Publié le 13 octobre 2016
Ambiance lourde lors de la dernière session de la Chambre d’Agriculture de Haute-Garonne, le 30 septembre 2016, à Toulouse. Il faut dire que l’état des lieux fait par les différents intervenants ne prêtait pas à l’optimisme le plus débordant. Les témoignages étaient éloquents : la crise touche désormais toutes les filières. « 2015 était déjà un mauvais millésime pour le département, 2016 est pire », résumait en préambule son Président, Yvon Parayre.
Davantage d’agriculteurs en difficulté
Une fois n’est pas coutume, la session a débuté par les questions d’actualité. Stéphane Daguin, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Garonne, ne pouvant assister à toute la réunion, les responsables de la Chambre d’Agriculture ont préféré aborder la situation agricole du département avant les points statutaires. Laure Serres, en charge du Comité d’orientation de crise et de veille de la Chambre d’Agriculture pour les agriculteurs fragilisés, est ainsi revenue sur les chiffres de l’année écoulée. Alors que ce comité de crise, qui réunit depuis 2012 les organisations agricoles du département, se réunissait généralement deux à trois fois par an, il est convoqué tous les mois depuis début 2016. « À ce jour, nous avons examiné 371 dossiers FAC* bovins viande, 58 dossiers d’éleveurs de palmipèdes, 160 d’éleveurs laitiers et une centaine de dossiers individuels », expliquait Laure Serres. « Il est inquiétant de voir que la moitié de ces derniers dossiers prévoient un arrêt de l’activité agricole à court terme. La filière céréalière, frappée par 3 années de conjoncture défavorable, n’est pas plus épargnée que les autres, puisqu’environ 25% des céréaliers, soit 5 à 600 agriculteurs, ont été recensés en difficulté. » Concernant plus particulièrement l’élevage, Patrick Pintat n’a pas manqué de rappeler que si les cours du lait sont légèrement repartis à la hausse, le prix de vente reste largement insuffisant pour assurer la pérennité d’une filière départementale qui a perdu la moitié de ses producteurs en 9 ans. Christian Déqué a, lui, regretté qu’un an après l’annonce, par Stéphane Le Foll, d’un plan de sauvegarde de l’élevage allaitant, la filière ne réussissait toujours pas à sortir de l’ornière, avec des cours au plus bas.
L’État en « rajoute une couche »
Le ton est monté d’un cran quand la question des dossiers PAC a été abordée par Guillaume Darrouy. Retards de paiement des aides 2015, casse-tête des Surfaces Non Agricoles (SNA), définition des cours d’eau, etc., rien ne va plus du côté des déclarations PAC que le représentant les Jeunes Agriculteurs 31 a résumées en trois mots : « un vrai merdier ». Mais c’est surtout le projet du nouvel arrêté sur les phytosanitaires qui achève d’exaspérer les élus. Sa présentation par Jean Doumeng, Vice-Président de la Chambre d’Agriculture, était pour le moins édifiante. Selon le scénario qui sera retenu, l’interdiction de traiter les zones en bordure de cours d’eau, de fossés, de végétations et d’habitations toucherait « au mieux » 50.000 ha, dans le cas d’une bande tampon de 5 m., à 140.000 ha, dans le cas extrême où la bande serait portée à 20 mètres. « Alors que l’agriculture est déjà dans le rouge, que nous subissons de plein fouet la concurrence des autres pays, européens ou non, et que nous perdons nos marchés traditionnels, notre propre Gouvernement veut en plus amputer la Haute-Garonne de 20 à 30 % de sa surface agricole productive », tempêtait Yvon Parayre. « Et tout cela pour nous empêcher d’utiliser des produits autorisés par l’administration française ! »
Stop aux doublons !
Le dernier coup de sang n’aura pas été à destination de l’administration mais d’un syndicat agricole. Dans son intervention, la Présidente du COTI**, Marie-Blandine Doazan, a dénoncé la volonté de la Confédération Paysanne de créer son propre point Installation et de vouloir étudier et accompagner les projets d’installation au travers d’une association. « Ils nous reprochent de faire du prosélytisme syndical et de ne favoriser que certains types de projet d’installation », s’agace-t-elle. « Le Point Accueil Installation (PAI) existe depuis plusieurs années. Il nécessite un agrément de l’administration, qui valide le contenu du PAI. Tous les sujets, sans exception, sont en outre discutés en toute transparence au COTI, où siègent les représentants de la Conf’. » Une situation qui a fait vivement réagir le Président de la Chambre d’Agriculture. Il a rappelé qu’en 2011, l’État avait dissout le réseau des ADASEA, des associations qui s’occupaient de la transmission-installation. Le ministère de l’agriculture avait alors confié cette mission aux Chambres d’Agriculture, assortie de la reprise (coûteuse) des personnels des ADASEA. « Et aujourd’hui, on tolèrerait la création d’une nouvelle association qui aurait les mêmes missions que l’ex-ADASEA ? Un peu de cohérence ! », s’exclamait-il. « Nous avons déjà un doublon sur ce sujet avec le Conseil Départemental alors, de grâce, n’allons pas ajouter une 3ème structure ! »
Innover sur la proximité
Développer les circuits de proximité est une des priorités définies par les élus de la Chambre d’Agriculture. Deux structures innovantes ont déjà vu le jour en Haute-Garonne, avec la plateforme d’approvisionnement local « Produit sur son 31 », en 2012, et le « Drive Fermier Toulousain » en 2014. Une 3ème était présentée à l’assemblée plénière, ce jour-là. « Engraiss’périence » est une association loi 1901 qui vise à approvisionner le département en viande bovine engraissée localement. « Le marché toulousain consomme peu de viande locale, malgré une forte demande de ses habitants », note Christian Déqué, le Président de l’association. « Mais pouvoir approvisionner régulièrement et en quantité suffisante pour démarrer une filière locale demande un savoir-faire spécialisé et une volonté politique. Avec l’obligation légale d’inclure 40% de produits locaux dans la restauration publique d’ici 2020, la réponse politique est là. Il faut maintenant nous saisir de cette opportunité. » Cette structure va donc s’atteler à analyser les besoins du marché toulousain, promouvoir la finition des vaches et jeunes bovins auprès des éleveurs du département, contractualiser avec les exploitants sur une production et un prix garantis et, enfin, tester un atelier d’engraissement collectif. Elle vise à mettre en marché 30 gros bovins et 60 jeunes bovins à l’hiver 2016/2017. « Engraiss’périence est complémentaire de la plateforme et du drive, en terme de public cible », », précisait Yvon Parayre, Vice-Président de l’association. « La volonté de la Chambre d’Agriculture est de créer de la synergie et des effets de leviers entre ces structures. Le potentiel est énorme. Notre seul regret est que la Chambre d’Agriculture est seule sur cette action de pépinière d’entreprises. Alors que nos politiques ne cessent de parler d’agriculture de proximité, les collectivités territoriales sont cruellement absentes de ce dossier… »
La session a enfin dû se prononcer sur un budget rectificatif. En 2014, l’État a décidé de ponctionner l’ensemble du réseau des Chambres d’Agriculture pour redresser les comptes de la France. Pour la Chambre d’Agriculture 31, la ponction se montait à 900.000 €. Cette dernière doit maintenant recourir à un emprunt bancaire de 700.000 € pour disposer d’un Fonds de Roulement compatible avec les exigences de l’État (soit 90 jours de FdR) ses besoins. Après présentation des résultats financiers et du prévisionnel, le budget rectificatif a été adopté à la majorité.
* Fonds d’Allègement des Charges ** Comité d’Orientation Transmission Installation de la Chambre d’Agriculture
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