Publié le 20 janvier 2012
On en entend de plus en plus parler, mais savez-vous ce qu’est l’agroforesterie ? C’est une technique qui consiste à associer, sur une même parcelle, une production agricole (culture ou pâturage) à une production d’arbres. L’introduction de rangées d’arbres pour une densité de 30 à 150 arbres par hectare, dans des parcelles cultivées ou pâturées, permet d’instaurer des relations de complémentarité au bénéfice de la production et des paysages. Connus et pratiqués depuis des siècles, notamment sous forme de prés-vergers, les systèmes agroforestiers ont fortement régressé en France depuis les années 50, période des grands remembrements et de la modernisation du matériel agricole. Pourtant, l’association des arbres et des cultures redevient un des enjeux forts pour aller vers une agriculture plus durable. Aujourd’hui, de nouvelles formes d’agroforesteries voient le jour, répondant aux contraintes du machinisme et des systèmes agricoles actuels. Depuis plusieurs années, les nombreux essais menés sur des parcelles expérimentales permettent de mieux comprendre les effets et les bénéfices de cette association et confirment l’intérêt de l’arbre dans les systèmes agricoles.
Une pratique favorable à l’agriculture et à l’environnement
Qu’ils soient économiques, agronomiques ou environnementaux, les avantages de l’agroforesterie sont multiples. Un tel projet permet tout d’abord d’améliorer les revenus, en réalisant 2 productions sur une même parcelle. Avec des rendements de cultures stables, voire améliorés, c’est aussi la rentabilité globale de la parcelle qui est augmentée. Au niveau agronomique, la présence des arbres permet d’améliorer la fertilisation naturelle des sols par la décomposition des feuilles et offre la possibilité de réduire l’apport d’intrants. Leur système racinaire participe à la préservation des sols contre l’érosion et assure aussi une protection des eaux souterraines. Enfin, les systèmes agroforestiers sont à la fois une zone de refuge pour les auxiliaires de cultures et la biodiversité permettant ainsi de restaurer les équilibres biologiques. En élevage, la présence des arbres dans les parcours et les prairies offre un abri aux animaux contre le soleil, la pluie ou le vent. Elle permet aussi de ralentir le séchage de l’herbe en limitant les écarts de température en période de sécheresse.
Sur le long terme, la valorisation de la production du bois d’œuvre en filière bois, grâce à des essences précieuses, permet d’augmenter la valeur de l’exploitation. Mais ce sont les essences champêtres, plus rustiques et mieux adaptées à cette pratique, qui sont le plus souvent utilisées. Les arbres agroforestiers poussent plus vite et plus régulièrement qu’en milieu forestier. Enfin, en matière d’environnement, les arbres produisent une biomasse à l’hectare plus importante qu’un assolement où arbres et cultures seraient séparés. Ils jouent également un rôle majeur dans le stockage du carbone. Vecteur de diversification des paysages, les systèmes agroforestiers participent également à l’amélioration des paysages et du cadre de vie de nos campagnes.
Un soutien pour construire son projet en Haute-Garonne
Des aides financières à l’implantation existent en Haute-Garonne, grâce à des fonds européens et régionaux (PDRH et des Fonds Régionaux Carbone de la Région Midi-Pyrénées). Cette aide s’élève de 70% à 80% selon la zone géographique de l’exploitation. Pour en bénéficier, l’assistance d’un opérateur est obligatoire pour le conseil et l’accompagnement technique du projet. Opérateur technique de l’arbre et de la haie champêtre en Haute-Garonne, l’association « Arbres et Paysages d’Autan » peut vous accompagner et vous conseiller dans votre projet. Elle a notamment déjà participé à la mise en place de parcelles agroforestières chez plusieurs agriculteurs du département. Elle mène aussi, depuis plusieurs années, des actions pour mieux faire connaître cette pratique. Vous trouverez toutes les informations nécessaires sur leur site internet www.arbresetpaysagesdautan.fr.
Témoignage
Une certaine idée de l’agriculture…
Arnaud Oustin ne manque pas de courage. Installé depuis 2005 sur 30 ha, il élève une vingtaine de vaches Brunes des Alpes et un taureau reproducteur à Mondilhan, près de Boulogne/Gesse. Avec son épouse Andréa, il a monté une activité « fromage de vache » en vente directe sur 3 marchés (Boulogne, L’Isle en Dodon et Tournefeuille). Ils ont l’intention de créer également un point de vente sur l’exploitation, en réhabilitant le corps de ferme. « Nous l’avons racheté à un allemand qui voulait le rénover et mettre des cerfs sur les terres », explique-t-il. « Mais il n’a pas pu réaliser son projet et les bâtiments sont en piteux état. Tout est à refaire, y compris notre habitation. »
Joindre l’esthétique à l’agronomique
Toujours est-il qu’avec tout ça et 2 enfants en bas âge, le couple a largement de quoi s’occuper et que les journées sont courtes. Dans ces conditions, il est étonnant qu’Arnaud Oustin ait décidé de se lancer dans l’agroforesterie. « C’est avant tout une conception de l’agriculture et une philosophie qui me tient à cœur », avoue-t-il. « J’ai été berger pendant 10 ans dans les Pyrénées. J’y ai vu des traces d’agroforesterie et j’ai toujours regretté la disparition des arbres et haies du paysage. Je m’étais dis que, si je m’installais, j’essaierais à mon niveau de faire quelque chose. » Dont acte… Au cours de ses lectures, Arnaud entend parler de l’association Arbres et Paysages d’Autan. En 2010, il décide de planter, avec le soutien de l’association, 200 arbres de différentes essences en agroforesterie et 300 arbustes pour refaire des haies. « C’est sûr que, pour les arbres, je n’en verrai le résultat que dans une vingtaine d’années », estime-t-il. « Outre le côté esthétique, j’ai implanté ces arbres dans des prairies sur coteaux exposés plein sud. D’ici 20 ans, ils devraient procurer suffisamment d’ombre pour abriter les animaux et surtout permettre de garder l’humidité du sol plus longtemps et d’avoir ainsi des prairies plus productives. » Arnaud Oustin n’a pas d’objectif de valorisation du bois. Donc les taillis à courte rotation et arbres à croissance très rapide ne l’intéressaient pas. Les espèces sélectionnées ont été choisies parmi les variétés autochtones et ont comme point commun d’être mellifères. On y retrouve pêle-mêle : chêne pédonculé, alisier torminal, cormier, frêne, merisier, pommier, poirier et deux variétés d’érable.
Apprentissage sur le tas
Arnaud s’est formé par ses lectures et avec les conseils d’Arbres et Paysages d’Autan. Ce qui ne l’a pas empêché de faire quelques erreurs de débutant. L’association fournit les plants et les protections. À l’agriculteur de les planter, les entretenir et les surveiller. « J’ai commis l’erreur au début de ne pas avoir suffisamment préparé le sol », sourit Arnaud Oustin. « Si j’avais labouré, je n’aurais pas eu autant de mal à creuser chaque trou à la main pour planter les arbres… » Avec l’aide d’un ami, qui lui prêtera notamment un pointeur laser pour l’alignement des rangs, il plantera la totalité des haies et 130 des arbres en agroforesterie à raison de 15 à 20 par jour. Les rangées agroforestières sont espacées de 27 mètres, à raison d’un arbre tous les 6 mètres. « Je me suis gardé 30 mètres de tournières pour pouvoir passer avec mon épandeur de compost », précise-t-il. « À part le laser, tout le matériel nécessaire est présent sur une exploitation agricole. » Pour lui, le suivi a été plus compliqué. Son principal souci : la protection des plants. Entre les mulots, les sangliers, les chiens de chasse et surtout les chevreuils, les prédateurs sont nombreux. « J’ai dû remplacer tous les filets de protection fournis par Arbres et Paysages d’Autan pour des filets armés, plus hauts et beaucoup plus résistants aux chevreuils », explique Arnaud Oustin. « J’ai aussi racheté des piquets en acacia, ceux en chêne étant cassants. Autre astuce apprise sur le tas, il faut agrafer les filets sur le tuteur en acacia. Depuis, je n’ai plus eu de dégâts par les animaux mais cela m’a tout de même fait un peu augmenter le coût global de l’opération. » Il estime le budget de son projet à 9 € par arbre, dont 4 sont subventionnés par l’association. Pour le reste, il s’est débrouillé. Le BRF (bois raméal fragmenté) utilisé pour protéger les pieds des arbustes et y maintenir l’humidité a été récupéré gratuitement dans les environs. L’arrosage est exceptionnel, l’éleveur ayant uniquement apporté 60 litres/pied lors de la 1ère année.
« Je n’ai plus qu’à surveiller de temps à autre, maintenant », conclut Arnaud Oustin. « Ça devrait avoir de l’allure une fois que les arbres auront un peu grandi. Certaines espèces comme le chêne peuvent vivre plus de 1000 ans. Je trouve l’idée séduisante de laisser un patrimoine comme celui-ci à ceux qui viendront après nous. »