Faire toujours mieux : un but commun à l’éleveur et au conseiller

Publié le 10 mars 2013

Jean-Luc Soulès n’est pas un inconnu dans le département. Ce producteur de lait, basé au Pin-Murelet à côté de Rieumes, a été le premier éleveur du département à se doter d’un robot de traite, en 2010. L’arrivée du Lely Astronaut A3 a bouleversé les habitudes de travail sur le GAEC du Fillot. Bardé d’électronique, de capteurs et autres sondes, cet outil est capable de délivrer une quantité impressionnante de données techniques à l’éleveur. On pourrait penser, dans ces conditions, que l’agriculteur pourrait désormais se passer du contrôle laitier et des prestations d’un conseiller. Mais s’il a de quoi réaliser soi-même un diagnostic étendu des performances de son élevage, il y a aussi de quoi s’y perdre, si l’on en croit son témoignage.

Un conseil irremplaçable

« Je suis inscrit au contrôle laitier depuis les années 80 et je ne me sens pas capable de m’en passer », déclare d’emblée Jean-Luc Soulès. « Même si j’arrivais à être au top du top, je reste persuadé que, sans contrôle laitier ni regard extérieur, on finit toujours par se reposer sur ses lauriers à un moment ou à un autre. Et c’est là que vous commencez à régresser… » Aujourd’hui, et comme 11 fois par an depuis plus de 4 ans, Jean-Luc Soulès passe en revue ses résultats avec son conseiller lait. Richard Gourmanel n’est pas un débutant en la matière. En charge de tout le secteur nord du département, il est contrôleur laitier depuis près de 20 ans. Les évolutions de la production laitière, il les connaît bien pour les avoir vécues en même temps que les éleveurs qu’il suit et pour s’y être adapté tout comme eux. « Avec un métier et un contexte qui changent tout le temps, le conseiller doit sans cesse se remettre en question », estime-t-il. « Je participe donc à des réunions d’informations techniques très régulièrement avec mes collègues des 4 départements du sud. Je suis également des formations régionales ou nationales plus pointues à l’Institut de l’élevage ou France Conseil Élevage. C’est ainsi que j’ai suivi, il y a deux ans, une formation complète sur les robots de traite. Formation que j’affine constamment par l’expérience et les échanges avec les collègues ou avec les techniciens des constructeurs, chez les 5 ateliers laitiers équipés que j’ai en suivi. » Pour Richard Gourmanel, les choses sont simples. Si un conseiller ne sait pas rester à jour, il n’est plus d’aucune utilité pour l’éleveur, qui aura alors toutes les raisons de se désabonner.

Un service pas si cher que cela…

« Un éleveur trouvera toujours le contrôle laitier trop cher », sourit Jean-Luc Soulès. « C’est dans sa nature et je ne fais pas exception. Mais il faut regarder plus loin que cela. Depuis mes débuts, la production par vache a plus que doublé et le contexte économique n’a plus rien à voir avec celui d’il y a 30 ans. Or, plus on avance, plus on devient techniquement pointu et plus on a besoin de conseils adaptés. » Avec ses 70 vaches laitières et ses 680.000 l de quotas, Jean-Luc Soulès paie le contrôle laitier dans les 2.800 €/an. Une somme qu’il estime justifiée au regard du service rendu. « Sans ce contrôle et les conseils qui vont avec, on s’expose à des erreurs de conduite de troupeau, que ce soit dans l’alimentation, la reproduction ou l’organisation du travail », poursuit-il. « Or, ce genre d’erreur peut vite coûter très cher à un éleveur. Bien plus que sa facture de contrôle laitier… Et n’oublions pas qu’il y a des aides financières des laiteries qui diminuent quasiment de moitié le coût final du contrôle, alors il faut vraiment relativiser son propos. Pour ma part, même quand la conjoncture économique était mauvaise, je n’ai jamais pris le risque d’arrêter ce service. Peut-être que les générations futures, avec les technologies qui évoluent, pourront s’en passer mais, la aussi, j’ai un doute. Le conseil va évoluer dans le même temps et, pour moi, sera toujours un atout pour l’éleveur. »

Jean-Luc Soulès et Richard Gourmanel passent en revue les résultat de l'élevage laitier.
Jean-Luc Soulès et Richard Gourmanel passent en revue les résultat de l’élevage laitier.

Travail en binôme

L’option robot de traite s’est présentée, il y a 3 ans. Avec des installations obsolètes à remplacer, il fallait de toute façon trouver une solution pour soulager les parents de Jean-Luc, alors associés du GAEC, mais aussi préparer l’arrivée, d’ici quelques années, de ses deux fils sur l’exploitation. Le choix du robot a donc été l’occasion de remettre à plat toute l’organisation du travail et l’agencement des bâtiments. Un travail sur lequel s’est aussi penché Richard Gourmanel. « Un robot ne change pas fondamentalement la conduite de son troupeau », précise-t-il. « Par contre, Jean-Luc Soulès ayant des problèmes de cellules depuis quelques temps, on a décidé de s’attaquer à cela en priorité lors de la mise en place de l’Astronaut. » De fait, après discussions, ils décident d’opter pour une aire de couchage en logettes. Le taux de cellules est désormais revenu à un niveau normal, même s’il aura fallu une bonne année pour y parvenir. L’autre point sur lequel le duo s’est penché : l’alimentation. Avec un distributeur de concentrés intégré au robot, ils ont travaillé sur la complémentation de l’aliment donné aux vaches. C’est d’ailleurs à ce moment-là que Richard Gourmanel a remarqué une erreur commise régulièrement par l’éleveur. « Pour ses vaches, j’avais calculé une ration à base de maïs, foin et concentrés, que Jean-Luc Soulès mettait dans sa mélangeuse en libre-service », explique-t-il. « Or, quand les vaches en consommaient un peu plus que d’habitude, il augmentait la ration en rajoutant seulement de l’ensilage de maïs, sans augmenter également les autres ingrédients en proportion. La ration s’en retrouvait donc déséquilibrée. Ça n’a pas l’air important mais sur la durée, les performances des vaches s’en ressentent. »

Une approche globale

Le conseiller dispose de plusieurs sources de données (logiciel SIEL pour la gestion de troupeau, Coopelso pour l’insémination, CIALSO pour la qualité du lait, centre de gestion…). Mais son travail va au-delà de l’analyse de ces chiffres. « Il faut avoir une vue d’ensemble, un regard global sur l’exploitation », poursuit-il. « C’est pour cela que rien ne remplace l’échange avec l’éleveur et que la fréquence de nos rencontres est importante. Avec Jean-Luc, on discute, on évalue les marges de progrès ou les rapports coût/gain, etc. Puis on prend une décision. Après, il y a des agriculteurs qui ne veulent pas changer leur façon de travailler et avec qui il faut plus de temps pour leur faire prendre conscience des actions à entreprendre. Dans ces cas là, il faut être patient, pédagogue, mais il y a rarement des blocages. Au final, tout est toujours question de confiance. À nous de la mériter… »

Dans le cas de Jean-Luc Soulès, la confiance semble s’être instaurée depuis longtemps. Il lui arrive d’ailleurs souvent de téléphoner à Richard Gourmanel pour demander son avis ou un conseil. Leur prochain chantier : travailler sur les génisses. « Il faut revoir leur logement, surtout la nurserie qui ne donne pas satisfaction, et améliorer leur alimentation, sur laquelle il y a des gains à réaliser », concluent l’éleveur et le conseiller. Avec en commun le souci de toujours s’améliorer, ces deux-là n’ont pas fini de se revoir…

Auteur de l’article : Sébastien Garcia