Publié le 15 juillet 2016
Suite à notre premier reportage en juin 2016 sur l’organisation de producteurs Synergie dans notre précédente édition, nous poursuivons notre série de zooms sur des acteurs dont on parle moins souvent, mais qui font tout le succès du concours de bovins de boucherie du Comminges. Le Trait d’Union Paysan rencontre aujourd’hui Jérôme Toniazzo et Hervé Eychenne, deux bouchers passionnés de Gasconnes et fidèles participants de l’évènement.
Un fervent promoteur de la race phare des Pyrénées
Jérôme Toniazzo est boucher abatteur depuis 12 ans. Les bêtes qu’il achète sont abattues à St Gaudens et commercialisées dans son établissement toulousain, avenue de Muret.
Se démarquer par le label
C’est lors de son apprentissage qu’il découvre la race Gasconne, sur laquelle il apprend le métier de boucher. Il est tout de suite conquis par cette race rustique et décide d’y consacrer son activité. « Faire de la Gasconne était une évidence pour moi », explique-t-il. « Comme la race Aubrac pour l’Aveyron, la Gasconne est emblématique des Pyrénées et de ce terroir que j’affectionne particulièrement. Je voulais donc vendre aux toulousains un produit de haute qualité, élevé et abattu chez eux. Et grâce au Label Rouge, j’ai pu me démarquer sur ce marché très concurrentiel. » Et les résultats sont là. Achetées en direct auprès des éleveurs gascons du territoire, les bêtes sont facilement écoulées auprès d’une clientèle convaincue des qualités gustatives de la Gasconne.
Un concours « pour le plaisir »
C’est Éric Barnay, le directeur de l’abattoir de Saint-Gaudens, qui lui a parlé le premier du concours de bovins de boucherie. « C’était après la première édition », se souvient le boucher. « Dès l’année suivante, je m’y suis rendu, pour voir. Et j’ai acheté un veau. Depuis, j’achète régulièrement des vaches, gasconnes bien entendu. » Du coup, pas question de rater l’édition 2016, le 15 septembre prochain, où la Gasconne sera à l’honneur. Même si Jérôme Toniazzo sait qu’il n’y gagnera rien, financièrement. « J’y vais surtout pour retrouver les éleveurs gascons avec qui je travaille », poursuit-il. « C’est aussi l’occasion de voir des animaux sublimes, et de « se taper la bourre » avec quelques collègues bouchers lors de la vente à la barre. Tout en restant raisonnable, bien sûr. Comme on achète plus cher que d’habitude, il n’y a pas vraiment d’intérêt commercial. C’est pour le plaisir de participer, de pouvoir afficher la plaque dans mon magasin et de soutenir la filière locale. »
Lui qui participe aussi aux foires de Mazères et d’Espezel (11) estime que le concours de Saint-Gaudens mériterait d’être plus connu du grand public. Aujourd’hui, l’affichage dans une boucherie d’une plaque du concours de bovins de boucherie du Comminges n’a pas encore une grande résonnance auprès du consommateur. Une publicité accrue aiderait les bouchers à pouvoir mieux « vendre » un animal issu du concours et contribuer ainsi à faire reconnaître la qualité de l’élevage local. « Mais le concours est encore jeune », conclut-il. « Sa reconnaissance par la Fédération Nationale des Concours d’Animaux de Boucherie, qui l’a inscrit à son calendrier officiel, est un premier pas vers davantage de notoriété. Il faut persévérer dans cette voie. »
La Gasconne dans les gènes
Hervé Eychenne, de la SAS « Au Bœuf Gascon » basée à Muret, se définit comme « boucher itinérant ». Ne disposant pas d’un magasin fixe, il achète des animaux labellisés, qu’il découpe dans ses laboratoires de Seysses et Peyssies, pour une clientèle exclusive de restaurateurs. C’est par le Groupe Gascon, dont il est un des 4 bouchers membres, qu’il a connu le concours de bovins de boucherie de Saint-Gaudens.
Revenir aux sources de la boucherie
Alors que de nombreux bouchers, aujourd’hui, achètent plutôt des morceaux choisis aux chevillards ou sociétés de commercialisation, l’adhésion d’Hervé Eychenne au Groupe Gascon et au bœuf Label Rouge que ce dernier commercialise lui impose d’acheter des carcasses entières. Loin d’être une contrainte pour lui, il y voit un retour aux sources de la boucherie. « Les consommateurs sont habitués à ne manger que certains morceaux, comme les filets, l’entrecôte, etc. », explique-t-il. « Ma bataille est donc d’arriver à leur vendre tous les morceaux. À l’époque où j’étais boucher pour des particuliers, je leur expliquais qu’ils ne pouvaient pas avoir tout ce qu’ils voulaient et tout le temps, vu que j’achetais déjà des carcasses. Un animal n’a que deux joues et une fois vendues, il fallait se rabattre sur d’autres morceaux. Mais ce discours portait et ils revenaient. J’ai le même discours avec les restaurants. S’ils veulent de l’entrecôte, très bien. Mais à côté, ils doivent aussi prendre du steak haché, de la viande à bouillir, etc. Cela les oblige à varier leurs menus, mais ça marche. » Par contre, pour mieux vendre ses carcasses aux restaurateurs, il achète prioritairement des animaux de petit gabarit, moins chers à l’achat/revente.
Vendre l’histoire derrière l’animal
Pourquoi participer au concours de Saint-Gaudens, s’il lui faut des bêtes de petite taille ? « Parce qu’il y en a à la vente à la barre », répond l’intéressé. « Et que la taille de la bête, dès lors qu’elle est sous label, n’enlève rien à la qualité de la viande. Mais je reconnais que ce n’est pas la raison majeure de ma présence au concours. J’y vais également pour les rencontres. On y croise les éleveurs avec qui on travaille toute l’année. On y rencontre des restaurateurs qui peuvent être de potentiels clients. Plus généralement, on peut discuter hors du cadre habituel du travail avec beaucoup de monde. Et il est toujours intéressant d’élargir le cercle de ses connaissances. Je vais enfin à St Gaudens pour le plaisir de voir de jolies bêtes de concours, élevées par des éleveurs qui travaillent sur la génétique et l’engraissement depuis des années. C’est une façon de leur rendre hommage, de montrer que les bouchers sont sensibles à l’excellence et au savoir-faire de l’élevage local. » Même s’il ne participe pas aux enchères, Hervé Eychenne est quand même fier de pouvoir présenter à ses clients la plaque de l’éleveur à qui il a acheté ses animaux. Mais plus que le diplôme, c’est surtout l’histoire qu’il y a derrière qui parle aux restaurateurs. De par ses relations directes avec les éleveurs, notre boucher sait « raconter » l’animal, la façon dont il a vécu, la personnalité de son éleveur, la vue qu’on a depuis l’exploitation et autres anecdotes sur l’histoire de la Gasconne.
« En plus de proposer une race emblématique du terroir, cet imaginaire autour de la bête est un de mes principaux arguments de vente », sourit le boucher, qui sait se faire poète dès que l’on parle de sa race fétiche. « Depuis ma naissance, mon père, boucher lui aussi, m’a parlé de ses bœufs gascons. C’est inscrit dans mes gènes. C’est une race rustique et attachante, dont la viande a un goût à nul autre pareil. Rien qu’à en sentir l’odeur, on sait qu’on va se régaler. Ajoutez juste un peu de fleur de sel et le plaisir est là, tout simplement. » Si tout cela ne vous met pas l’eau à la bouche…