Vaches grasses : les GMS y trouvent aussi leur compte

Publié le 23 mai 2013

La quinzaine de plaques de concours bovins s’affiche fièrement sur le mur, derrière l’étal du rayon Boucherie du E.Leclerc de Saint Gaudens. Toutes proviennent du Concours de Vaches Grasses organisé depuis bientôt 5 ans par la Fédération des ACVA du Comminges et la Chambre d’Agriculture. « Il ne me manque que celles de la première édition, en 2009 », confie Thierry Besnier, Président de la société Sodexco, propriétaire du magasin. « Depuis, je fais tout mon possible pour aller moi-même y acheter des animaux. Sinon, je confie ce soin à un des négociants avec qui nous avons l’habitude de travailler. » Une stratégie d’achat local que cet indépendant, qui a repris le magasin en 1998, estime indispensable à l’heure où les circuits courts deviennent de plus en plus un critère d’achat pour les consommateurs. Une évolution qu’il avait anticipée il y a déjà 14 ans…

Rien ne se fait sans le consommateur

Dès 1999, Thierry Besnier signe un partenariat d’approvisionnement local de viande bovine avec l’association d’éleveurs et d’acheteurs ELVÉA 31 (ex-ADEL 31). Le but : développer une relation de confiance entre le rayon boucherie du supermarché et les consommateurs. Et cela marche plutôt pas mal, aux dires de Thierry Besnier. « Il a fallu apprendre à se connaître, à se parler et à se comprendre entre éleveurs et distributeurs », se souvient-il. « Le plus long était de se caler en termes de technique, de marketing et de gestion des approvisionnements. Travailler sur du vivant nécessite de l’anticipation mais aussi d’orienter la production pour que le produit fini corresponde aux attentes du distributeur et, in fine, du consommateur. Car on peut avoir la meilleure organisation, les meilleures filières, si on ne répond pas aux besoins ou attentes du client, cela ne sert à rien. » S’il a su anticiper l’engouement du public pour les produits locaux, Thierry Besnier ne se repose pas pour autant sur ses lauriers. Avec des consommateurs de plus en plus exigeants, mais aussi de plus en plus informés via internet, la moindre erreur se paye comptant. Même celles qui ne sont pas de son fait, comme le scandale de la viande de cheval qui s’est immédiatement traduit par une désertion des clients des rayons carnés surgelés et même des rayons traiteurs du magasin. « Nous sommes maintenant dans une ère de consommation loyale », analyse-t-il. « C’est-à-dire qu’on ne peut pas mentir au consommateur, si l’on veut préserver son activité, car tout se sait très vite. C’est bien pourquoi j’estime indispensable de capitaliser sur des filières existantes, comme celle de la viande bovine locale, porteuse d’une forte image de qualité et de transparence. Et de s’y engager pleinement. »

Un concours symbolique mais pas seulement

Thierry Besnier est lucide. Ce n’est pas sur les animaux qu’il a achetés depuis 4 ans au concours de vaches grasses de Saint Gaudens qu’il gagne de l’argent. « Les bouchers de mon rayon Traditionnel me répètent assez souvent que j’achète ces animaux trop cher », sourit-il. « L’essentiel n’est pas là. Je sais que finir ces bêtes pour le concours nécessite beaucoup de travail, que cela occasionne des frais supplémentaires et qu’à ce titre, il est logique que nous répercutions cet investissement sur le prix d’achat. Mais si les acheteurs jouent le jeu, c’est également parce que ces vaches sont un produit vitrine. Pour ma part, acheter ces animaux est bénéfique pour l’image du rayon boucherie et, par extension, de mon magasin. Il ne faut pas se voiler la face, c’est en grande partie du marketing. » Certes, mais il y a quand même un peu plus que cela pour Thierry Besnier. Il avoue ainsi qu’il y a une part d’irrationnel ou de passionnel dans son choix stratégique. Il aime ainsi aller en personne sur les concours dont il apprécie l’ambiance et les échanges qu’on peut y avoir. Un goût qu’il tient sans doute de ses origines, avec un père boucher de profession. « Si on n’aime pas l’élevage, il manque quelque chose pour mettre en place ce genre d’opération », précise-t-il. Quoiqu’il en soit, Thierry Besnier compte bien poursuivre sa participation au concours de vaches grasses de Saint Gaudens, tout comme son partenariat avec ELVÉA 31. S’il s’entend bien avec son Président, Jean-Pierre Duclos, et qu’il connaît plusieurs éleveurs engraisseurs, il reconnaît qu’il n’est pas toujours facile d’appréhender toutes les facettes de ce métier. « Et tant mieux », ajoute-t-il. « On ne peut pas tout connaître des besoins ou contraintes de l’autre. C’est donc là qu’intervient une notion capitale pour la réussite de tout partenariat : la confiance. Je pense que nous y sommes arrivés depuis la dizaine d’années que nous travaillons ensemble avec les éleveurs et acheteurs du Saint Gaudinois. »

Une confiance que Thierry Besnier veut transmettre à sa clientèle et qu’il estime renforcée par les opérations de communication menées par la profession agricole, comme ce concours ou les Pyrénéennes. « Il n’y a qu’à voir le nombre de visiteurs à ces manifestations pour comprendre que ce type d’action paye », conclut-il. « Bien sûr, il faut des produits pour tous les goûts et toutes les bourses. Tout le monde n’achètera pas de la viande issue des animaux primés à ces concours. Mais la confiance que nous auront gagnée dans ces opérations est une garantie de pérennité de nos activités respectives de production et de distribution. » Il y a donc toutes les chances de croiser Thierry Besnier dans les allées du foirail de Saint-Gaudens, le 27 septembre prochain. Et pourquoi pas de le voir « craquer » pour l’achat d’un veau, lors du 1er concours de Veau Gras du Comminges qui fera ses débuts en parallèle des vaches…

Témoignage

La grande surface, un client comme les autres…

Depuis 2 ans, Christian Grand fournit le magasin Leclerc de Saint Gaudens. Cet éleveur naisseur-engraisseur de Blondes d’Aquitaine, installé non loin de là, lui vend ainsi entre 15 et 20 bêtes chaque année. Un débouché important qu’il a saisi quand ELVÉA 31 a signé son partenariat avec ce Leclerc. « Je n’ai pas eu peur de travailler avec la grande distribution, bien au contraire », souligne-il. « Je fais de l’engraissement depuis le début, pour valoriser au mieux mes animaux. Mais cela me désolait souvent de voir partir ces bêtes de qualité à Paris ou ailleurs. J’ai donc été enchanté de la décision du Leclerc de s’approvisionner en local. Nous sommes une petite quinzaine d’éleveurs actuellement à travailler avec ce magasin. Pour l’organisation, c’est simple. ELVÉA 31 gère et planifie les livraisons à 5 ou 6 mois. De notre côté, nous avons un cahier des charges à tenir, mais rien d’exceptionnel en termes de contraintes. »

« Lancez-vous ! »

Christian Grand fait partie des éleveurs distingués au dernier concours de Vaches Grasses du Comminges. Sans surprise, Thierry Besnier, propriétaire du Leclerc de Saint Gaudens, lui a acheté sa vache primée. « Il joue le jeu, comme de plus en plus de grandes surfaces du secteur », estime l’éleveur. « C’est bon signe et c’est surtout encourageant pour les éleveurs qui veulent se lancer. » Avec 120 ha, 90 mères blondes et 30 génisses de renouvellement, Christian Grand produit également du broutard, fait un peu de reproduction et expédie en boucherie environ 25 bêtes par an. « Mes surfaces céréalières fournissent l’alimentation de mon troupeau », précise-t-il. « Je nourris mes animaux au maïs humide pendant 6 mois, puis avec une ration de 2/3 de farine sèche (triticale-orge-avoine-maïs) et 1/3 de correcteur azoté, à laquelle j’ajoute du foin de luzerne. » L’éleveur estime d’ailleurs « regrettable » qu’il y ait trop peu de ses collègues qui s’essayent à l’engraissement, d’autant que beaucoup en ont le potentiel. Pour lui, engraisser une bête durant 6 mois est largement compensé par le prix de vente. Même si ce perfectionniste avoue préparer quasiment un an à l’avance les bêtes qu’il présentera au concours de vaches grasses…

Auteur de l’article : Sébastien Garcia