Publié le 19 novembre 2014
Objectif atteint, le 15 novembre 2014 à Albi. Pendant 3 heures, près de 5.000 personnes, agriculteurs, élus locaux de tous bords, représentants des Chambres consulaires locales et régionales, riverains de Sivens, ont défilé dans le calme, mais avec la ferme détermination de se faire entendre. Avec un mot d’ordre clair : « Laissez nous décider de l’avenir de nos territoires. »
Une retenue modeste
Jean-Claude Huc, Président de la Chambre d’Agriculture du Tarn, ne cachait pas sa satisfaction. Outre de nombreux représentants de la société civile, des délégations d’agriculteurs avaient fait le déplacement, parfois de très loin comme celles du Pas de Calais ou de la Somme, pour apporter leur soutien à leurs collègues de la vallée du Tescou. « Il sont venus à nos côtés pour dire avec nous qu’il ne faut pas céder à la pression d’une minorité violente », déclarait-il. « Car si l’on cède face à cette poignée d’individus, plus aucun projet ne pourra être mis en œuvre après Sivens. » Parti de la base de loisir de Pratsgraussals, le cortège, que les organisateurs voulaient « citoyen », a fait le tour du centre-ville d’Albi pour s’arrêter Place du Vigan, où ont eu lieu les prises de paroles. Tout au long du trajet, les participants ont tous rappelé aux journalistes présents leur exaspération de voir un projet aussi modeste que la retenue de Sivens servir de prétexte à des débordements de violence. « Une mare aux canards » pour l’un, « une retenue collinaire comme il en existe des centaines en Midi-Pyrénées », ajoutait un autre, le projet de Sivens est à des lieues du chantier pharaonique présenté par les médias et les opposants. « La retenue fera l’équivalent de 12 terrains de foot », insistait le député PS Jacques Valax. « Par contre, elle est indispensable à la vie écologique et économique de cette vallée. » Des propos étayés par Jean-Claude Huc, qui rappelait que Sivens allait permettre à des exploitations de tailles petites et moyennes, orientées vers la polyculture élevage, de perdurer. « Mais au-delà de l’agriculture, cette retenue sert aussi à soutenir l’étiage d’un cours d’eau qui est régulièrement à sec à partir du mois de juin », ajoutait-il. « Quoi de plus raisonnable que de stocker, en période d’abondance, l’eau du Tescou pour lui rendre en période sèche, plutôt qu’il n’aille déborder à Sapiac* ? »
Rendre le pouvoir aux élus
Premiers concernés par l’occupation de Sivens par les ZADistes, les habitants ont fait entendre leur désarroi par la voix de Pascale Pubacé, Présidente de l’association de riverains Vie Eau Tescou. « Depuis 2 ans, la vie dans cette vallée a perdu sa sérénité », dénonçait-elle. « La situation s’est dégradée il y a un an, avec l’arrivée des premières occupations illégales. Depuis plusieurs mois, les choses se sont encore aggravées. Nous, habitants de la vallée qui nous sommes toujours exprimés à visage découvert et pacifiquement, interpellons le gouvernement. Nous demandons à être enfin entendus et respectés ! » Rappelons qu’une centaine de manifestants occupe toujours les lieux, malgré l’appel de Ségolène Royal à lever le camp. Fil rouge de la manifestation, l’atteinte à la démocratie occupait une large place dans les discours des élus. « C’est un projet qui œuvre pour le maintien de la ruralité dans un territoire qui a besoin d’eau », déclarait Philippe Bonnecarrère, Sénateur du Tarn. « La vallée du Tescou n’est pas le Marais Poitevin. Où va-t-on si les violences font échouer des projets élaborés dans la transparence, dans des assemblées composées de personnes élues démocratiquement, qui connaissent les spécificités et contraintes de leur territoire ? Cela n’aura pas de fin. » D’autant que, pour Sylvain Fernandez, il y a urgence à réagir. Le Président de l’association des maires du Tarn, qui avait appelé tous les élus départementaux à participer au rassemblement, revenait sur les changements climatiques. « Les experts nous disent qu’il manquera 100 millions de m3 d’eau en 2050 », clamait-il. « Faire de la politique, c’est anticiper et ne pas attendre cette échéance pour réagir. Il en va de la survie de nos territoires. »
Des discours sobres, courts et souvent percutants, qui ont été chaudement applaudis par des manifestants qui attendaient de telles paroles depuis longtemps. Un panneau brandi par un participant demandait aux médias d’arrêter de bâillonner l’agriculture et de davantage donner la parole à « la majorité silencieuse ». L’avenir nous dira vite si le message est passé et si nous verrons enfin un peu plus d’équilibre dans le traitement d’un sujet qui n’a que trop souffert de la déformation.
* Située à la confluence du Tarn et du Tescou, Montauban est régulièrement sujette aux crues avec, chaque fois, l’inondation des quartiers de Sapiac et de Villebourbon. Celle « historique » de 1930 a vu une montée des eaux de 11,45 m à l’échelle du Pont Vieux. Elle a fait 200 victimes et 10.000 sinistrés. Elle fut suivie par celles de 1982 (9 mètres), de 1996 (9,50 m) et de 2003 (9 m). La crue de 1996 avait occasionné prés de 26 millions d’euros de dégâts.
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