Goji, le futur or rouge des Pyrénées?

Publié le 12 septembre 2012

Jean-Pierre Fauré remet ça ! Après avoir exploré les possibilités de la stevia (voir TUP 1378 du 25 mars 2011), l’horticulteur de Revel s’intéresse maintenant au Goji, ces baies rouges venues de Chine et qui font fureur dans les magasins de diététique français. Et fidèle à ses habitudes quand il se penche sur un dossier, Jean-Pierre Fauré voit grand…

Un « super-fruit » aux multiples vertus

Le goji ou baie de goji est le nom commercial de la baie du lyciet commun (Lycium barbarum) et du lyciet de Chine (Lycium chinense). Le lyciet commun est un arbuste de la famille des Solanaceae (comme la tomate), largement répandu de l’Asie à l’Europe méridionale. Les lyciets, qui étaient connus dans la pharmacopée antique du monde gréco-latin, furent longtemps oubliés. Ce n’est qu’à la suite du fabuleux développement de la Chine depuis la fin des années 90 qu’ils nous sont revenus sous le nom commercial de « baies de goji ». Consommée séchées, ses baies contiennent de manière notable des vitamines B1, B2, B6, et E et des minéraux intéressants (zinc, fer, cuivre, calcium, germanium, sélénium et phosphore). Utilisée dans la pharmacopée chinoise depuis des millénaires, le goji permettrait de renforcer les défenses immunitaires (propriétés anti-inflammatoires), de faire baisser la tension artérielle, le taux de cholestérol et de sucres dans le sang, d’améliorer l’assimilation du calcium et de soulager le foie. Trop beau pour être vrai ? « C’est sûr que le côté « plante miracle » abondamment utilisé dans la promotion du goji peut paraître agaçant, voire suspect », reconnaît Jean-Pierre Fauré. « Mais de nombreuses études, validées par la communauté scientifique internationale, montrent que la plupart des bienfaits attribués au goji sont bien réels. Il reste quand même certaines propriétés à étudier plus sérieusement. Par exemple, plusieurs tests cliniques, effectués par des chercheurs chinois sur le rôle du goji dans le retardement du vieillissement ou la prévention de la stérilité, portent sur de trop petits échantillons de populations et/ou ne sont pas adéquatement contrôlés. Ils ne peuvent donc être complètement validés. Pour le moment… »

Une demande exponentielle

Reste que les baies de Goji séchées s’arrachent à prix d’or dans les boutiques bio et diététique de France et de Navarre. Le marché est extrêmement porteur et loin d’être saturé. « Avec l’engouement pour les compléments alimentaires et la prise de conscience de l’obligation d’une alimentation saine et équilibrée, le goji répond parfaitement à une demande forte, voire exponentielle », poursuit l’horticulteur revelois. « Mais c’est plutôt du côté de l’offre que cela pêche. On a noté de gros problèmes de qualité du goji chinois. Or, c’est actuellement le seul pays producteur/exportateur au monde ! » De fait, la production se fait essentiellement dans trois régions de Chine : le Ningxia, la Mongolie Intérieure et le Xinjiang. Avec près de 70.000 ha cultivés, la principale région productrice, le Ningxia, a connu un fantastique essor économique, ces 10 dernières années. Les surfaces cultivées en goji ont été multipliées par 21 et leur valeur commerciale par 80. Mais le Ningxia connaît de sérieuses difficultés, depuis que les États-Unis ont saisi des lots de baies de goji contenant des taux très élevés de résidus d’insecticides et de fongicides. « Avec des tarifs de vente entre 40 et 50 €/kg en bio et 30 à 40 € en raisonné, il y a clairement un marché à prendre pour du goji produit dans nos contrées, de qualité et tracé », soutient Jean-Pierre Fauré. « D’autant que deux variétés récemment développées aux USA peuvent parfaitement s’adapter à nos massifs du Sud-Ouest. »

    Il faut 3 ans pour obtenir la 1ère récolte de ces petits fruits rouges
Il faut 3 ans pour obtenir la 1ère récolte de ces petits fruits rouges

Du Goji « made in Pyrénées »

Le Lycium Barbarum est une plante pérenne, dont la culture est similaire à la vigne, sur piquets et fil de fer, mais à plus haute altitude. Les variétés américaines dont parle Jean-Pierre Fauré sont plus précoces, supportent les températures jusqu’à – 22 °C, peuvent se cultiver dans nos plaines et sont mieux adaptées à la mécanisation et l’industrialisation. Plus sucrées que la variété chinoise, elles aiment les zones tempérées et le plein soleil, un sol bien drainé. Il est important d’avoir 180 jours d’ensoleillement, pour une plantation entre 800 et 2.000 mètres d’altitude. L’arrosage avec les eaux de montagne ou de glacier est un avantage pour l’épanouissement de la plante et la qualité minérale et gustative des fruits. Ce qui n’a pas manqué d’interpeller Jean-Pierre Fauré. « À l’heure où on cherche à dynamiser les massifs montagneux du Sud-Ouest et à maintenir et renouveler une population agricole, la culture du goji dispose d’un énorme potentiel. Surtout si l’on s’y prend collectivement et intelligemment. » Son idée est de lancer un label ou une AOC « Goji des Pyrénées », fortement identifié au territoire. En jouant sur l’image positive qu’ont les consommateurs de nos montagnes, sur la proximité et la traçabilité de la production, Jean-Pierre Fauré est certain de pouvoir capter une large partie du marché de l’alimentation « bien-être ». Il imagine même créer un marché « goji frais » qui n’existe pas encore, étant donné que les baies viennent de loin et doivent donc être obligatoirement séchées.

Encore faut-il trouver des producteurs désireux de se lancer. « Il faut 2 ans avant une première récolte et 3 ans avant qu’il puisse être pleinement récolté », précise-t-il. « Il faut bien tailler l’arbuste, les deux premières années afin de favoriser une forte croissance et augmenter la ramification pour une production maximum, les années suivantes. À partir de la 3ème année, il faut tailler de suite après la récolte pour maximiser la reprise des branches. Mais dès la 4ème année, on est bénéficiaire. La production d’une plantation à maturité est d’environ 4 à 5 T/ha de baies de Goji, récoltées de fin août à octobre, selon les variétés et la climatologie. »

Fermement convaincu du potentiel du goji, Jean-Pierre Fauré s’est associé à un groupement de quatre entreprises de plusieurs pays. Ce groupement gère déjà la production mondiale de stevia et a de fortes ambitions concernant le goji. « On est dans du concret et du très sérieux », souligne l’horticulteur. « L’enjeu actuel est de trouver un moyen de mécaniser la récolte qui, pour le moment, se fait toujours à la main. Des programmes d’essais sont d’ores et déjà en cours. Une fois ce dernier obstacle levé, le goji représentera une formidable opportunité de valoriser nos massifs pyrénéens. Et même, pourquoi pas, intéresser mes voisins de la Montagne Noire… »

Auteur de l’article : Sébastien Garcia