Publié le 4 juin 2011
Accompagner les agriculteurs de la région dans le développement d’une agriculture durable, c’est bien. Le faire savoir, c’est mieux. Surtout auprès des financeurs du monde agricole… En effet, les nombreux organismes publics qui interviennent ou abondent aux budgets des actions de développement agricole avaient émis le souhait de visualiser plus concrètement l’utilisation des fonds alloués ou les orientations de ces actions par les Chambres d’Agriculture.
Faire parler le terrain
C’est pour répondre à cette demande que la Chambre Régionale d’Agriculture de Midi-Pyrénées (CRAMP) a organisé, le 24 mai dernier, une journée de présentation des actions menées par les Chambres départementales pour une agriculture durable. Et comme rien ne remplace le constat de visu, la CRAMP a décidé d’emmener ses 80 invités directement chez des agriculteurs, retenus pour leur implication dans la mise en œuvre de techniques agricoles répondant à l’ensemble des aspirations environnementales de notre société actuelle. C’est donc en bus que s’est effectué un périple partant de Toulouse, direction Mazères, dans l’Ariège, pour rallier ensuite Cintegabelle pour le reste de la journée, avant de rentrer en fin d’après-midi. Devant les responsables du Conseil Régional, de la DREAL, du Conseil Général, de la DRAAF, de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne, etc., techniciens des Chambres Départementales d’Agriculture et agriculteurs d’Ariège et de Haute-Garonne se sont ainsi prêtés au jeu des questions/réponses sur les programmes et protocoles conduits dans le domaine agro-environnemental.
Lutter contre les risques de pollution
C’est à Boris Rouquet, exploitant à Mazères, qu’est revenue la charge d’ouvrir le bal. Accompagné d’Anne-Claire Latrille, responsable de projet à la Chambre d’Agriculture de l’Ariège, il a présenté le Plan d’Action Territorial (PAT) des « Basses Vallées de l’Ariège et de l’Hers. » Un PAT a pour objectif la mise en œuvre d’un programme de lutte contre les risques de pollution de l’eau par les phytosanitaires et les nitrates. Boris Rouquet et 14 autres agriculteurs concernés par la zone du PAT ont créé, en 2008, un groupe pilote pour échanger sur le raisonnement des pratiques à mettre en place, avec l’appui technique de leur Chambre d’Agriculture. Au programme : imaginer des itinéraires techniques permettant la réduction des intrants, tester différentes pratiques de désherbage et de couverts implantés en inter-cultures, mettre en place un suivi des pratiques sur les parcelles, récolter puis diffuser des références techniques, etc. Prévu pour 5 ans, le bilan de ce programme est d’ores et déjà positif pour Boris Rouquet. « La qualité de l’eau des nappes est préservée, sans grever notre revenu », expliquait-il aux visiteurs. « Au contraire, la réduction des intrants représente un gain économique réel pour moi. Mais il faut poursuivre ces actions sur le long terme pour affiner les techniques et arrêter des référentiels propres à chaque secteur. C’est pour cela qu’il est primordial, pour favoriser l’extension de ces pratiques, que nos institutions puissent conserver les moyens d’accompagner les exploitants. »
L’eau au cœur des débats
En milieu de journée, l’heure était aux échanges directs entre les participants. Élus, représentants et techniciens étaient invités à débattre lors d’une table ronde organisée à Cintegabelle. Après une présentation du programme Innov’Arbo, sur les techniques de protection alternatives en arboriculture, c’est le thème de la gestion de l’eau qui a occupé l’essentiel des débats. En cette période de restrictions d’eau, les professionnels agricoles ont saisi l’opportunité de discuter, avec les représentants des différentes institutions, des axes à privilégier pour résoudre les problèmes récurrents de sécheresses. La maîtrise de l’eau est centrale et inéluctable si l’on veut vraiment parler d’agriculture durable. Les participants en ont tous pris conscience et une certaine convergence sur la nécessité de créer des réserves a été trouvée entre professionnels et institutions. Mais la définition des modalités de cette mise en œuvre ne manquera pas de susciter encore de nombreux débats.
Accompagner, anticiper, informer
La visite s’est poursuivie l’après-midi chez Frédéric Marchioni. Depuis une dizaine d’années, cet exploitant de Cintegabelle a orienté son exploitation vers les techniques de non-labour. Après des débuts difficiles, dus notamment au manque flagrant de références techniques et au peu de recul sur ces pratiques, Frédéric Marchioni et Christian Longueval (CRAMP) présentaient des résultats techniques et économiques montrant l’efficacité d’un système sans labour. Nécessitant du temps et une refonte complète du mode de travail de l’exploitant, les techniques culturales simplifiées (TCS) méritent qu’on s’y penche de plus près. C’est ce que font notamment les Chambres de l’Aude et de la Haute-Garonne, qui ont chacune mis un de leurs techniciens à disposition de l’AOC Sols (Association Occitane de Conservation des Sols). Le succès de sa journée de démonstration, le 15 octobre 2010 à Montgazin (31), avait d’ailleurs fait la preuve de l’intérêt suscité chez les agriculteurs pour cette approche agronomique.
Ce fut ensuite au tour des techniciens de la Chambre d’Agriculture de l’Aveyron de présenter les modes de gestion durable de la fertilisation des prairies. La précision des informations sur les besoins azotés étant primordiale pour la pousse de l’herbe, ces techniciens sont revenus en détail sur la façon dont sont réalisés, en partenariat avec l’INRA, les bulletins fourrages hebdomadaires envoyés aux éleveurs.
La journée s’est achevée sur une présentation, par la Chambre d’Agriculture du Tarn, d’un exemple d’accompagnement d’agriculteurs dans une zone Natura 2000. Avec 7 sites sur son territoire, le Tarn est particulièrement impliqué sur ce volet. C’est ce dont est venu témoigner Nicolas Bousquet, du GAEC de La Joncquerie dans la Montagne Noire. Il a insisté sur l’importance du travail commun avec les techniciens de la Chambre d’Agriculture pour mieux comprendre les enjeux d’une zone Natura 2000 et adapter sa conduite d’élevage en conséquence. « Cela nous faisait un peu peur au début », confiait-il. « Mais désormais, nous avons totalement intégré la démarche dans notre façon de travailler et franchement, cela n’a rien d’insurmontable et la qualité de notre troupeau s’en est améliorée. »
Au terme d’une journée bien remplie, le bus a ramené à bon port tous les participants, à qui il a d’ailleurs été demandé de faire part de leur sentiment sur cette initiative, dans les jours à venir. « Les agriculteurs et leurs Chambre d’Agriculture s’impliquent fortement dans l’amélioration de leurs pratiques », concluait Jean-Louis Cazaubon, Président de la CRAMP. « Mais cela n’est possible qu’avec l’appui des partenaires techniques et financiers. Il est donc de notre devoir de leur montrer que ces investissements ont une répercussion directe et concrète sur nos modes de production. Nous mettons un point d’honneur à agir en concertation avec eux et en toute transparence. C’est cette confiance mutuelle qui nous permettra de continuer à avancer. »