L’apprentissage est compatible avec le handicap

Publié le 10 novembre 2014

La « Journée de l’apprentissage » s’est imposée depuis 4 ans comme un moment fort de la vie  de la FPCA (Formation Professionnelle Continue et Apprentissage) d’Auzeville. Organisée en début d’année scolaire, cette journée aussi professionnelle que conviviale permet aux maîtres d’apprentissage et leurs apprentis de regrouper obligations réglementaires, informations pratiques et ateliers pédagogiques en une seule demi-journée. C’est enfin l’opportunité pour la direction  de la FPCA de faire un focus sur un thème particulier avec, cette année, une conférence « Apprentissage et handicap ».

Faciliter le réglementaire

L’entretien réglementaire est une étape préalable obligatoire dans le cadre de la formation des apprentis. Les trois parties concernées (apprenti, maître d’apprentissage et coordonnateur de formation) doivent se rencontrer, souvent chez le chef d’entreprise, afin de clarifier l’aspect réglementaire de leurs relations. Il s’agit de vérifier que les conditions d’accueil et de travail de l’apprenti respectent le code du travail. C’est aussi l’occasion d’informer ce dernier de ses obligations légales et de ses droits. C’est pour rendre ces démarches moins protocolaires que la FPCA a lancé, il y a 4 ans, cette idée d’inviter les maîtres d’apprentissage à venir les réaliser sur le site de la Cité des Sciences Vertes. Ils y rencontrent l’équipe pédagogique et procèdent à leurs entretiens individuels avec un formateur du centre, comme ils le feraient chez eux. C’est l’environnement de cette rencontre qui change tout. Sur place, des constructeurs ou revendeurs de matériels agricoles ou d’aménagement paysager présentent leurs nouveautés. Des conférences et ateliers pratiques ou pédagogiques permettent aux jeunes comme professionnels de s’informer ou se tester sur des questions aussi diverses que la sécurité sur le lieux de travail, la réglementation ou encore le maniement d’une pelle mécanique. Un environnement détendu et propice aux échanges entre professionnels, éducateurs et jeunes qui fait le succès non démenti de cette journée puisque, ce 14 octobre dernier, plus d’une cinquantaine de maîtres d’apprentissage ont encore fait le déplacement. Ceux qui avaient opté pour la matinée sont souvent restés pour partager un repas qui a rassemblé une centaine de jeunes, formateurs et chefs d’entreprise, ce jour-là.

Lever le voile sur le handicap

Quand on parle de handicap, on pense la plupart du temps à la cécité, la surdité, la paralysie et autres handicaps physiques. Pourtant, la notion de handicap est beaucoup plus large que cela et concerne en majorité des troubles non visibles. « 85% des handicaps ne se voient pas », rappelle Aude Jamin, responsable pédagogique et référente Handicap au CFA d’Auzeville. « Et les handicaps reconnus par la MDPH* sont plus répandus qu’on ne le croit. 21% des apprentis de cette rentrée 2014 à Auzeville ont par exemple été repérés en situation de handicap. » Le travail d’Aude Jamin consiste, entre autres, à détecter puis accompagner ces jeunes. La quasi-totalité des cas concerne des troubles « Dys » (dyslexie, dysphasie, dyspraxie, etc.). S’ils ne faut surtout pas les assimiler à de la déficience mentale, ces dysfonctionnements des fonctions cognitives n’en nécessitent pas moins un accompagnement particulier. « On les appelle aussi les troubles du langage et des apprentissages », poursuit Aude Jamin. « Suivant leur sévérité, ces troubles perturbent plus ou moins gravement les capacités à apprendre. Je rencontre donc ces apprentis en début d’année scolaire pour évaluer leurs besoins, informer les équipes pédagogiques et mettre en place les moyens nécessaires pour qu’ils aient le parcours pédagogique le plus adapté à leur situation. » Reste que la notion de handicap et ses implications sont peu connues des chefs d’entreprise et du grand public en général. Une personne atteinte de troubles « dys » peut nécessiter certes un accompagnement particulier. Pour autant, ces handicaps ne sont pas incompatibles avec une activité professionnelle, loin s’en faut. Des difficultés d’élocution, d’écriture ou de calcul ne remettent pas en cause les capacités de compréhension du fonctionnement d’un métier ou de l’habileté manuelle. « C’est pour cela qu’il nous a semblé important de faire une conférence sur ce thème aujourd’hui », estime Aude Jamin. « Il faut démystifier le handicap et rappeler que des solutions et des aides existent, tant pour les personnes concernées que pour les entreprises qui les forment ou les embauchent. »

Réseau de soutiens

Aude Jamin (à gauche) a invité Éric Massuyeau (CFAS) et Aurélie Baumont (CDG31) a présenter les dispositifs existants pour accompagner les personnes en situation de handicap dans l’apprentissage.
Aude Jamin (à gauche) a invité Éric Massuyeau (CFAS) et Aurélie Baumont (CDG31) a présenter les dispositifs existants pour accompagner les personnes en situation de handicap dans l’apprentissage.

Éric Massuyeau est chef de service au CFAS Relais Midi-Pyrénées. Ce Centre de Formation pour Apprentis Spécialisé, qui accueille des apprentis en situation de handicap, travaille depuis plusieurs années en partenariat avec Auzeville. « Nous intervenons dans toute la région, en amont de l’apprentissage et durant toute la période de signature du contrat », explique-t-il. « Le CFAS accueille des jeunes en situation de handicap dans le cadre d’un contrat d’apprentissage de 3 ans. Leur 1ère année se déroule dans une de nos antennes pédagogiques départementales. Après leur avoir mis le pied à l’étrier, nous passons le relais aux CFA partenaires comme celui d’Auzeville, où ces apprentis finiront leur formation, avec un accompagnement de notre part si nécessaire sous forme de différents modules. » Véritable interface entre apprenti, employeur et CFA, il apporte son expertise en matière d’adaptation au poste de travail et assure la médiation et les démarches nécessaires, tout au long de la formation.

La fonction publique territoriale se penche également sur la question. Aurélie Baumont intervenait ainsi pour le compte de la Mission Insertion Alternance, développée par le Centre de Gestion de la Fonction Publique Territoriale de la Haute Garonne (CDG31) depuis début 2014. Présidé par Pierre Izard, le CDG31 accompagne et conseille les collectivités dans la gestion des ressources humaines. « Les élus ne pensent pas systématiquement à l’apprentissage pour la formation de leurs agents », estime-t-elle. « Nous avons donc pour mission de les sensibiliser à l’opportunité de recruter une personne reconnue travailleur handicapé en apprentissage. Nous leur proposons d’assister les collectivités pour rédiger les contrats et mobiliser les fonds du FIPHFP*, qui peuvent prendre en charge jusqu’à 80 % du coût salarial annuel de l’apprenti. »

Accompagnement financier des employeurs

Si des dispositifs d’aide financière existent pour l’emploi « classique » d’apprentis, le recrutement de personnes en situation de handicap ouvre droit à des enveloppes supplémentaires non négligeables. L’AGEFIPH** propose aux entreprises privées différents types d’aides pour l’embauche d’apprentis ayant une Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH). Cela va de l’aide à l’alternance, au tutorat, à la mobilité ou encore des aides techniques et humaines. « Pour les aides à l’alternance, l’entreprise peut obtenir une aide forfaitaire à l’embauche allant jusqu’à 9.000 € dans le cas d’un contrat de 3 ans », précise Aude Jamin. « De son côté, l’apprenti peut également percevoir une aide de 1.500 à 3.000 €, voire jusqu’à 6.000 € s’il a de 45 ans ou plus. C’est d’ailleurs un fait souvent ignoré que l’apprentissage de personnes RQTH n’est soumis à aucune limite d’âge. Enfin, si l’employeur embauche son apprenti en CDD ou CDI, il pourra également prétendre à des aides de pérennisation pouvant aller jusqu’à 4.000 €. »

Aude Jamin insiste : il ne faut pas hésiter à se rapprocher du CFA ou des organismes d’accompagnement de personnes  handicapées. Peu connu, apparemment nébuleux, le monde du handicap vaut pourtant la peine qu’on s’y penche. Avec un bon guide, il permet à tout employeur de trouver une solution à ses besoins, tout en offrant une possibilité d’insertion à des personnes qui ne demandent que ça.

 

*     Maison Départementale des Personnes Handicapées
**   Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique
*** Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion professionnelle des Personnes Handicapées

 

Auteur de l’article : Sébastien Garcia