Publié le 22 janvier 2017
Matinée studieuse pour les conseillers agricoles de la Chambre d’Agriculture et du Conseil Départemental du Lauragais, ce 16 janvier 2017. À l’invitation du CDAL, la Fédération des ACVA du Lauragais, une vingtaine de conseillers et techniciens spécialisés a visité les installations de CLER Verts, la plateforme de traitement de déchets organiques de Bélesta-en-Lauragais (canton de Revel). Guidés par Élodie Laborie, fille du fondateur de la société et chargée de projet à CLER Verts depuis 6 ans, les visiteurs ont découvert un outil industriel très abouti.
Du transport de déchets à une plateforme multi-filières
Tout a commencé avec Gérard Lanta, qui dirigeait une société de transports et de location de bennes. Les déchets verts qu’il collectait dans les entreprises de la région étaient stockés sur son terrain de Bélesta, avant d’être brûlés 2 à 3 fois par an, en présence des pompiers. Suite à l’interdiction de cette méthode, en 2002, il s’associe avec Jean-Luc Da Lozzo, directeur du service Déchets dans une collectivité, pour créer une plateforme de compostage. CLER Verts était né. Depuis, la société n’a cessé d’évoluer, élargissant son activité aux bio-déchets, y compris à des catégories de sous-produits animaux, pour lesquelles elle a obtenu l’agrément sanitaire nécessaire à leur compostage. Avec des services variés et complémentaires, CLER Verts s’attache à répondre de façon globale aux problématiques liées aux déchets. Installée sur 9 ha, la PME collecte entreprises et grandes surfaces dans un rayon de 100 km. Les déchets organiques sont alors traités de manière différenciée selon leur type, afin d’en maximiser le potentiel de valorisation. Le bois brut et traité est ainsi séché et recyclé pour la production de combustible ou servir à la fabrication de panneaux de particule. Une plateforme est dédiée à la préparation et le stockage de biomasse pour alimenter des chaufferies collectives. Deux plateformes de compostage multi-déchets organiques permettent de produire des amendements utilisables en agriculture biologique ou conventionnelle. Une unité de déconditionnement permet de traiter les déchets d’entreprises agroalimentaires et de GMS, en séparant le contenu du contenant. Pour compléter le tout, une centrale photovoltaïque de 250 kWc installée sur les toits des bâtiments produit 10 fois plus d’énergie que n’en consomme la PME. Mais rapidement, deux problèmes apparaissent. Tout d’abord, la forte augmentation des quantités de bio-déchets arrivant sur la plateforme pousse la société à chercher de nouveaux moyens de valorisation. Ensuite, le compostage des déchets organiques issus du déconditionnement produit des nuisances olfactives.
Méthanisation « territoriale »
« La méthanisation s’est vite imposée comme solution à ces deux problèmes », explique Élodie Laborie. « J’ai commencé à travailler sur ce projet dès la fin de mes études, en 2010. Il aura fallu six ans de tractations pour arriver à le concrétiser. Très tôt, nous avons opté pour un projet territorial. À la différence des unités agricoles ou industrielles, les projets de méthanisation territoriale sont collectifs et impliquent industriels, agriculteurs et communes d’un même territoire afin de proposer un outil pérenne de valorisation de déchets et de production d’énergie décentralisée. »
Ce type de montage a nécessité la création d’une filiale dédiée aux énergies renouvelables, CLER ENR, pour permettre l’entrée au capital de Midi-Pyrénées Énergies Investissements (MPEI), l’opérateur d’investissements du Conseil Régional dans le domaine des énergies renouvelables. D’un coût total de 6 Mons d’euros, le projet a pu bénéficier d’une subvention de l’ADEME, ainsi que de l’ancienne région Midi-Pyrénées (cf. encadré Chiffres-clés). Devant la complexité de cette unité, qui doit traiter 18.000 tonnes de déchets de différents types et différentes origines par an, CLER ENR a fait appel à l’entreprise allemande Envitec Biogas, un des leaders mondiaux en la matière, pour concevoir et construire le méthaniseur. Le reste du chantier (terrassement, bâtiment, etc.) a été réalisé par des entreprises locales. Démarrés en octobre 2015, les travaux auront duré un an et la station a été inaugurée le 20 octobre 2016. Trop éloignée des réseaux de gaz, CLER ENR a choisi de produire de l’électricité par cogénération, qui est vendue à EDF dans le cadre d’un contrat de 15 ans. Les 18.000 tonnes de digestat seront épandues sur 1.600 hectares de terres agricoles. Les demandes des céréaliers environnant souhaitant entrer dans le plan d’épandage ont d’ailleurs été supérieures aux quantités de digestat disponibles chaque année…
« L’aire urbaine de Toulouse constitue un gisement colossal de déchets organiques », insiste Élodie Laborie. « Notre vocation est de détourner cette matière organique de l’incinération ou de la mise en décharge. En permettant son retour au sol, nous faisons ainsi de la matière organique une ressource créatrice d’emplois non délocalisables, qui permet de produire une énergie locale issue de sources renouvelables. »
Un écosystème industriel et circulaire autour de la matière organique
CLER Verts ne craint pas de manquer de matière première. Depuis le 1er janvier 2016, la Loi Grenelle 2 oblige (en principe) tous les gros producteurs de bio-déchets (>10 T/an) à mettre en place un tri à la source de leurs bio-déchets pour en permettre une valorisation organique. D’ici 2025, La Loi sur la Transition Énergétique prévoit, elle, une généralisation du tri à la source des bio-déchets pour tous les producteurs, y compris pour les particuliers. De quoi offrir des opportunités pour d’autres plateformes de ce type sur le territoire.
Mais CLER Verts va encore plus loin dans sa démarche. L’usine de méthanisation tourne déjà à pleine capacité. Même si le retour sur investissements est prévu d’ici 8 à 9 ans, la PME n’envisage pas d’agrandir son unité. Elle regarde plutôt à explorer d’autres débouchés. « Nous avons entrepris de retrier ce que récupérons », poursuit Élodie Laborie. « Par exemple, nous avons beaucoup de pain dans les déchets. Nous voudrions essayer de le valoriser dans l’alimentation animale, même si nous nous heurtons à des problèmes réglementaires. Pour le moment, nous nous concentrons sur le projet Organic’vallée. » Sur une propriété de 50 ha, rachetée à un voisin, CLER Verts a créé une SCIC*, qu’elle détient pour l’instant à 100%. Le projet est d’ouvrir cette structure à tout agriculteur ou entrepreneur désirant travailler à partir de la matière organique produite à Bélesta. Un maraîcher est déjà installé et bénéficie des amendements organiques (compost) de CLER Verts. « Nous avons en tête de monter une légumerie sur place », explique la chargée de projet. « En installant plusieurs maraîchers, ils auraient ainsi un outil de transformation qui leur permettra de dépasser la seule vente aux particuliers, en se mettant aux standards de la restauration collective. Ils pourraient donc approvisionner les écoles du territoire, par exemple. Les déchets de la légumerie et des cantines scolaires seraient à nouveau récupérés par CLER Verts, pour faire du compost qui retournerait aux maraîchers, etc. C’est le principe même de l’économie circulaire. » Organic’vallée est ouverte à toute personne ou tout type de projet. Un entrepreneur va ainsi prochainement démarrer une activité de production de champignons sur marc de café, mis de côté par la plateforme.
Pour Serge Barthès, agriculteur à Nailloux et Président du CDAL, il y a clairement des choses à faire. « C’est pour cela que j’ai voulu montrer ce site aux conseillers agricoles du Lauragais », explique-t-il. « Il faut que chacun en parle autour de soi. Cette visite nous montre qu’il y a une grosse réflexion à mener sur notre société de consommation et le gaspillage qui en résulte. Mais elle nous prouve qu’il y a aussi un énorme potentiel pour les agriculteurs de s’intégrer dans des initiatives de recyclage, de valorisation de productions et de développement de nouvelles activités. Trouvons des idées et solutions innovantes : il y a de nombreuses possibilités d’accompagnement technique et financier pour les réaliser. Ne laissons pas passer ces opportunités. »
- Investissement total réalisé : 5.700.000 €
- Subvention Ademe : 904.875 €
- Subvention Région : 482.000 €
- Financement bancaire : 13 ans
- Capital CLER ENR : 35% MPEI, 65% CLER Verts
Dimensionnement
- Capacité de traitement : 18.000 t/an
- Bâtiment d’exploitation : 2.800 m²
- Unité de déconditionnement : 9t/heure
- Digesteur : 3.200 m3
- Stockage digestat : liquide 11.210 m3 ; solide 4.000 m3
Caractéristiques énergétiques
- Production électrique : 5.070 MWh é/an (équivaut à la consommation de 950 foyers/an, norme RT 2012)
- Production thermique : 5.870 MWh/an (équivaut à la consommation de 587 foyers1/an)
- Cogénération : 637 kWé