Des CRS comme professeurs de conduite

Publié le 18 mai 2017

Vous l’ignorez certainement mais depuis 1972, une unité de CRS spécialisée sillonne la France pour sensibiliser les jeunes à la conduite d’engins agricoles. Le 27 avril 2017, elle faisait escale pendant une journée au lycée agricole d’Ondes pour son opération « 10 de conduite rurale ». Une formation expresse qui, à entendre les policiers, mériterait d’être étendue à toutes les générations.

L’erreur est (principalement) humaine

Quatre heures de théorie sur la sécurité routière et l’utilisation de tracteurs et automoteurs, ça peut sembler long. Pourtant, les jeunes de 1ère Maintenance de Matériel qui en sortaient n’ont pas vu le temps passer. « On a appris plein de trucs sur la signalisation, les gabarits ou comment calculer la charge de transport maximale autorisée », explique l’un d’eux. « On s’est rendu compte qu’on fait plein d’erreurs de conduite, pour tourner ou manœuvrer un tracteur, ou même pour en descendre. » Des lacunes qui n’étonnent pas le Brigadier Pruvost, un des trois formateurs présents à Ondes pendant 4 jours. « En matière de sécurité routière, le milieu agricole est proche du zéro », soupire-t-il. « Les jeunes apprennent la conduite avec leurs parents ou leurs maîtres de stage, qui ne sont ni formés, ni formateurs. Et une fois engagés dans leur vie professionnelle, ils ne prendront plus le temps de consacrer ne serait-ce qu’une demi-journée à se former à la conduite. Et ils apprendront à leur tour à d’autres jeunes à faire les mêmes erreurs… » En France, 9 accidents sur 10 sont dus à des erreurs humaines (accidents de prise de force, erreurs de circulation, de chargement, etc.). Pourtant, nous sommes les seuls en Europe à pouvoir conduire un engin agricole sur route dès 16 ans, sans permis. Dans tous les autres pays d’Europe, il y a au minimum deux permis à passer, l’un à 16 et l’autre à partir de 18 ans. D’où l’importance de la mission de cette unité de CRS, même si l’ampleur de la tâche est immense.

Des habitudes dangereuses

L’autre demi-journée est consacrée à la pratique. Au programme : chargement frontal et déplacement d’une balle ronde, puis manœuvre en marche arrière avec un tracteur équipé d’une presse. Dans chaque cabine, un CRS observe le comportement du jeune au volant. Celui-ci a été auparavant instruit des procédures à suivre et les deux parcours à réaliser feront l’objet d’une notation. L’ambiance est détendue et nos jeunes se « tirent la bourre » pour avoir le meilleur résultat. Au grand plaisir des policiers. « C’est l’occasion pour nous de montrer notre travail au quotidien qui est de protéger les populations », poursuit le Brigadier Pruvost. « Nous ne sommes pas là pour sanctionner mais pour montrer qu’avec un peu de bon sens et les bonnes instructions, on peut conduire aussi bien, voire mieux, mais surtout en parfaite sécurité pour soi et les autres. »

Semi-remorque dédié et matériel de dernière génération prêté par un constructeur, les jeunes sont formés dans les meilleures conditions possibles
Semi-remorque dédié et matériel de dernière génération prêté par un constructeur, les jeunes sont formés dans les meilleures conditions possibles

Les principaux défauts sont récurrents : absence d’utilisation des rétroviseurs pour le recul, mauvais placement sur la chaussée et mauvais état du matériel. Là aussi, la France est un des rares pays à ne pas avoir de contrôle technique pour les engins agricoles. « L’état général est trop souvent déplorable », insiste le CRS. « Une grande partie des engins que nous contrôlons a un éclairage obsolète, quand il n’est pas purement déficient. Mais personne n’a été formé ou habitué à faire le tour de l’engin avant de prendre la route. C’est pareil pour les marches arrière : une main sur le volant, un bras sur le dossier, tourné vers l’arrière et c’est parti. Surtout pas ! Dans ces conditions, le conducteur ne voit qu’un quart du parcours qu’il fait prendre à son engin. Et il compte sur la taille de l’engin, le bruit et le gyrophare pour espérer être vu ou entendu. Vous avez un gamin de l’autre côté où vous regardez et il se retrouve sous vos roues. Il faut réapprendre à sécuriser l’espace de circulation et à manœuvrer avec les rétroviseurs. »

En quatre jours, l’unité de CRS, qui intervient à la demande des établissements scolaires, aura vu une centaine de jeunes de 1ère année en Bac Pro et BTS. « Cela faisait trop longtemps que cette opération n’avait pas eu lieu à Ondes », notait Sylvain Bastida, proviseur adjoint du lycée agricole. « Devant le succès de ces journées et l’importance des enseignements acquis, il faut maintenir un rythme de visites régulier. Le fait que ce soient des policiers en uniforme qui portent ce discours de prévention porte beaucoup plus que si cela venait d’un enseignant. » Un constat que Groupama a fait depuis longtemps. C’est pour cela que l’assureur est partenaire et organisateur de ces tournées depuis de nombreuses années. Au final, l’opération est presque intégralement financée par le sponsoring. Le constructeur Claas met historiquement à disposition les deux tracteurs qui voyagent avec les CRS dans un semi-remorque spécialement aménagé. Les outils attelés ou portés sont, eux, prêtés par un concessionnaire Claas local. Enfin, tous les carburants et lubrifiants consommés sont offerts par Total.

« Les lycées nous offrent le gîte et le couvert », conclut le Brigadier. « Ce fonctionnement nous permet d’être très réactifs et autonomes. Nous terminons notre mission à Ondes vendredi soir et lundi matin, nous sommes dans la Loire, pour recommencer avec d’autres jeunes. Mais nous ne nous plaignons pas, travailler avec les élèves des lycées agricoles, c’est que du plaisir. »

 

Auteur de l’article : Sébastien Garcia