Publié le 14 avril 2011
Il en passe du monde, toute la journée, au GAEC des Bessous, à Cassagne ! Il faut dire qu’en début d’année, avec le groupage des agnelages, ce sont près de 400 agneaux qui arrivent en 15 jours. Une aubaine pour tous les parents et écoles du secteur qui se font une joie d’emmener leurs enfants voir ces nouveaux-nés. Une aubaine aussi pour Yannick, Stéphane et Marie Cazenave, trois frères et sœur qui ont là une formidable opportunité de faire connaître leur élevage et leur nouvel atelier de fabrication de fromage.
Acte I – Yannick, le « berger »
En patois, « bessous » veut dire « jumeaux ». Un nom qui s’impose, tant il est difficile de distinguer les deux frères l’un de l’autre… C’est Yannick qui s’est lancé le premier, en 2007. Après un Bac professionnel à Saint Gaudens, il prend la suite de son père, qui avait un atelier bovin lait avec son frère. « J’ai récupéré les terres appartenant à mon père et les vieux bâtiments qui servaient à accueillir les génisses », précise-t-il. Méfiant au regard de la conjoncture laitière et rebuté par le montant des investissements à faire pour se mettre aux normes, il s’oriente vers l’élevage ovin. Il achète une centaine d’agnelles Lacaune, à la confédération du Roquefort, qu’il commence à traire dans des conditions assez précaires. « Je livrais tout à Tempé Lait, à cette époque. Je m’étais donc fait une salle de traite avec les moyens du bord et les bâtiments n’étaient pas du tout adaptés », reconnaît le jeune éleveur. Son prêt bonifié lui servira donc à investir dans une salle de traite et une bergerie dignes de ce nom. Yannick opte très vite pour le groupage des agnelages. Avec une insémination en septembre (Lacaune Lait), les agnelages commencent à la mi-janvier. Les agneaux restent avec leur mère pendant environ 1 mois. Quand ils atteignent 12 à 13 kg, ils sont mis aux granulés et la traite des mères peut alors commencer. La production de lait ne s’effectue donc que 7 mois par an. Les mâles, eux, sont vendus à une coopérative qui les engraissera. En conservant une centaine d’agnelles de renouvellement chaque année, le troupeau atteindra vite les 450 têtes qu’il compte aujourd’hui. La salle de traite en 2 x 24 permet de traire 300 brebis à l’heure. Il faut donc environ 1 heure et demie pour passer les 450 brebis. Équipée d’un DAC, la salle de traite lui aura coûté 53.000 €, auxquels s’ajoutent 10.000 € de maçonnerie que Yannick réalisera lui-même avec l’aide de son frère. Car son jumeau, Stéphane, n’allait pas tarder à le rejoindre.
Acte II – Stéphane, le transformateur
Après le bac pro que les jumeaux ont fait ensemble, Stéphane a décidé de poursuivre en BTS ACSE, à Vic en Bigorre. En 2009, son diplôme en poche, il s’empresse de rejoindre son frère avec qui il partage la passion de l’élevage depuis toujours. Mais pour vivre à deux d’une production ovine, il fallait trouver d’autres débouchés que la simple livraison de lait, surtout dans une zone où les brebis sont rares, la collecte, chère et donc les prix les plus bas de France. « Sans compter qu’avec notre système, la traite ne se fait que pendant 6 mois », précise Yannick. « Ça a ses avantages car cela nous permet de souffler pendant la gestation des brebis et ainsi de conserver le plaisir d’y revenir. Mais d’un autre côté, on n’a pas de revenu pendant cette période. » L’idée de fabriquer du fromage s’est donc rapidement imposée. « Ayant tous les deux fait des stages dans le pays basque, on avait toujours gardé dans un coin de notre tête le projet de faire du fromage », avoue Stéphane. « Yannick avait investi dans un outil de production assez performant, j’ai donc consacré mes emprunts à l’outil de transformation. » Une fromagerie voit donc le jour à côté de la bergerie de 850 m². Là encore, les Cazenave et leurs amis en construisent la majeure partie. En tout, chacun des frères aura investit dans les 180.000 €, Yannick sur 15 ans et Stéphane, sur 9. « Sans les aides PMBE, on n’aurait jamais pu supporter les 500.000 € de travaux que nous avons réalisés », ajoute Stéphane. « Maintenant, il faut quand même assurer pour payer des annuités assez conséquentes, mais pour l’instant, ça passe. Ce qui nous aide beaucoup également, c’est que nous sommes adhérents dans 3 CUMA pour le matériel. C’est vraiment la meilleure solution pour travailler avec du bon matériel à moindre coût. » Désormais en GAEC, les Cazenave optimisent donc au maximum leur production. Avec 128 ha de SAU bien répartis autour de l’exploitation, la quasi-totalité de l’alimentation, à base de foin, paille et luzerne (sans ensilage), se fait en autoconsommation. L’entretien des parcelles les plus éloignées de l’exploitation est fait par une trentaine de vaches Blondes d’Aquitaine, qui restent dehors toute l’année. Le lait de brebis non utilisé pour la fabrication de fromage est, quant à lui, livré à la Fromagerie de Cazalas, en Ariège, depuis la fermeture de Tempé Lait. À l’heure actuelle, la production de lait va pour moitié à la transformation et pour l’autre en livraison, sachant que leurs brebis donnent, en moyenne, 260 litres par an. Commencée en octobre dernier, la vente de fromages démarre assez fort. Et malgré leur énergie et les quelques mois de répit que leur octroie leur système de groupage, les jumeaux peinent à faire face, notamment sur l’aspect commercial. Une fois encore, la solution allait venir de la famille.
Acte III – Marie, la commerciale
Charlotte vissée sur la tête, Marie s’affaire au milieu des étagères recouvertes de gros fromages ronds. À 27 ans, l’ainée de la fratrie n’aurait jamais pensé se retrouver un jour à travailler à la ferme avec ses frères. « Je m’étais toujours dit que l’agriculture n’était pas pour moi », sourit-elle. « Et jusqu’à l’an dernier, j’étais animatrice pour enfants. Je venais donner un coup de main à mes frères pour les coups de bourre, mais c’est tout. Mais quand ils ont commencé à parler d’embaucher quelqu’un pour les aider à la vente, je me suis dit « pourquoi pas ? ». L’idée a fait son chemin et j’ai décidé de franchir le cap. » Après un an de formation pour adulte au CFA de Saint Gaudens, Marie obtient son BPREA et intègre le GAEC en début 2011. « Je ne voulais faire que la partie Vente, au départ, vu que je ne connaissais rien à la fabrication. Mais au final, le travail en fromagerie me plait bien », reconnaît-elle. « La fabrication n’est pas très difficile. C’est juste une recette à suivre. Les trucs et astuces viennent après, avec l’expérience. On apprend vite de ses erreurs, mais aussi de nos collègues. » Marie a particulièrement apprécié l’aide et les conseils prodigués par des producteurs de fromage de Bethmale, en Ariège. « Quand ils ont entendu parler de nous, un groupe est venu voir comment se passait la transformation, la commercialisation, etc. », explique-t-elle. « Ils ont pris sur leur temps pour nous donner des « tuyaux » et partager leur expérience ou leurs bonnes adresses. Ça nous a beaucoup aidés et cet état d’esprit est vraiment motivant. » Si chacun a un rôle assez défini au sein de l’exploitation, tout le monde s’entraide au moindre besoin. « C’est vrai qu’on s’entend bien », ajoute Marie. « Et entre frères et sœur, on ose se dire les choses de suite. L’autre avantage, c’est qu’à 3, on peut prendre des week-ends ou des vacances, même si pour le moment, ça ne nous est pas encore arrivé. » Mais les débuts semblent prometteurs. L’accueil de leur fromage sur les marchés est très bon et la vente à la ferme attire du monde. « Les visiteurs voient la traite, la fabrication de A à Z, les petits agneaux, etc. Cela nous prend du temps mais ça vaut le coup », conclue Yannick. « Nombreux sont les visiteurs qui reviennent avec des amis ou de la famille. Notre publicité se fait presque toute seule… »
Nos 3 acteurs sont donc en place. La pièce peut vraiment commencer. Avec l’audace et l’énergie de leur jeunesse, les Cazenave se sont lancés dans une drôle d’aventure et rien ne semble freiner leur enthousiasme. Même pas les maigres salaires qu’ils s’accordent. « On ne prélève que le minimum vital pour commencer », avoue Marie. « Mais heureusement que les parents sont là pour nous soutenir. Mais on sait que ça va s’arranger…» Optimisme, quand tu nous tiens.