Publié le 7 juin 2012
« On n’a jamais vu une telle ampleur pour ce type de problème », résume Henri Goizet, responsable dégâts de gibier à la Fédération des Chasseurs 31. « Depuis 3 semaines, ça n’arrête pas ! » De fait, les appels se multiplient à la Fédération pour signaler des dégâts, parfois très importants, causés aux cultures par des palombes.
Un phénomène qui s’amplifie
« Même si on est loin des phénomènes de surpopulation vus en Angleterre, les populations de palombes augmentent indéniablement depuis une dizaine d’années », poursuit Henri Goizet. « Mais ce n’est pas pour autant que l’on peut qualifier cette espèce de nuisible et demander sa régulation. » Pour Denis Loubet, agriculteur à Mervilla, le sentiment n’est pourtant pas le même. L’an passé, il a dénombré quotidiennement entre 200 et 300 palombes sur une de ses parcelles de 7 ha, avec des pointes à 600 individus certains jours. Pour lui, la notion de « nuisible » n’est plus très loin. « Il n’y a rien à faire quand vous avez une telle concentration de palombes dans un champs », lâche-t-il. « J’ai acheté pour 300 € d’épouvantails, des faux rapaces qu’il fallait installer dans la parcelle. Ça n’a servi à rien. Déjà, il en aurait fallu 3 fois plus pour couvrir la surface mais, de toute façon, au bout de 24h, les palombes n’en avaient plus peur et se posaient à côté. »
Si ce phénomène a déjà été observé depuis 2 ou 3 ans, l’ampleur du problème est, en revanche, sans précédent. Cette année, ce sont particulièrement les cultures de tournesol qui sont la cible des volatiles. Avec la météo qui a retardé la levée, les graines sont restées plus longtemps exposées. Selon la Fédération des Chasseurs, celles de tournesol sont particulièrement appétantes pour les oiseaux, ce qui explique l’étendue des dégâts. On ne dispose pas encore de données précises, mais il se dit qu’environ 300 ha de tournesol ont dû être ressemés ces dernières semaines.
Addition salée
Pour Jean-Claude Gasc, entrepreneur de travaux agricoles et agriculteur également touché par les palombes, cette estimation est un minimum. « Il suffit de tourner dans le nord toulousain et le Tarn, comme je le fais pour mon activité d’entrepreneur, pour voir que des champs ressemés, il y en a partout », affirme-t-il. « Pour moi, il y a une explication simple. Depuis la tempête Klaus qui a ravagé les Landes, les palombes ne s’y arrêtent plus pendant leur migration. Maintenant, elles viennent ici et ont tendance à se sédentariser. Cela fait deux années de suite qu’on connaît ce problème et ça n’est pas près de diminuer. »
Vu de l’extérieur, ce genre de problème peut sembler relativement bénin. Pourtant, les pertes occasionnées dans ces cas-là peuvent rapidement devenir préoccupantes. « J’ai, pour ma part, ressemé 10 ha », poursuit Jean-Claude Gasc. « La semence de tournesol coûte déjà 140 €/ha. Mais il faut en plus détruire le semis précédent, pour qu’il ne concurrence pas le nouveau. Sans compter qu’un ressemis décale d’autant les cycles végétatifs et la date des récoltes, avec des risques accrus de chutes de rendement. Tout cumulé, j’estime à 350 €/ha la facture de ces palombes. Sur une culture qui dégage, en moyenne, dans les 800 €/ha, la plaisanterie a du mal à passer ! » Selon les services techniques de la Chambre d’Agriculture, certains agriculteurs en sont à leur 3ème ressemis. Ce qui revient pour ainsi dire à travailler à perte… D’autres difficultés peuvent aussi s’ajouter à ces pertes. En effet, quid de la déclaration PAC dans ces cas ? Et quelle solution pour les agriculteurs qui se sont engagés par contrat à livrer un tonnage défini à l’avance ?
La grogne monte
Si les palombes sont nombreuses dans les effectifs, pigeons des villes et corbeaux ne sont pas en reste et occasionnent aussi pas mal de dégâts. Or coté prévention, il n’y a pas grand-chose qui soit efficace. Des canons à gaz ont été installés par endroit pour effaroucher les volatiles. Mais entre les vols de matériel et les plaintes du voisinage, la solution a vite été abandonnée par ceux qui y ont eu recours. « Si on veut vraiment se protéger contre ce fléau et défendre notre gagne-pain, on est obligés de se mettre hors la loi », fulmine Jean-Claude Gasc. « On ne peut pas tirer les palombes hors de la période de chasse et on ne peut pas faire de piégeage. Au nom de la biodiversité, on va finir par éradiquer les cultures de tournesol dans nos secteurs, malgré leur intérêt agronomique et économique. Il faudrait que le Préfet prolonge la période de tir à la palombe, offrir des cartouches aux chasseurs et envoyer la facture aux 2% de pseudo-défenseurs de la nature ! J’en ai même vu qui venaient relâcher des pigeons de ville dans mes parcelles ! »
Même amertume pour Denis Loubet qui, outre les dégâts sur ses semis de pois, a également vu ses cultures endommagées par les sangliers. « Je vais finir par abandonner le pois, même si la culture est encouragée par Bruxelles », lâche-t-il, désabusé. « Pour les palombes, il n’y a aucune indemnisation possible. Et pour les sangliers, lapins ou autres, on constate la plupart du temps les dégâts au moment de la récolte. Or, il ne faudrait pas toucher à la parcelle concernée avant que la Fédération des Chasseurs ne vienne expertiser les dommages, ce qui peut prendre jusqu’à une semaine. C’est une chose qu’on ne peut quasiment pas se permettre. Du coup, on ne dit rien et on s’enquille le manque à gagner. »
Faire bouger la réglementation
Du côté de la Fédération des Chasseurs, on est conscient des limites de la procédure et l’organisme s’est associé il y a un mois à la Chambre d’Agriculture pour créer une commission départementale d’analyse de ces problèmes de dégâts de petit gibier. « Nous y associons également la Direction Départementale des Territoires, ainsi qu’un expert en assurance », précise Henri Goizet. « Notre objectif est de trouver rapidement des solutions pour réduire de façon pérenne l’impact de ces dégâts sur les cultures. La première action que nous mettons en place est un modèle de déclaration de dégâts à retourner dans les meilleurs délais à la Chambre d’Agriculture. »
En effet, la meilleure solution serait de diminuer les populations à l’origine des dommages. Mais pour faire reconnaître la nuisibilité d’une espèce animale auprès de l’administration et déclencher des procédures adaptées, il faut des preuves et justificatifs écrits quant aux préjudices subis. « Il faut qu’un maximum de producteurs renvoient ce document dès le constat d’un dégât de gibier, quel qu’il soit », insiste Henri Goizet. « Ces données nous serviront à argumenter, preuves à l’appui, sur l’incidence économique que provoquent ces populations sur les exploitations agricoles. Seule une démarche collective pourra faire bouger les lignes et pousser les Pouvoirs Publics à agir. Il faut faire passer ce message et que les agriculteurs le diffusent le plus largement possible autour d’eux. »
Vous pouvez demander à recevoir ce formulaire par mail ou courrier en appelant l’antenne de Muret de la Chambre d’Agriculture au 05.34.46.08.50. ou le télécharger.