Publié le 10 novembre 2011
Lapeyrouse-Fossat, au centre du village, le Jardin de Pauline est une des adresses incontournables du secteur en cette période de Toussaint. Et pour cause : cette exploitation implantée ici depuis des générations vend près de 8.000 pots de chrysanthèmes, produits de façon traditionnelle. Même si Christine Alaux produit également des fruits et légumes de saison, les chrysanthèmes représentent près de la moitié du revenu de cette exploitation atypique. Dans ces conditions, il n’est évidemment pas question de se rater. L’exploitante l’a appris à ses dépens l’année de son installation, en 2003. Après avoir passé tout l’été à protéger – avec succès – ses fleurs de la canicule, une parcelle non couverte a été gelée 2 jours avant la Toussaint, causant la perte de 25% de la production.
Une production qui résiste bien… à la concurrence
La parcelle de chrysanthèmes est quasiment vide, ce 25 octobre. On ne peut pas en dire autant des serres qui entourent l’espace de vente à la ferme. « On va finir par stocker les fleurs sous les lits », sourit Christine Alaux, en cherchant du regard où elle pourrait poser le magnifique pot de chrysanthèmes qu’elle a en mains. « J’ai pourtant réduit la production de fleurs, maintenant que mes parents ont quitté l’exploitation. Mais avec la vente directe, il faut que toute la production soit visible ou au moins à portée de main. » Il faut dire que les enfilades de pots multicolores font leur petit effet. Plusieurs clients déambulent parmi les différents assortiments, comparent les couleurs, s’enquièrent de la durée de vie ou de l’entretien des fleurs… Le ballet est incessant. « On est sur le pont toute la journée », reconnaît Christine, les yeux un peu cernés. « Mais on aura bien le temps de dormir après le coup de feu de la Toussaint, vers le 11 novembre, quand tout sera parti. » Pour le moment, pas le temps de se reposer, il faut que les pots soient alignés, les fleurs arrosées et les clients, satisfaits. « Et ils le sont », s’exclame Jean Alaux, qui n’a pas pu s’empêcher de venir voir comment sa fille s’en sortait. « La concurrence des fleurs hollandaises et belges nous a fait beaucoup de mal quand elles sont apparues sur le marché, à prix cassé. Aujourd’hui, le public revient à nos fleurs, plantées dans des pots en plein champs, selon la même méthode depuis des générations. » De fait, pas de pots en plastique ici mais en terre cuite traditionnelle. Résultat, les chrysanthèmes rentrés sous serre depuis 8 jours semblent tout juste sortis de la parcelle. « Ces fleurs peuvent tenir une semaine sans être arrosées », complète Christine. « D’une part, grâce au pot en terre qui laisse la plante respirer et garde l’humidité après son bassinage. Et d’autre part, grâce au terreau que nous faisons nous même, à base de tourbe et de terre des environs. » Le principal changement dû à l’arrivée des fleurs d’Europe du Nord est le type de chrysanthème vendu. La traditionnelle grosse fleur a laissé la place au pot multi-fleurs, plus petites mais plus résistantes à la casse et donc supportant mieux les longs trajets. Au Jardin de Pauline, les pots à grosses fleurs d’une seule couleur ne représentent plus que 10% de la production.
Retour à la vente au détail
Si Jean Alaux, tout comme son père avant lui, fournissait exclusivement les commerces de gros et demi-gros, Christine a revu le mode de commercialisation de ses productions lors de son installation. « Mes chrysanthèmes, tout comme mes fraises, l’autre production majeure de l’exploitation, partaient auparavant dans tout le Sud-Ouest », précise-t-elle. « J’ai voulu revenir à une distribution plus locale pour garder un contact avec les habitants du canton et entretenir des rapports plus personnalisés avec les grandes surfaces avec lesquelles je continue de travailler. » Si Christine Alaux ne livre plus qu’à deux Leclerc, celui de Gaillac et celui de Rouffiac, ces deux établissements achètent tout de même les 2/3 de sa production de chrysanthèmes. « J’ai d’excellentes relations avec les responsables de ces deux magasins, qui nous font confiance et sur qui je sais que je peux compter. Ils mettent en avant notre mode de production et la qualité de nos produits, ce qui a pas mal contribué à nous faire connaître dans le secteur. Ce qu’ils apprécient également, hormis la durée de conservation des fleurs, c’est notre gamme de couleurs », ajoute-t-elle. « Dans les grandes surfaces qui s’approvisionnent en Hollande ou ailleurs, on ne trouve que 4 couleurs. Tandis que nous en proposons une quinzaine pour les petites fleurs et une dizaine en grosses fleurs… »
S’il a fallu un peu de temps pour se faire un nom, l’activité de vente directe fonctionne bien, elle aussi, depuis maintenant 3 ans. Christine Alaux a créé un magasin fermier à son arrivée pour valoriser une nouvelle production de légumes sur l’exploitation (blettes, betteraves, fenouil, tomates cerises, pomme de terre, oignons secs, tomates, haricots verts…). « C’est un bon moyen de communiquer sur notre façon de travailler », estime-t-elle. « La plupart du temps, nous vendons à nos clients des produits que l’on vient juste de récolter. C’est un principe qui plait et qui permet d’éduquer aussi nos concitoyens. » Si le Jardin de Pauline ne produit pas bio, il s’inscrit dans une démarche de réduction maximale des interventions phytosanitaires. Jusqu’à opter pour des méthodes de production originales, comme pour les fraises.
Des fraisiers pas ordinaires
Garriguette, Manille, Mara des bois, … Christine Alaux a révolutionné l’autre production « historique » de l’exploitation familiale dès son arrivée. « Nous avions 3 problèmes avec les fraisiers de plein champs : les rats, les serpents et les limaces », explique-t-elle. « Si les 2 premiers ne sont pas bien méchants, les limaces en revanchent causaient beaucoup de dégâts. J’ai donc décidé de mettre mes fraisiers à l’abri en faisant du hors-sol. » Dans les serres du Jardin de Pauline, on peut donc voir des rangées de sacs de terreau plantés de fraisiers, suspendues à 1,50m du sol. Un système de goutte à goutte irrigue le tout. Une décision qui a fait bondir certains riverains au début. Mais Christine Alaux pouvait compter sur une ambassadrice très convaincante, en la personne de sa propre fille, Pauline, qui a donné son nom à l’exploitation. À 11 ans, cette petite blonde maîtrise tous les aspects des productions de la ferme et prend très au sérieux son rôle d’animatrice lors des portes ouvertes ou des visites de clients hors périodes scolaires. « Nous faisons de la protection biologique intégrée », explique-t-elle fièrement. « Nous mettons des petits pots de plantes relais parmi les fraisiers. Dans ces pots de sons ou d’avoines, nous amenons des pucerons qui vont s’attaquer aux pucerons spécifiques des fraises. On a des bourdons pour polliniser les plantes. Il n’y a quasiment jamais de traitement sur les fraisiers puisqu’on n’a plus besoin de mettre d’anti-limace. En plus, avec les fraisiers en hauteur, on travaille plus à l’aise et les fraises ont davantage de chaleur qu’au sol. » Que des avantages, en somme, n’en déplaise aux détracteurs du hors-sol. « On s’est fait regarder de travers au début », reconnaît Christine Alaux. « Mais nos clients se sont vite rendus compte que les fraises étaient très bonnes, propres et qu’on ne traitait qu’en toute dernière extrémité, c’est-à-dire très rarement. La plupart du temps, c’est de la production bio. Mais on ne pourra jamais obtenir ce label, même si nous cessions tout traitement, vu que les fraisiers ne sont pas en pleine terre. Cherchez l’erreur. »
Mais Christine Alaux ne court pas après les appellations. « On produit avec nos convictions, avec nos tripes, c’est tout ce qui compte », conclut-elle. « Je fais tout ce qu’il faut à mon niveau pour produire bon, sain et le plus proprement possible. Je n’ai pas l’ambition de sauver la planète. Juste de faire ce que certains semblent oublier : nourrir les gens correctement. »