Le Veau sous la Mère a des atouts à revendre

Publié le 26 juin 2015

Dans une grande stabulation aérée et lumineuse, 28 vaches patientent les unes derrière les autres dans un couloir de contention en forme de U. Au milieu de ce U, des veaux attendent dans leurs cases. Il faudra environ une heure à Nicolas Artigues, jeune éleveur à Montastruc-de-Salies, pour les amener, par petits groupes de 3 ou 4, téter leurs mères et leurs tantes. Le tout sans stress et dans un calme olympien. Ou presque… Car ce jour-là, la tétée se fait en public, devant des journalistes, des éleveurs et des techniciens. L’Association « Le Veau sous la Mère » entreprend en effet une grande campagne de communication à destination des jeunes en voie d’installation et des agriculteurs en quête de conversion ou diversification.

Une filière en manque d’éleveurs

Viande haut de gamme, le veau sous la mère connaît un succès grandissant auprès des consommateurs français. Jusqu’à récemment réservée aux boucheries artisanales, on la retrouve désormais dans les grandes et moyennes surfaces (GMS) disposant d’un rayon viande à la coupe sous contrat Label Rouge. Alors que plusieurs centaines de boucheries disparaissent chaque année, les GMS prennent le relais. Portée par ce succès, la filière se professionnalise et se fixe des objectifs ambitieux en termes de qualité et de régularité. Tout devrait donc aller pour le mieux mais voilà, la pénurie d’éleveurs est le maillon faible de la filière, au point de mettre en cause son avenir. « Le nombre de producteurs de Veaux sous la Mère diminue d’environ 3% chaque année », regrette Francis Rousseau, animateur de l’association. « Alors que la génération du baby-boom part à la retraite, la relève n’est pas là. Sur tout le bassin de production du Veau sous la Mère (voir encadré), nous n’avons eu que 75 installations l’an dernier. Ce qui est largement insuffisant pour remplacer le nombre de départ et encore plus pour faire face à la demande croissante du marché. Il y a de la place pour un bon millier de nouveaux éleveurs ! » La baisse des installations est générale, toutes filières confondues. Or, la jeune génération aspire à avoir un rythme et une qualité de vie comparables à ceux des autres catégories socioprofessionnelles. L’élevage a ainsi moins de succès, dans les intentions d’installation, que les productions céréalières. Et pourtant, le veau sous la mère pourrait bien répondre à la plupart de ces attentes…

Les éleveurs se serrent les coudes

Les vieux clichés ont la vie dure, mais cela fait bien longtemps que l’élevage de Veaux sous la Mère n’est plus un métier difficile, ingrat et astreignant. Les techniques ont changé, les conditions de travail se sont largement améliorées et surtout, la filière a su s’organiser en réseau. Et elle prend soin des siens… et de ceux qui arrivent. « Aujourd’hui, un jeune qui s’installe est généralement seul sur son exploitation », poursuit Francis Rousseau. « L’association a donc mis en place un système d’accompagnement. 120 éleveurs de notre réseau « parrainent » ainsi des jeunes débutant dans la profession. » Un réseau solidaire qui réfléchit également à toutes les solutions possibles pour permettre aux éleveurs de gagner en confort de travail et qualité de vie. Les groupements d’employeurs, le recours aux CUMA, l’installation en GAEC ou l’utilisation des Services de Remplacement font ainsi partie des outils qui permettent à un éleveur qui s’absente pour raison médicale ou simplement pour des congés de ne pas se trouver dans l’impasse. « Il y a une réflexion commune sur l’allègement des contraintes », confirme Dominique Lacaze, éleveur de longue date de veaux sous la mère à Lunax (Boulogne/Gesse). « Mais il ne faut pas croire que cette production est plus contraignante qu’une autre. La technique a progressé. On sait par exemple qu’il est possible de supprimer une tétée par semaine. Chez moi, c’est une production saisonnière, qui s’étend sur environ 7 mois, de la Toussaint à Pâques. Cela laisse de la place pour une autre activité ou une autre production. Un système mixte VSLM/broutards peut très bien fonctionner. Mais on peut aussi tout simplement en profiter pour souffler et s’occuper de sa famille. »

Il faut une heure à Nicolas pour faire téter ses veaux aux 28 mères et tantes de son troupeau.
Il faut une heure à Nicolas pour faire téter ses veaux aux 28 mères et tantes de son troupeau.

Un métier moderne, viable et accessible

Nicolas Artigues, lui, ne regrette absolument pas son choix. Installé en 2008 hors cadre familial, il n’a quasiment trouvé que des avantages à la production de Veaux sous la Mère. La simplicité du matériel, pour commencer. Quand on a des moyens limités, le VSLM ne demande pas de gros investissements. « J’ai une stabulation libre basique », explique-t-il. « Des barrières pour faire des couloirs de contention, des parcs à veaux, quelques cornadis et cela suffit. Il n’y a pas besoin d’électricité pour faire les tétées. Le prix d’achat des mères et des tantes est également moindre, par rapport à une autre production de bovins allaitants. Mais par contre, le veau est vendu plus cher qu’un broutard, alors qu’il reste moins longtemps sur l’exploitation et qu’il n’y a pas besoin de le soigner. Avec des faibles coûts de production en énergie et en intrants, un investissement de départ très raisonnable et une bonne valorisation des veaux, c’est une production économiquement très intéressante. » Nicolas Artigues ne se laisse pourtant pas aller à la facilité. Maintenant que son élevage est bien en place, il vise à améliorer la génétique de son troupeau, pour coller aux standards de qualité haut de gamme que s’est fixée la filière.

Pour les aider à progresser, les éleveurs peuvent bien sûr compter sur l’association « Le Veau sous la Mère », mais aussi sur la vingtaine d’Organisations de Producteurs que compte le bassin de production. Deux d’entre elles étaient présentes, ce jour-là : ELVEA et Synergie Bétail & Viande. Suivi des hématocrites, pâturage tournant, analyse des coûts de production, élaboration de plans sanitaires, etc., la palette d’outils techniques et de gestion proposés par ces organisations permet à l’éleveur d’améliorer considérablement ses performances technico-économiques. « Le potentiel de cette filière est énorme », conclut Francis Rousseau. « Et un éleveur de Veaux sous la Mère dispose aujourd’hui de tout un environnement professionnel, technique et économique sur lequel il peut s’appuyer pour bien vivre son métier, dans toutes ses dimensions. J’encourage donc les personnes qui réfléchissent à leur installation ou leur diversification à étudier de plus près cette production. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a des atouts à faire valoir ! »

Le Veau sous la Mère en quelques chiffres
  • Bassin de production : Limousin, Périgord, Cantal, Pays Agenais, Bazadais, Gascogne, Quercy, Lauragais, Piémont Pyrénéens, Monts du Velay-Forez…
  • 5.000 éleveurs de veaux sous la mère, dont 4.000 en Label Rouge
  • 70.000 veaux sous la mère produits par an, dont 50.000 sous cahier des charges Label Rouge et 30.000 effectivement labellisés
  • 21 organisations de producteurs
  • 50 abatteurs supérieurs à 10 veaux/semaine
  • 75 grossistes
  • 1.100 points de vente, dont 850 boucheries artisanales

Auteur de l’article : Sébastien Garcia