Publié le 14 novembre 2014
Daniel Abadie élève des Veaux Sous La Mère Blonds d’Aquitaine à St Marcet, à côté de St Gaudens. Avec 60 mères et 15 tantes de race montbéliarde, il vend une grosse cinquantaine de veaux, en majorité en « Label Rouge Veau Sous La Mère », chaque année. S’il mène cette production depuis son installation, en 1981, l’exploitation et ses pratiques techniques ont bien évolué en 30 ans. Et la dernière « révolution » en date s’appelle la mesure du taux d’hématocrite
Indispensable fer
« J’ai toujours essayé de m’améliorer », explique Daniel Abadie. « J’ai ainsi modernisé mon exploitation au fil des années. En 2000, j’ai remplacé mon étable par une grande stabulation bien isolée. J’y ai adjoint une salle de tétée je me suis mis aux normes en créant des box pour les veaux. » Si l’éleveur a noté un léger gain de poids chez ses veaux, c’est surtout au niveau confort de travail qu’il a gagné. La salle de tétée lui permet de passer ses veaux en une heure et demie maximum, matin et soir. Pourtant, il n’était pas toujours satisfait de la maîtrise technique de ses veaux, notamment sur le manque de régularité en matière de croissance et de conformation de veaux. C’est pourquoi, quand l’association d’éleveurs ELVÉA 31 dont il fait partie, lui propose de tester la mesure du taux d’hématocrite, Daniel Abadie est dans les premiers à se lancer. Un taux d’hématocrite bas signifie une carence en fer. Et un veau carencé ne se développe pas correctement. Au pire, il peut mourir d’une anémie sévère. Les Veaux Sous La Mère sont essentiellement nourris au lait de la mère ou de la tante et certains veaux ont besoin d’être complémentés. Il est essentiel de repérer une éventuelle anémie le plus tôt possible, afin de la corriger. D’où l’importance d’un prélèvement sanguin pour évaluer ce taux d’hématocrite.
Une opération simple
« J’en avais déjà entendu parler pour d’autres productions », souligne Daniel Abadie. « Mais pour le Veaux Sous La Mère, se posait la question de la dégradation de la blancheur de la viande en cas d’injection de fer. Quand on a décidé de tenter l’expérience, il nous a fallu 6 mois d’essais et tâtonnements, avec les éleveurs participants et le groupe technique d’ELVÉA 31, pour arriver à un protocole efficace en termes de corrections durables du taux de fer dans l’organisme et sans conséquences sur la couleur de la viande. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur des protocoles en vigueur pour les veaux de caisse et sur les travaux de l’association Veaux sous la Mère. »
Une fois que les choses ceux sont calées, l’intervention est des plus simples. À 4 semaines, les veaux font l’objet d’un prélèvement sanguin à la jugulaire. Quelques gouttes suffisent, qui sont analysées en quelques secondes par une machine appelée HemoVet, acquise par l’association. En cas de carence avérée, le veau reçoit une injection de fer selon le protocole établi par ELVÉA 31 avec le Groupement des Vétérinaires de Haute-Garonne. « Chaque injection se fait au cas par cas », insiste l’éleveur. « Il n’y a pas de traitement standard ou automatique. »
Un résultat qui paye comptant
Pour Daniel Abadie, la chose est entendue. Il ne reviendra pas en arrière. « Chez moi, comme chez les collègues qui se sont penchés sur le taux d’hématocrites, le fait de « recharger » les veaux en fer s’est traduit par un meilleur démarrage, une croissance rapide, un gain de poids et une meilleure conformation de l’animal », affirme-t-il. La meilleure preuve ? Il suffit de se tourner vers le concours de bovins de boucherie de St Gaudens. Le concours de veaux gras qui se tenait dans la matinée a vu les deux meilleurs animaux mis aux enchères. Or le jury a sélectionné deux des trois veaux amenés par Daniel Abadie… « Ces veaux ont été vendus à un prix moyen de 12,30 €/kg », précise-t-il. « Pour moi, cette technique représente un gain financier indéniable. » De fait, depuis qu’il s’est intéressé aux hématocrites, ses veaux ont gagné une dizaine de kg et leur conformation lui vaut d’ailleurs les félicitations de son acheteur, les Établissements Soubie Viandes.
Des animaux en meilleure santé, plus lourds, mieux valorisés, par une technique simple et pas chère, la recette devrait faire fureur. Pourtant, les éleveurs n’ont pas tous opté pour la mesure du taux d’hématocrite. « Certaines habitudes sont difficiles à changer », sourit Daniel Abadie. « Et il y a encore cette crainte d’avoir une viande plus foncée qui a la vie dure. Mais les choses évoluent. J’ai vu des septiques devenir des ambassadeurs de cette technique dès le premier essai. Je pense que ce n’est plus qu’une question de temps pour qu’elle se généralise dans le Veaux Sous La Mère. »