc les outils d’abattage. Et l’ensemble des filières, notamment les filières de qualité et les filières courtes, sont dépendantes de leur abattoir. Les acteurs présents ont donc rappelé l’importance de maintenir des soutiens à la production, afin de maintenir les volumes.
Rentabilité et compétitivité des abattoirs
L’étude ne donne pas de résultats économiques, mais présente un autre indicateur : le taux d’utilisation des outils d’abattage par rapport à leur capacité théorique. En moyenne, les petits abattoirs tournent à 58 %, les intermédiaires à 76 % et les industriels à 109 %. Étant donné les coûts fixes mis en œuvre par un abattoir pour rester compétitif, liés aux investissements réglementaires (sanitaires et environnementaux) et techniques, l’intérêt d’avoir des outils saturés pour maintenir la rentabilité et/ou des coûts d’abattage performants apparaît évident. Des solutions existent, comme le fonctionnement 4 jours sur 5 au lieu de 5/5, la valorisation du cinquième quartier (cuirs, gras, sang,…), des regroupements pour l’équarrissage,…
L’abattoir de proximité : à réinventer ?
Face à la conjoncture difficile, l’étude propose de travailler à rechercher une répartition géographique adéquate des abattoirs en fonction des capacités et des perspectives de production et de commercialisation de chaque outil. Ceci lance une réflexion sur la définition de l’abattoir de proximité : la recherche d’un équilibre entre production et débouchés, entre la distance parcourue et le type et tarif du service rendu, tout en maintenant le tissu économique local et en répondant à la demande sociétale du développement des circuits courts. La majorité des abattoirs souhaitent, quant à eux, repenser la cartographie des outils, en allant vers plus d’adéquation amont/aval, ce qui se traduirait selon eux par des regroupements d’outils. Ils attendent également des soutiens aux abattoirs, notamment des aides aux investissements, mais également sur la formation. Ils demandent également un soutien à l’élevage régional, face à la baisse des approvisionnements. Le tout dans un esprit « filière », partagé par tous les acteurs.
Esther Laurens (Terres d’Ariège)
Penser « collectif »…
« Ce n’est qu’un début… »
Dans le cadre des plans stratégiques des filières d’élevage, FranceAgriMer met en place un dispositif d’aides en faveur des entreprises d’abattage d’animaux de boucherie. Pour notre bassin, qui regroupe les 3 régions d’Aquitaine, de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon, c’est le préfet d’Aquitaine qui est chargé de proposer une stratégie de développement. Pour lui fournir les éléments les plus précis possible, la DRAAF Midi-Pyrénées et les acteurs régionaux de l’élevage ont décidé de mener cette étude d’envergure. Il nous semblait, en effet, important d’avoir une meilleure visibilité sur notre système régional des abattoirs pour mieux cerner les contraintes, attentes ou enjeux en termes de réorganisation ou restructuration de nos outils.
Cette étude est donc une photographie de départ, à l’échelle régionale, destinée à recenser les différents ouvrages en présence, les flux de marchandises, les dynamiques de marché, etc. Cette initiative inédite a en outre eu le grand mérite de permettre aux professionnels des filières bovines, ovines et porcines de prendre connaissance de leurs situations respectives. Si le besoin de visibilité avait déjà été exprimé par chaque filière, cette mise à niveau des connaissances, partagée par tous les partenaires, est une première. Elle n’a été possible que parce que tous les acteurs ont joué le jeu et ont fourni des données que nous avons pu compiler avec celles de l’administration.
La forte participation à ce colloque de restitution et la satisfaction exprimée par les professionnels présents montrent que cette étude répond à un véritable besoin. Mais ce n’est qu’un début. Il va falloir maintenant transformer cette connaissance commune en stratégie d’actions. C’est pourquoi 4 commissions (ovins, porcins, bovins et proximité) vont mener des analyses plus spécifiques à chacune des filières et établissements de leur domaine, à compter de ce mois de juillet. Le préfet et la DRAAF d’Aquitaine synthétiseront ensuite ces travaux et mettront en débat les différentes options stratégiques d’ici octobre ou novembre 2013.
S’il est complexe de résumer en quelques phrases les résultats de cette étude, le constat principal est qu’il y a une très grande diversité d’établissements en Midi-Pyrénées, des outils industriels à grosse capacité aux petits ateliers proches de l’artisanat. Il y a par contre des convergences d’enjeux sur l’intérêt stratégique à garantir un niveau de production qui puisse permettre à ces outils de fonctionner. Au-delà des problématiques de compétitivité, de transport, de coûts de fonctionnement ou encore de contraintes sanitaires et réglementaires, il y a également un vrai travail stratégique à mener en amont. Comme le soulignait Yves Da Ros, de l’interprofession porcine régionale, si les installations de producteurs de porcs continuent d’être systématiquement attaquées, pour des raisons idéologiques, le risque est réel de voir disparaître les ouvrages dédiés et les emplois qu’ils induisent. Se pose enfin la problématique de gouvernance des différents outils. Si les structures privées de type industriel sont clairement dans une dynamique économique liée au marché, les ouvrages de proximité, gérés souvent par des régies ou sous intervention publique, sont eux dans une logique d’aménagement du territoire et de soutien aux filières. L’enjeu sera de parvenir à faire cohabiter – et faire vivre – tout le monde…
Propos recueillis par S.G.