Publié le 18 juillet 2013
Philippe Chipaux-Martinet est le gérant de la SATAR à Ayguesvives (canton de Montgiscard). Cette société, spécialisée dans le semis par projection sur des terrains à réhabiliter, emploie une vingtaine de salariés. Président de l’UNEP Midi-Pyrénées*, il est également Président du Conseil de Perfectionnement du Centre de Formation des Apprentis (CFA) d’Auzeville. Pour lui, l’apprentissage est autant une chance pour les jeunes qu’une mission stratégique pour les chefs d’entreprise.
Former un professionnel complet
« Prendre un apprenti dans son entreprise, le former à son mode de fonctionnement, lui apprendre les ficelles du métier au contact des salariés est le meilleur moyen de faire face à la pénurie de main d’œuvre compétente », estime Philippe Chipaux-Martinet. « Sans compter que cette période d’apprentissage permet au chef d’entreprise de juger de la valeur du jeune et laisse à ce dernier la possibilité de voir si oui ou non il souhaite s’investir définitivement dans le secteur dans lequel il évolue. Rappelons que le but final est généralement l’intégration de l’apprenti dans la société. Autant être sur de son coup… » L’entrepreneur sait de quoi il parle. Depuis 7 ans, il accueille un à deux apprentis chaque année. Bien entendu, tous ne sont pas embauchés dans son entreprise, puisque cette période est souvent une étape dans la formation du jeune. Certains poursuivront leurs études, d’autres iront travailler ou s’installer dans d’autres régions. Mais Philippe Chipaux-Martinet est catégorique. Un candidat à l’embauche qui sort d’un cursus d’apprentissage aura toujours la faveur d’un entrepreneur lors de la sélection finale. « C’est une personne qui aura une vision globale et juste d’une entreprise, avec ses atouts ou ses contraintes, avec ses dangers et les précautions à prendre pour travailler en sécurité », précise-t-il. « C’est aussi une personne qui aura appris les règles assez strictes de la vie en entreprise, où la ponctualité, la rigueur et l’implication sont des fondamentaux incontournables. » Le chef d’entreprise insiste d’ailleurs, à ce sujet, sur l’importance d’être parfaitement en phase avec le centre de formation. Si un apprenti pose un problème ou rencontre des difficultés, le centre doit en être immédiatement informé pour mettre en œuvre, en concertation avec le maître d’apprentissage, les moyens d’y remédier. « L’apprentissage, ce n’est pas avoir de la main d’œuvre pas chère et le temps de l’apprenti qui ne fait que balayer les locaux est révolu ! », insiste Philippe Chipaux-Martinet. « Ce sont des gens que nous avons mission de former. Il faut donc une équipe autour d’eux et un encadrement permanent. La qualité de nos futurs salariés est à ces conditions. »
L’entrepreneur aime à le répéter : la profession, qu’elle soit paysagère ou agricole, se doit de former ses apprentis. « J’y vois également une chance de pouvoir orienter la formation de nos futurs collègues ou collaborateurs », ajoute-t-il. « Pendant l’apprentissage, nous avons de nombreuses occasions de parler pédagogie avec le CFA et influencer, à notre niveau, l’avenir de nos métiers et de nos entreprises. C’est une façon d’organiser notre avenir. »
Bien choisir son apprenti
Pour des raisons pratiques et de responsabilité, l’entrepreneur n’accueille que des apprentis majeurs, en général en formation Bac Pro. Le choix de l’apprenti se fait d’abord sur le dossier qui lui font parvenir les candidats, qui ont eu ses coordonnées via les centres de formation. Sur une moyenne d’une quinzaine de candidatures, il convoque 5 ou 6 jeunes, après s’être entretenu avec eux par téléphone. « Un conseil que je donne souvent à mes collègues est de rencontrer les candidats sans leurs parents », ajoute Philippe Chipaux-Martinet. « Il faut que ce soit le jeune qui s’exprime. Le contrat d’apprentissage est tripartite. Il engage le chef d’entreprise, le centre de formation et l’apprenti. Pas son père ou sa mère… » Une fois les entretiens terminés, le choix définitif se fait toujours au « feeling ». Une astuce à laquelle l’entrepreneur a eu recours plusieurs fois est de proposer au candidat retenu un contrat d’une quinzaine de jours, pour des petits travaux durant les congés d’été, hors cadre scolaire. Cela permet de tester les motivations du futur apprenti. « De façon générale, il faut faire confiance à son intuition et au ressenti durant l’entretien », précise Philippe Chipaux-Martinet. « Il faut aussi faire confiance aux jeunes. Certains peuvent être intimidés lors de l’entretien, d’autres ont eu des parcours scolaires un peu chaotiques et manquent de confiance en eux. Si vous sentez que le jeune a du potentiel malgré un dossier un peu faible ou une présentation hésitante, donnez-lui sa chance. Pour ma part, je n’ai jamais été déçu. »
De fait, tous ses apprentis, qui ont passé en moyenne 2 à 3 ans chez lui, sont allés au terme de leur formation. Philippe Chipaux-Martinet aime à raconter le parcours de l’un d’entre eux, arrivé chez lui en plein désarroi. « C’était un jeune qui sortait de 3ème générale en échec total », se rappelle-t-il. « Il s’était fait virer de partout. Ses parents étaient désespérés et lui, en complète perdition. Je l’ai pris comme apprenti pour son BEPA Paysage et là, ça a été la révélation. Pour la première fois, il a eu de bonnes notes. Il a commencé à prendre conscience de sa valeur, avait enfin un objectif et a pris goût au travail. Résultat, il a eu son BEP, puis son Bac Pro et a ensuite décroché un BTS. Aujourd’hui, il a son entreprise de travaux paysagers dans le centre de la France et il marche très bien. » Des exemples comme celui-ci, il en a récolté plusieurs auprès de ses collègues. C’est pour lui une des grandes satisfactions du rôle de maître d’apprentissage et un encouragement à poursuivre. Un encouragement aussi à continuer de convaincre les autres chefs d’entreprise à se lancer à leur tour. Car à l’heure actuelle, il y a malheureusement toujours plus d’apprentis que de maîtres de stage.
* Union Nationale des Entrepreneurs du Paysage