Innov’Action trouve son public

Publié le 28 juin 2014

Amélioration de l’outil de production, nouvelles techniques, énergies renouvelables, ou encore performance environnementale, 22 fermes de Midi-Pyrénées ont fait la preuve qu’il est possible de concilier les performances économiques, sociales et environnementales, que ce soit en productions végétales ou en élevage, en agriculture bio ou conventionnelle. Avec près de 1.000 visiteurs, dont la moitié d’agriculteurs, cette première opération portes ouvertes Innov’Action, menée par les Chambres d’Agriculture de la région entre le 26 mai et le 20 juin, est un succès indéniable. « L’agriculture doit répondre à des défis majeurs : défi alimentaire, défi environnemental, défi énergétique, défi territorial », rappelait Jean-Louis Cazaubon, Président de la Chambre Régionale d’Agriculture. « Or des idées naissent et sont testées par les agriculteurs eux-mêmes. Par cette opération de vulgarisation, le réseau des Chambres d’Agriculture met ses moyens à disposition pour diffuser les innovations et progrès techniques issus du terrain. Devant l’engouement suscité par cette première édition, nous reconduirons Innov’Action au printemps 2015. »

Pour ceux qui n’auraient pu assister à l’une de ces portes ouvertes, nous vous proposons de retrouver deux témoignages d’agriculteurs du département. En attendant d’aller rencontrer les participants de la prochaine édition…

 

Maraîchage : réduire les intrants à l’aide d’outils de pilotage simples

Installé en 1981, Claude Savignac exploite 13 ha de SAU maraîchère sur la commune de L’Union, au nord-est de la ceinture verte de Toulouse. Il commercialise sa production via la SICA des Maraîchers Toulousains, qui regroupe une quinzaine de producteurs, et livre plusieurs centrales d’achats. Du fait de sa clientèle, le cahier des charges de la SICA est très exigeant en termes de qualité des produits. Parallèlement, Claude Savignac doit faire face à la diminution des produits phytosanitaires en cultures légumières et à la pression croissante des consommateurs et des pouvoirs publics concernant leur utilisation. Pour réduire l’usage des produits phyto, tout en maintenant son haut niveau qualitatif ainsi que des résultats économiques satisfaisants, Claude Savignac a joué sur 3 leviers.

Pilotage de la fertilisation azotée et maintien de la teneur en matière organique

L’excès d’azote fragilise les cultures, augmente leur sensibilité aux maladies et favorise la présence de pucerons. Il faut donc ajuster les apports au plus près des besoins des cultures. Ceci est d’autant plus vrai en boulbènes, où la capacité de fixation des éléments minéraux (CEC) est moyenne à faible. Sur l’exploitation, la fertilisation est donc adaptée aux cultures et à leur cycle. Ainsi, sur une laitue de printemps dont le cycle est plus long, Claude Savignac utilise des engrais à libération lente. Idem sur les choux et les céleris d’automne. Sur les plantations d’été, des tests nitrates sont réalisés pour ajuster la fertilisation. En sol limoneux, la matière organique va permettre :

  • de diminuer la battance et d’améliorer la stabilité structurale,
  • d’augmenter la capacité de rétention en eau et de favoriser son écoulement,
  • de stimuler la vie microbienne,
  • une meilleure utilisation des engrais.

Des apports réguliers sont réalisés pour maintenir le taux de matière organique des sols.

 

Utilisation de modèles de prévision et piégeages

Il y a quelques années, les avertissements agricoles, qui s’appuyaient sur les résultats de modèles épidémiologiques, avaient permis à Claude Savignac de limiter les interventions fongiques sur céleri, uniquement sur les périodes à risque. Pour poursuivre dans cette voie, quatre modèles, mis à disposition par le CTIFL, vont être testés en 2014 :

  • modèle de prévision du mildiou de l’oignon
  • modèle de prévision de la septoriose sur céleri
  • modèle de prévision de la rouille sur poireau
  • modèle de simulation des vols de thrips sur poireau

Depuis deux ans, les modèles permettant de simuler les vols de la mouche de la carotte et de la mouche de l’oignon donnent de bons résultats et permettent aux producteurs, via le Bulletin de Santé du Végétal, d’optimiser leurs interventions phytosanitaires.

En complément des modèles, l’observation régulière (toutes les semaines en saison) ainsi que le suivi des vols par piégeage permet de ne faire les interventions que lorsqu’elles sont nécessaires. Les insecticides sont sélectionnés en fonction de la pression, du stade de la culture et du risque. Les fongicides sont aussi choisis et positionnés en fonction du risque, par exemple, les parcelles plus sensibles au rhizoctonia vont être gérées différemment des autres.

 

Utilisation de produits de biocontrôle

Ce terme regroupe l’ensemble des méthodes de protection des végétaux par l’utilisation de mécanismes naturels. Il vise à protéger les plantes par le recours aux mécanismes et interactions qui régissent les relations entre espèces dans le milieu naturel. Ainsi, le principe du biocontrôle est fondé sur la gestion des équilibres des populations d’agresseurs, plutôt que sur leur éradication. Les produits de biocontrôle se classent en 4 familles : Macro-organismes ; Micro-organismes ; Médiateurs chimiques et Substances naturelles. L’an dernier, Claude Savignac a utilisé pour la première fois deux produits de bio-contrôle :

  • Contans WG (Coniothyrium minitans) pour lutter contre le sclérotinia en laitue. Il n’y a pas eu de zone témoin, mais il semble que la pression ait été moins importante que l’année précédente. L’expérience va être renouvelée cette année en positionnant le produit en post-récolte afin qu’il « s’attaque » aux sclérotes présents en fin de récolte.
  • Prev’Am (huile essentielle d’orange douce) pour lutter contre les aleurodes sur choux. Ce produit n’agit que par contact mais permet d’intervenir très près de la récolte avec de bons résultats s’il est bien appliqué et atteint sa cible.

 

Repères

Statut : Individuel (EARL)

Main d’œuvre : 3 UTH

Sols : Boulbènes légères (12 à 20% d’argile et 30% de limon)

Assolement 2013 :

  • Salade : 8 ha
  • Chou : 2 ha
  • Céleri branche : 0,6 ha
  • Blé dur : 2,6 ha

 

Grandes cultures : du bio innovant dans le Lauragais

Claudine, Serge et Guillaume Bourrounet, du GAEC des Alix à Avignonet-Lauragais, se sont engagés en agriculture biologique en 2000. C’est avec l’arrivée de Guillaume dans l’exploitation céréalière de ses parents que tout a commencé. « À l’occasion de la mise en place des CTE (Contrat Territorial d’Exploitation), nous avons relevé le défi : passer en bio sur la totalité de l’exploitation, malgré le manque de recul face à une technique innovante et peu connue », explique-t-il. « C’était tout d’abord un défi technique. Je constatais un plafonnement de mes rendements en agriculture conventionnelle et j’ai voulu me lancer dans une nouvelle démarche. » Avec un prix de vente en bio supérieur au conventionnel, l’aspect économique a également joué dans leur décision. Malgré l’incertitude des rendements, le marché des produits biologiques est moins volatile que celui des produits conventionnels, ce qui permet de réaliser plus facilement un prévisionnel et sécuriser le revenu. Sans compter que la demande est en constante progression. Les 3 enjeux à relever étaient donc de maîtriser les techniques bio, d’optimiser l’assolement et de réfléchir à une solution de stockage.

Guillaume Bourrounet présente les silos de stockage assemblés avec ses parents.
Guillaume Bourrounet présente les silos de stockage assemblés avec ses parents.

 

Techniques de production bio

Le passage en bio en 2000 a nécessité une remise en question de l’assolement. La culture de la lentille a été arrêtée, à cause de la trop forte pression en bruches. Les soles en tournesol et en luzerne ont été réduites pour faire place à des cultures plus valorisantes, telles que le soja.

Afin de limiter les coûts de production, le GAEC sème ses propres semences fermières. La maîtrise de la technicité est un point important pour la réussite des cultures. Pour cela, le matériel utilisé est performant et adapté aux grandes parcelles de l’exploitation. Le GAEC emploie également un salarié expérimenté pour travailler plus efficacement les 240 ha de l’exploitation. Les exploitants se tiennent informés en continu des derniers aspects technico-économiques.

 

Une rotation courte

Comparée à d’autres systèmes culturaux en agriculture biologique, la rotation est courte. Le but est de réaliser un cycle complet sur une parcelle sans l’épuiser, tout en privilégiant des cultures économiquement valorisées. La rotation est soja irrigué / blé tendre / sorgho roux / blé tendre. Le soja permet d’enrichir le sol en azote minéral disponible et constitue un bon précédent pour la culture suivante. Une fertilisation organique est tout de même apportée sur les blés, à raison de 90 unités d’azote/ha (farines de viande, fientes).

Les deux cultures de soja et de sorgho sont binées. Cela permet de gérer le salissement de la parcelle même lors de l’implantation de la culture et ainsi de maîtriser la pression des adventices présentes. En essai, une féverole a été implantée en couvert végétal après la moisson du blé.

 

Un stockage performant

Le passage en agriculture biologique a poussé l’exploitation à se munir d’un système de stockage. La dispersion des exploitations biologiques et un tonnage inférieur au conventionnel compliquent la logistique, pour les coopératives, à la saison des récoltes. Par conséquent, les exploitants pouvant stocker sur leur ferme vendent leurs récoltes à un prix supérieur, du fait du choix du moment de la vente et de la mise en conformité des graines récoltées. La gestion de la moisson est également facilitée. De fait, l’agriculteur n’est pas dépendant du transport vers l’organisme stockeur. Le troisième intérêt du stockage est de pouvoir réaliser des mélanges de variétés. Deux variétés de blé sont semées : une variété tardive (RENAN) et une précoce (NOGAL). Les blés étant valorisés lorsque la teneur en protéines est supérieure à 11%, l’intérêt est de réaliser ensuite un mélange entre ces deux variétés pour bénéficier de la productivité de l’un et la teneur en protéines de l’autre.

L’installation mise en place sur l’exploitation comprend 6 cellules d’une capacité de 200 tonnes chacune. Le grain est trié et séparé avant d’être acheminé dans les cellules. Les petits grains sont valorisés en alimentation animale. Le grain est conservé par le froid. Des sondes contrôlent la température à plusieurs profondeurs de la cellule.

 

Repères

  • SAU : 245 hectares morcelés en coteaux
  • Irrigation : 120 ha irrigables (ASA)
  • Statut : GAEC Main d’œuvre : 4 UTH
  • Assolement / Rendements 2013 :
  • Blé tendre : 120 ha / 25 qx
  • Soja irrigué : 70 ha / 28 qx
  • Sorgho roux : 50 ha / 50 qx

Auteur de l’article : Sébastien Garcia

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