Publié le 7 décembre 2009.
Même si le sujet a quitté le devant de la scène médiatique, la crise du lait n’est pas terminée pour autant. Dans le Sud-Ouest, les coopératives se mobilisent pour tenter de venir en aide à leurs adhérents.
Il faut trouver des solutions à court et moyen terme afin de passer ce cap délicat et préparer l’avenir d’une profession très malmenée depuis 2 ans. Pour faire un point de la situation, le Trait d’Union Paysan a rencontré Jean-Louis Loustau, Président du groupe coopératif 3A.
TUP : 3A Coop a mis en place une série de mesures d’aides financières et d’accompagnement technique des éleveurs laitiers. Comment ont été accueillies ces dernières mesures ?
Jean-Louis Loustau : Plutôt bien, étant donné le contexte. Mais toutes ces mesures (qui s’ajoutent à celles que nous avions déjà instaurées ces dernières années) ne remplaceront jamais un prix du lait décent pour les producteurs. Ils attendent donc une reprise du marché et une remontée des cours avant tout. Mais notre accompagnement technique a pour but de leur faire se poser les bonnes questions. C’est dans ces périodes de crise que l’on doit s’interroger sur sa méthode de travail et agir sur tous les leviers de gestion possibles pour limiter la casse en attendant une amélioration des prix. Il faut se pencher sur la conduite du troupeau, l’alimentation, les achats d’intrants. D’après une enquête interne menée récemment, seul un producteur sur cinq connaît ses marges. De même, en terme de qualité du lait, entre les 10% de producteurs qui ont le meilleur prix et les 10% qui ont le plus bas, il y a un différentiel de 54 € ! Il y a d’énormes marges de progression qu’il ne faut surtout pas délaisser.
Mais ça n’empêche pas qu’il faut que les prix remontent, car même ceux qui sont techniquement bons et qui investissent pour le rester (ou le devenir) ne passent plus économiquement à cause de ces investissements. Les plus touchés par cette crise sont les producteurs de demain, ceux qui ont des plans de développement et les jeunes installés. Ce sont eux que nous devons aider en priorité. J’espère sincèrement que les aides de l’État et de la région tiendront compte de ces ateliers. Faire des aides à la cessation d’activité, c’est bien. Mais que fait-on pour ceux qui représentent l’avenir de la filière laitière de la région et tout le tissu agricole, industriel et social qui en découle ? Il ne faut surtout pas les oublier.
TUP : Dans ce contexte tendu, les relations avec vos adhérents ont-elles changé ?
J-L L. : Juste après la grève du lait, nous avons fait une série de 13 réunions sur le terrain. Les discussions ont été évidemment très vives. Mais même si nos adhérents étaient revendicatifs et inquiets, je crois qu’ils ont apprécié notre démarche de venir nous expliquer face-à-face alors que la situation était « chaude » plutôt que d’attendre que ça se tasse avant de communiquer. Nos relations ont changé dans le sens où nos adhérents sont maintenant plus exigeants vis-à-vis de leur outil coopératif.
TUP : La contractualisation fait couler beaucoup d’encre. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
J-L L. : Dans la perspective de la fin des quotas et dans l’attente de la mise en place d’une nouvelle régulation européenne, il faut inventer de nouvelles relations entre producteurs et transformateurs. La contractualisation sera efficace seulement si il y a, d’une part, une régulation européenne pour arbitrer les volumes et, d’autre part, un cadre interprofessionnel français, pour contrôler la destination des laits de différentes valorisations. Je tiens à rappeler que pour nous, coopérative, la contractualisation ne serait qu’un avenant à notre contrat coopératif, par lequel nous nous engageons déjà à acheter tout le lait de nos adhérents pour 5 ans. Il serait donc aménagé en y ajoutant une notion de volumes à des prix différents. Ce prix sera trimestriel ou annuel, et calculé en fonction du mix-produit de l’entreprise. Mais je suis conscient que les conditions d’une « bonne » contractualisation seront délicates à obtenir.
TUP : Quel est votre « pronostic » sur le marché du lait et la reprise ou non des cours ?
J-L L. : Nous sommes à la période où les entreprises font leur budget 2010. Beaucoup d’indicateurs donnent des signes d’une dynamique de remontée du prix du lait : les cours des produits industriels se redressent, la consommation de plusieurs grands pays reprend, etc. Mais quant à donner un délai, je pense qu’au 2ème semestre 2010, on devrait avoir retrouvé un cours plus avantageux. Mais on n’est pas à l’abri de fluctuations brutales.
TUP : Justement, avec la contractualisation, ce seront les entreprises qui amortiront ces fluctuations. Pensez-vous avoir les reins assez solides pour supporter des baisses soudaines des cours ?
J-L L. : La situation de 3A Coop est plutôt favorable actuellement. Nous n’avons pas d’excédent laitier. De plus, la diversification de nos activités nous a permis de mieux supporter la crise que d’autres industriels plus spécialisés ou qui sont sur des marchés moins bien valorisés. C’est pourquoi nos filiales, comme la Maison Boncolac (glaces et pâtisseries surgelés) et nos partenariats, comme la création de Yéo avec nos collègues espagnols de Kaiku, sont une garantie supplémentaire pour nos adhérents de débouchés variés et à forte valorisation. C’est aussi l’assurance de conserver les emplois sur ce site de Toulouse et de continuer à être un acteur économique important de notre région.