Publié le 14 janvier 2015
En marge du SISQA, le 11 décembre 2014, la Fédération Nationale Bovine faisait étape à Toulouse, dans le cadre de sa tournée régionale annuelle. Réunis dans un restaurant à côté du salon, les représentants départementaux et régionaux des sections bovines FNB de Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Aquitaine, se sont entretenus pendant plus de 3 heures avec Jean-Pierre Fleury et Pierre Vaugarny, Président et Secrétaire Général de la fédération nationale. Lors des 6 réunions régionales 2014, la FNB a présenté en détails la stratégie de l’interprofession pour l’année à venir. Cette « feuille de route », comme l’appelle Jean-Pierre Fleury, comprend trois axes principaux : la reconquête du marché intérieur, celle du marché intra-communautaire et enfin celle des pays tiers.
Élus locaux : les 1ers importateurs de France
Pour la FNB, la reconquête du marché intérieur passe par deux enjeux. Tout d’abord, mettre la restauration collective et la grande distribution face à leurs responsabilités. « Il faut stopper définitivement la baisse qualitative de la viande vendue en GMS », martèle Jean-Pierre Fleury. « La guerre des prix que se livrent les enseignes n’a pas fait repartir la consommation. Vendre à bas coût de la viande de piètre qualité, à la maturation largement insuffisante, ne sert qu’à décevoir le consommateur et le détourner de la viande. Lors d’une rencontre avec la grande distribution, le 10 décembre, nous leur avons démontré que le système ne fonctionne pas et qu’il faut revenir à la qualité. » Pour ce faire, la FNB a entrepris de son côté de reprendre à zéro la segmentation du troupeau allaitant. Les cahiers des charges « Races à viande » vont être revus en profondeur, avec en parallèle une communication et une promotion renforcée. Ambitieuse, l’interprofession se donne 6 mois pour obtenir des résultats sur le volet qualitatif des viandes vendues en GMS et un an pour achever la remise à plat de la segmentation de l’offre de viandes. « Il y a une fenêtre de tir avec les élections départementales et régionales », estime Jean-Pierre Fleury. « C’est le moment de mettre la pression sur les élus qui vont solliciter nos suffrages. Nous venons de sortir un « Guide des élus » qui leur donne des astuces pour privilégier la viande française dans l’élaboration des appels d’offre, tout en restant en conformité avec réglementation. À chaque conférence de presse, nous répétons que les élus sont les premiers importateurs de France. Ça ne leur plait pas trop, mais la réalité est là : sur 300.000 tonnes de viande consommées en restauration collective, 80% sont importés. En Allemagne, c’est l’inverse… Leur responsabilité est donc indéniable. » Mais la FNB est confiante dans cette prise de conscience. Signe encourageant : le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, a fait réaliser une brochure similaire à destination des élus de France.
Concurrence exacerbée entre États membres
Le tableau n’est pas reluisant sur le marché intra communautaire. Entre la sortie accélérée des quotas qui augmente le nombre de vaches de réformes laitières sur le marché et l’embargo russe qui accentue l’engorgement, l’agressivité entre les pays européens a atteint des niveaux jamais vus. L’offre de viande est totalement désordonnée et les prix au plus bas. « C’est révélateur de ce qui nous attend », prédit le Président de la FNB. « La concurrence entre États membres va devenir la norme en Europe. Et c’est là que la France va payer son grave manque de compétitivité. Si nos politiques ne se réveillent pas, l’empilement des normes va nous exploser à la figure. Quand nos exploitations agricoles n’auront plus de revenus et que les PME/PMI qui en dépendent ne tourneront plus, que ce passera-t-il ? Une révolution… Mais pour que les choses avancent, il faudrait d’abord savoir qui, des ONG ou des politiques, commande de ce pays. Et si ce sont, comme on ose encore l’espérer, les politiques, encore faut-il qu’ils aient un projet pour redonner de la compétitivité à l’aval et l’amont de la filière. Nous leur en proposons un : se mettre tous en ordre de marche pour la compétitivité des entreprises françaises. Après 30 années de relance par la consommation qui ont désindustrialisé la France et fait exploser l’importation, il est temps de se remettre au travail. À nos dirigeants, nous ne demandons pas grand-chose. Juste d’être courageux et de tenir un discours de vérité. »
Aller chercher de nouveaux marchés
Sur le volet des pays tiers à fort potentiel économique, comme la Turquie, le Maroc ou l’Algérie, la FNB plaide pour une stratégie concertée de conquête par les entreprises françaises. Parce que les marchés traditionnels, comme l’Italie pour les broutards, s’effritent irrémédiablement, ces nouveaux marchés sont de formidables opportunités à ne pas laisser passer. « À condition de ne pas répéter l’erreur habituelle des français de se concurrencer entre eux », poursuit Jean-Pierre Fleury. « Nous sommes quasiment le seul pays d’Europe à aller démarcher en ordre dispersé. Il faut chasser en meute et promouvoir les produits français plutôt par l’excellence que par les prix. Car on ne pourra jamais s’aligner sur le brésil ou l’Inde. » La FNB se défend toutefois de miser sur l’international au détriment du marché intérieur. Pour elle, les deux ne sont pas incompatibles et tous les opérateurs confirment que c’est dans ces pays que se trouve la demande mondiale en viande bovine.
L’autre objet de ces rencontres régionales FNB est surtout de recueillir les avis des éleveurs locaux et entendre les difficultés qu’ils rencontrent. Sans surprise, il a beaucoup été question de la réforme de la PAC et, notamment de la Prime à la Vache Allaitante. Si le retard pris par le ministère de l’agriculture dans la rédaction des modalités de la PMTVA agace sérieusement les éleveurs, c’est la stratégie adoptée par la FNB qui a causé les débats les plus houleux, ce 11 décembre.
De fait, la stratégie de négociation de la FNB tourne autour d’une PMTVA qui se calculerait sur la base du nombre de vaches allaitantes « productives » (ayant vêlé) présentes sur l’exploitation au cours d’une période de référence allant du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013. Or, la Haute-Garonne est un département primant environ 25% de génisses. « Ce mode de calcul va amener une perte financière considérable dans certains troupeaux, pouvant atteindre plus de 5.000 € », estime Jean-François Fournès, Président de la section bovine de la FDSEA 31. « Il faudrait donc laisser du temps aux éleveurs de « transformer » ces génisses en vaches productives. » La section bovine 31 demande donc à bénéficier de 2 ans de période de convergence et que 2017 soit l’année de référence pour le calcul de la PMTVA. À défaut de quoi, elle prédit une véritable hécatombe en Haute-Garonne. « Nous avons déjà perdu 650 éleveurs, soit 10.300 vaches reproductives, depuis 2006 », poursuit Jean-François Fournès. « Sans compter que le seuil d’éligibilité à la future PMTVA va passer de 3 à 10 vaches. 398 petits élevages vont ainsi être exclus du dispositif. Il faut arrêter l’hémorragie ! La FNB devrait décider d’une politique après avoir consulté sa base. Cette journée d’échanges ne sert à rien, sinon nous mettre devant le fait accompli. L’Europe ne veut clairement plus aider les génisses. Je ne suis pas défavorable à cette décision. Mais accordons une période d’adaptation aux éleveurs. Ils sont déjà en grosse difficulté financière, ce n’est pas la peine d’en remettre une couche… »
Un message entendu par Jean-Pierre Fleury, qui ajoute néanmoins que la FNB doit prendre en compte toutes les situations particulières des différents bassins de France et faire des propositions qui contentent le plus grand nombre. « Nous allons faire évoluer nos négociations en tenant compte des positions des éleveurs du Sud-Ouest », déclarait-il en fin de réunion. « Toutefois, on ne peut le faire qu’à la marge. Il est vrai que le système Génisses pose problème. Mais si nous voulons rester crédibles pour garder le couplage dans l’avenir, il ne faut pas que l’on s’éloigne de cette notion de vaches productives. » Estimant que l’élevage français est plus dans une période mutation que de crise, il invite les éleveurs à davantage s’approprier leur futur et à organiser des assises territoriales de l’élevage dans chaque région, pour explorer des solutions cohérentes à l’échelle du terroir.
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