Publié le 25 février 2014
Dans le cadre de sa nouvelle gouvernance mise en place en 2013, le groupe Arterris a créé des Comités d’orientation stratégique (Cos) par métier. Leur mission vise à mener des réflexions de fond en vue de proposer un plan stratégique et un business plan à trois ans qui, in fine, sont soumis à l’approbation du conseil d’administration, dont relèvent les décisions. Parmi les huit Cos identifiés, l’un concerne le secteur de l’innovation.
En créant Arterris Innovation, le groupe confirme ainsi son intérêt pour la recherche et le développement (R&D) qui, depuis fort longtemps, fait partie des éléments centraux de sa stratégie. « La R&D est un investissement sur le futur qui nous permettra de créer du développement économique », indique Guillaume Duboin, directeur du Pôle Innovation Marketing du groupe. Dans cet objectif, le groupe consacre désormais quelque 1,7 M€ par an à l’innovation, contre 1,1 M€ il y a tout juste trois ans. Sur ce budget, près de 40 % sont autofinancés par le ou les métiers impliqués dans les projets de R&D. Les 60 % restants sont financés grâce à des crédits d’impôt recherche, des aides à l’innovation via les pôles de compétitivité et enfin, quand c’est le cas, des royalties. « L’objectif », poursuit Guillaume Duboin, « est de ne pas voir l’agriculture partir dans la décroissance, mais qu’elle continue à se développer avec des méthodes de plus en plus respectueuses de l’environnement. »
Dans cet objectif, Arterris Innovation et ses quinze collaborateurs planchent sur quatre grands dossiers : la chimie du végétal, les énergies re-nouvelables, l’agriculture productive et écologique ainsi que les agroéquipements. Dans le cadre de ces quatre grands axes de R&D, le Cos a identifié plusieurs projets programmés à plus ou moins long terme. Entre 2017 et 2020, Arterris Innovation prévoit entre autres la mise au point de drones pour la surveillance des cultures ainsi que d’un robot de désherbage sans utilisation d’herbicides, l’élaboration de produits de protection des plantes à partir de la pellicule du raisin (projet Phytomarc), la conception de goutte-à-goutte enterré pour l’irrigation de précision des grandes cultures ou encore la concrétisation de projet Valodim concernant la création de plusieurs méthaniseurs à l’échelle du territoire d’action du groupe. Ce qui devrait lui permettre d’autoproduire entre 15 et 20 % des éléments fertilisants utilisés par ses adhérents.
Parmi les dossiers aboutis, présentés par Guillaume Duboin lors de la conférence de presse du 5 février au siège d’Arterris à Castelnaudary, on retiendra trois grands projets.
MIE’nutie, la baguette 100 % blé dur made by Arterris
Le blé dur n’est pas, a priori, panifiable car l’opération de meunerie réalisée sur cette céréale ne permet pas d’obtenir de la farine, à savoir une mouture inférieure à 200 microns, mais une semoule très fine comprise entre 220 et 330 microns. Avec une idée bien précise derrière la tête, Arterris Innovation a voulu démontrer le contraire. Le défi a été relevé en lien avec l’Inra et la Toulousaine des Farines (Sallèles-d’Aude), holding détenue par les Moulins Pyrénéens, eux-mêmes appartenant à 50 % au groupe Arterris et 50 % aux Grands Moulins de Strasbourg.
« La première farine de blé dur au monde est née ! », se félicite Guillaume Duboin. Conforme à la définition de la farine, elle présente une granulométrie de 170 microns. Après dépôt d’un brevet, la phase de développement a été engagée en lien avec quatre boulangers audois et héraultais qui ont participé à la mise au point de la méthode d’obtention de la baguette vendue sous la marque MIE’nutie. « Le développement”, poursuit Guillaume Duboin, “a été relativement lent car cette baguette est fabriquée selon une méthode de travail spécifique qui exige une phase d’apprentissage. » Deux ans après son lancement, quelque 400 t de farine ont été panifiées. A l’horizon 2016, ces volumes devraient atteindre 3 000 t. « Pour franchir un nouveau seuil de développement, nous allons devoir travailler avec des industriels de la boulangerie mais aussi de la biscuiterie pour créer une gamme de produits spéciaux », reconnaît le directeur.
A plus long terme, de nouveaux investissements devraient voir le jour afin, dit-il, « de garder une longueur d’avance face à une très probable concurrence. » Outre la captation de valeur pour le moulin et le boulanger liée au prix supérieur de la farine du blé dur et outre les royalties encaissées par le groupe, Guillaume Duboin insiste sur l’intérêt de cette innovation en terme de débouchés : « C’est la première fois que le blé dur aura un autre débouché que la semoule », dit-il. A l’échelle du groupe, le développement de cette filière devrait alors permettre d’envisager des contractualisations avec les céréaliers adhérents. Dans cet objectif, Arterris Innovation mise sur des relais d’opinions en se rapprochant de chefs de renom mais aussi des Compagnons du Devoir. Autre dossier concrétisé, le TRS2, un adjuvant 100 % d’origine végétale.
TRS2, un adjuvant de la chimie verte
Son homologation a été très longue à obtenir en France, quatre ans contre six mois en Allemagne. Mais, là encore, Arterris Innovation est allé au bout de son projet. En lien avec la société SDP, le groupe Arterris a commercialisé en 2013 le premier adjuvant d’origine végétale fabriqué à partir d’un tournesol hautement oléique. Homologué en France et en Allemagne pour une utilisation en association avec des herbicides en grandes cultures, il est également pré-positionné au Royaume-Uni.
TRS2 est né grâce au partenariat entre Arterris Innovation et l’huilerie GHM à Béziers en charge de la trituration du tournesol hautement oléique et la société axonaise (de l’Aisne) SDP, numéro 2 en France dans la fabrication d’adjuvants qui, pour sa part, assurera la fabrication industrielle et la commercialisation. En 2013, quelque 30 000 litres ont été commercialisés. Grâce à un bon positionnement prix, Arterris Innovation table sur plus de 200 000 litres en 2014 et près d’un million de litres d’ici trois ans. Sur un marché de 4 millions de litres, TRS2 peut espérer représenter 25 % des parts de marché. Une ambition qui s’appuie sur le développement du programme Oléis que le groupe Arterris a lancé en 2008 en partenariat avec le semencier Pioneer en vue d’identifier de nouvelles pistes de valorisation des variétés de tournesol oléique et super-oléique.
En 2013, les surfaces contractualisées ont représenté 300 ha. Dès 2014, le groupe table sur près de 700 ha et, à partir de 2015, quelque 1 500 ha devraient être engagés dans ce programme.
« A plus long terme », assure Guillaume Duboin, « les nouvelles utilisations, notamment alimentaires, augurent d’un fort développement de cette filière qui devrait permettre d’augmenter les superficies de tournesol hautement oléique cultivées sur le territoire d’Arterris-Sud Céréales. »
Bats, première concrétisation du projet Neofertil
Bats, pour Biodynamisation Azotée des Terrains de Sport, est le premier résultat du projet de R&D Neofertil, porté par la société Agronutrition, filiale du groupe De Sangosse, et Arterris Innovation en partenariat avec le CNRS, le Laboratoire de Génie Chimique et l’Ensat. Bats est une solution obtenue à partir d’un prélèvement de sol à partir duquel sont réalisés plusieurs process visant la production en grande quantité d’azobacters à partir des bactéries fixatrices d’azote présentes dans le sol. « L’idée est de proposer une solution applicable par pulvérisation capable de garantir le relargage d’azote dans le sol sans aucun apport d’engrais », explique Guillaume Duboin. Objectif atteint. Toutefois, son utilisation en grandes cultures n’a pas été totalement convaincante. Des tests sont actuellement en cours sur quelque 1 300 ha de céréales à paille.
En revanche, du côté des espaces verts et notamment des stades sportifs, la satisfaction est totale : « A tel point que son développement a été plus rapide que prévu », souligne Guillaume Duboin. Commercialisée via Arterris Espace Verts, la solution Bats génère des royalties pour le groupe. Outre le développement d’une agriculture productive et écologique, objectif numéro un du groupe, les innovations contribuent indirectement au développement économique de l’agriculture régionale via les royalties qu’elles génèrent. Une perspective que le groupe Arterris ne perd pas de vue.
Béatrice Bonnet, Paysan du Midi
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