Publié le 1er mars 2017
La délégation sénatoriale aux Droits des Femmes, présidée par Chantal Jouanno, a organisé un colloque, le 22 février dernier, sur le thème : Être agricultrice en 2017. Quatorze femmes de toute la France, aux profils très variés, sont venues témoigner, au Palais du Luxembourg, de leurs parcours, de leur quotidien et de leur vision de l’avenir. Parmi ces témoins, Marie-Blandine Doazan, Présidente de Jeunes Agriculteurs 31.
Faire évoluer les lois…
« C’est par un mail du Sénat que j’ai été invitée à participer à ce colloque », explique l’agricultrice installée à Villariès. « Je trouvais la démarche intéressante, j’ai donc accepté pour voir si cette initiative pouvait contribuer à faire évoluer les choses. » C’était un point de vue apparemment partagé par l’ensemble des agricultrices conviées à Paris. Partagée en trois tables rondes, la demi-journée a permis à ces femmes de pointer les améliorations, mais aussi ce qu’il reste à réaliser pour la condition de femme dans un monde agricole encore très masculin. Rappelons que ce n’est qu’en 2011 que les femmes ont obtenu le statut de chef d’exploitation au travers du GAEC entre époux, alors qu’elles ne pouvaient être que conjointes d’exploitant auparavant. Une vraie avancée pour la reconnaissance du statut des agricultrices, mais qui n’est qu’un début pour celles qui étaient venues au Sénat.
« Les femmes constituent 36% des agriculteurs français et 40% des installations », rappelait Karen Serres, Présidente de la Commission Agricultrices de la FRSEA Occitanie, également présente. « Malgré cela, leur représentativité dans les institutions agricoles n’est pas à la hauteur de leur nombre. » La présence obligatoire d’un tiers d’agricultrices dans les listes électorales Chambres d’Agriculture a été une première étape importante, comme témoignait Émeline Lafon, éleveuse de lapins, qui estime que sa place de Vice-présidente de la Chambre d’Agriculture du Gers est directement liée à la nouvelle réglementation. Ce qui faisait dire aux femmes présentes que le Sénat devrait poursuivre dans cette voie et travailler à une représentativité accrue des agricultrices dans les coopératives, les banques et autres structures agricoles.
… et les mentalités.
Il n’y a pas que la loi qui puisse faire avancer les choses. Des habitudes ancrées et une certaine retenue des agricultrices contribuent toujours à freiner leur vie professionnelle. Une agricultrice mentionnait ainsi la possibilité pour elles de prétendre, depuis 2008, à un congé maternité, qui n’est utilisé que par 55% des exploitantes. Les femmes sont également sous-représentées dans les formations. Elles sont pourtant souvent porteuses ou initiatrices d’innovation dans leurs exploitations, comme l’ont montré plusieurs témoignages ce jour-là. Innovations techniques, innovations commerciales ou même sociales, selon Marie-Blandine Doazan qui souligne l’importance du thème de la famille et des enfants, qui revenait souvent dans les interventions. « Nous avons une vision plus « humaine » que technique d’une exploitation agricole », estime-t-elle. « Les changements que nous tentons d’apporter visent souvent à concilier au mieux vie professionnelle, vie familiale et vie sociale. Une agricultrice qui délègue une partie de son activité n’aura pas l’impression de perdre la maîtrise de son outil de travail, comme c’est le cas chez beaucoup d’agriculteurs qui craquent parce qu’ils veulent tout assurer eux-mêmes. » Beaucoup d’intervenantes ont prouvé qu’il fallait, pour cela, y croire, oser et souvent ne pas craindre d’aller défendre sa cause. Un groupe d’agricultrices est ainsi allé rencontrer un constructeur de tracteur pour demander à revoir le calibrage des capteurs du siège conducteur. De fait, plusieurs modèles ne déverrouillent les systèmes de sécurité qu’à partir de 50 kg. Pas facile pour une femme qui pèse moins que cela de travailler avec un tracteur qui considère qu’elle n’existe pas…
Ces exemples ne sont que quelques-uns des témoignages qui ont émaillé ce colloque. L’intégralité des débats est disponible sur le site internet du Sénat et leur visionnage est plus que conseillé. « Cette journée m’a regonflée à bloc et donné envie de mettre en place des initiatives locales avec des groupes d’agricultrices », se réjouit Marie-Blandine Doazan. « J’y ai croisé des femmes dynamiques, certaines engagées en politique ou dans les collectivités territoriales, qui donnent une image résolument positive de l’agriculture. Quelle que soit le type ou le mode de production, il ne faut pas opposer les systèmes. Le principal est d’être bien dans sa tête et bien dans ses bottes. C’est ce qui permet d’imaginer d’autres solutions, d’autres idées autour desquelles se retrouver et progresser. Si le Sénat peut aider les agricultrices à mieux trouver leur place et à se révéler, en cassant les stéréotypes réducteurs, il y a vraiment de belles choses à réaliser dans tous les secteurs. » Chantal Jouanno confirmait à ce sujet que ce colloque n’est que le point de départ d’une réflexion qui conduira le Sénat à orienter ses actions. Un programme de visites de terrain, à la rencontre de femmes engagées, ainsi que d’autres auditions au Sénat sont prévues dans les mois à venir. Un rapport d’information de la Délégation sera enfin remis en juillet prochain au Président du Sénat.