Publié le 4 mars 2013
Philippe Sicard, naisseur en blondes d’Aquitaine à Aurin (canton de Lanta), a appris les ficelles de l’élevage « sur le tas ». Avec succès si l’on en juge les 5 prix qu’il a obtenus aux Sabots de bronze au cours des 5 dernières années : trois fois 1er et deux fois 2nd, s’il vous plait. Une excellence qu’il doit à des choix de conduite de troupeau simples mais efficaces, des coûts de production optimisés au maximum, un amour non dissimulé de ses bêtes et une passion pour l’élevage, mais aussi à des conseils techniques qu’il a su mettre en pratique… même s’il a parfois du mal à les accepter.
Les avantages d’un conseil extérieur
« Je suis une tête de mule quand je veux », reconnaît volontiers Philippe Sicard. « J’aime travailler comme je l’entend et, du coup, j’ai parfois du mal à accepter les conseils ou les critiques. Pourtant, j’admets que les remarques de Christophe sur l’alimentation de mes veaux étaient justifiées. Il a du faire preuve de patience et de pédagogie pour que je me décide à le suivre sur certains points. Aujourd’hui, je ne le regrette pas, même si lui voudrait que j’aille encore plus loin. » « Lui », c’est Christophe Gaillard, technicien d’élevage bovin viande de la Chambre d’Agriculture. Il suit le troupeau du GAEC du Petit Bureau depuis maintenant 4 ans en se chargeant de la pesée et du pointage des veaux. Un travail sur le long terme, qui touche à de nombreux aspects de l’élevage. « Dès ma 1ère visite, j’ai noté un problème sur l’alimentation », se souvient-il. « Il y a des poids de référence pour chaque race bovine et chaque âge. On s’est rendu compte que les rations à base de céréales immatures apportaient du volume mais pas de poids à ses veaux, qui étaient trop légers. Je me suis donc attaqué en priorité à améliorer la ration pour que ses veaux atteignent l’objectif idéal pour la race Blonde, à savoir 200 kg à 4 mois et 280 kg à 6 mois, au moment de leur vente. »
Christophe Gaillard passe environ 4 fois par an chez Philippe Sicard et sa belle-fille, Mylène Brandon, son associée du GAEC. La pesée pourrait être réalisée par l’éleveur lui-même. Mais le recours à un contrôle officiel et régulier par un agent de pesée agréé facilite l’opération et garantit la véracité des chiffres avancés. Sans compter l’avantage d’avoir un avis extérieur au GAEC sur les performances de l’élevage. De fait, à chaque fois, Christophe Gaillard fait un tour complet de l’élevage, jauge l’état des animaux, observe le contenu des bouses et analyse les données techniques du cheptel (Intervalle Vêlage-Vêlage, Gain Moyen Quotidien, etc…).
Pesée et pointage, les incontournables d’un élevage performant
Avec sa bascule, Christophe Gaillard passe en revue une trentaine de veaux à chacun de ses passages au GAEC. L’opération est relativement rapide et se termine en 1h30, environ. Le pointage, lui, demande beaucoup plus de temps. Examen purement visuel, le pointage consiste à noter le développement squelettique et musculaire d’un animal, suivant une grille d’évaluation portant sur 22 critères différents. « Je suis agréé pour le pointage des races Blondes et Aubrac », précise-t-il. « Les critères évoluent dans le temps et tendent à couvrir des aspects de plus en plus larges de l’élevage. Ainsi, depuis 2012, la docilité des animaux rentre en ligne de compte. Pour rester à jour, je suis convoqué tous les ans par l’Institut de l’Élevage aux sessions d’homogénéisation. » Même si les critères sont précis, l’évaluation des animaux reste à l’appréciation des agents. Dans ce domaine, Christophe Gaillard a la réputation d’être assez sévère et de ne pas « faire de cadeaux ». « J’ai une obligation d’objectivité dans mes notations », estime-t-il. « Le pointage permet de juger de la qualité de la génétique et de l’alimentation. L’objectif est de développer les performances de l’éleveur mais aussi de la race. Dans ces conditions, je ne peux pas me permettre d’être trop « laxiste ». De toute façon, ce ne serait pas rendre service à l’éleveur qui risquerait, en plus, d’être sanctionné par les acheteurs, en termes de prix d’achat de ses bêtes. »
Des animaux bien alimentés…
Côté prix de vente justement, le GAEC du Petit Bureau n’est pas à plaindre. « Il y a un manque de broutards blonds de haute qualité », note Christophe Gaillard. « Avec les résultats qu’ils ont, pas étonnant que Philippe et Mylène vendent bien leurs animaux. » Le GAEC travaille avec trois négociants (Blancal, Armaing et Galinier) et ses broutards partent en moyenne à 1.000 €. Le résultat d’un système simple, basé sur une alimentation de qualité, le choix d’une bonne génétique, l’observation et la présence constante des éleveurs auprès des animaux. Avec un taureau, acheté chez Georges Loubeau à Cassagnabère, le GAEC dispose de vaches avec une très bonne facilité de vêlage et des veaux qui « poussent » vite. Côté alimentation, le GAEC dispose de 60 ha de cultures fourragères. Les 60 vaches et les 25 génisses ont ainsi du foin à volonté et de l’ensilage deux fois par jour toute l’année, ce qui permet de surveiller plus efficacement le troupeau, selon Philippe Sicard. Pour les veaux, la ration de 2/3 d’orge aplati et 1/3 de correcteur azoté est disponible à volonté. Les éleveurs ont également généralisé la présence de pierres à sel à différents endroits de la stabulation. La complémentation des vaches fait toujours l’objet d’âpres discussions entre l’éleveur et le conseiller. « Il sait que ses vaches ont besoin d’une source supplémentaire de protéines, mais il fait sa forte tête », sourit Christophe Gaillard. « Trop cher pour le gain attendu », répond l’intéressé. « Je préfère ne pas lésiner sur les veaux, à la place. »
… et bien surveillés
Mais pour Philippe Sicard, l’arme absolue de son système reste son bâtiment. Réalisé en 2005, il fait un peu moins de 1.800 m² et a coûté dans les 150.000 €. « Auparavant, j’avais 3 petits bâtiments dispersés », ajoute l’éleveur. « Avec l’arrivée de Mylène dans le GAEC, j’ai décidé de tout regrouper en un même endroit. Il fallait donc soigner la conception, histoire de se faciliter au maximum le travail. » Pari réussi. Dans un vaste espace, clair et aéré, les associés disposent d’une vue d’ensemble sur tout le troupeau, dont la majeure partie vit ensemble dans la grande aire paillée qui occupe les 4/5ème du bâtiment. « Les vaches se voient toute l’année et se connaissent donc parfaitement », explique Christophe Gaillard. « Le fait de n’avoir qu’un bâtiment et seulement 3 parcelles pour les 3 lots limite énormément le stress lié aux déplacements ou aux changements de compagnie. Les vaches et les veaux s’y sentent bien et le rendent à l’éleveur. » De leur côté, les associés apprécient la facilité de surveillance, en un coup d’œil, de l’ensemble du troupeau et les aspects pratiques du bâtiment. Tout le fourrage de l’année est stocké à portée de main, dans une travée, tandis que l’ensilage est juste de l’autre côté du mur, dans des silos-couloirs bétonnés. Devant les balles de foin, 2 vieux tracteurs Fiat ne cachent pas leurs 30 ans de bons et loyaux services. « Pas besoin de plus », souligne Philippe Sicard. « Ils ne paient pas de mine mais ils sont faciles à réparer et font correctement leur boulot. Je mets dessus une dessileuse et une fourche et c’est largement suffisant. D’autant plus que tout est accessible et que j’ai prévu la place qu’il faut pour manœuvrer aisément. Avec 40 litres de gas-oil par mois et moins de 15.000 € de valeur en tout, ce n’est pas mon matériel qui pèse sur mes charges ! » En un ¼ d’heure, l’aliment est distribué et Philippe Sicard passe en moyenne 3 heures par jour pour s’occuper de l’ensemble de son troupeau.
« Je ne me plains pas », conclut Philippe Sicard. « Mes veaux se vendent bien, je n’ai pas de grosses charges de production, je valorise mes parcelles les moins productives avec l’élevage et je travaille dans d’excellentes conditions. » Ce passionné aime par-dessus tout passer du temps avec ses animaux et cela se voit. Les veaux viennent spontanément voir les visiteurs, les vaches sont d’un calme olympien et l’élevage entier respire la tranquillité. Par simple plaisir, Philippe Sicard s’est même essayé à d’autres races et a récemment acheté quelques Aubrac, Bazadaises et Montbéliarde. Son plus gros souci, avec un troupeau qui marche bien, comme celui-là, c’est de décider quelles vaches il doit faire partir pour le renouvellement. « Depuis le temps que je les côtoie, c’est toujours un crève cœur de m’en séparer », avoue-t-il.
Tête de mule, peut-être, mais aussi sentimental…