Publié le 8 mars 2013
À l’occasion de l’Assemblée Générale de Chanvre de Garonne, l’association de producteurs de chanvre du département, son Président Daniel Salviac revient sur les faits marquants de la campagne 2012 et les perspectives de cette culture pas comme les autres.
TUP : Comment s’est déroulée cette campagne ?
Daniel Salviac : Nous nous étions engagés à récolter le chènevis sur toutes les surfaces emblavées. Cela a été fait à 95%. C’est plutôt positif, même si les rendements en chènevis ne sont pas au rendez-vous sur la grande zone toulousaine. Avec une fin de cycle trop sèche, on n’a pu récolter qu’entre 3 et 400 kg/ha, ce qui est clairement insuffisant pour apporter le complément de revenus qu’on espérait. Côté machines de récolte, nous avons utilisé 3 types de systèmes différents. Le système « duo », avec d’abord une moissonneuse qui récolte l’épi, puis un passage d’ensileuse pour ramasser la paille. Ensuite, le prototype inauguré lors de la dernière campagne, qui combine moissonneuse et ensileuse sur une même machine, a bien fonctionné. Mais il y a encore des améliorations à faire pour qu’il soit pleinement opérationnel. Enfin, le système allemand, avec un engin équipé d’un bec Kemper qui ramasse toute la plante, a l’avantage d’être une machine très mobile, qui a pu aller récolter dans les parcelles les plus éloignées de notre zone de production. En termes de surfaces, Chanvre de Garonne a récolté 1.800 ha, dont 700 en mise à disposition par des propriétaires fonciers, chez qui le travail de culture et de récolte est réalisé par des entrepreneurs. Euralis récupère le produit de la paille et du chènevis, en déduit le montant des intrants et des frais de culture, et reverse le reste au propriétaire.
TUP : On est loin des 6.000 ha que peut travailler l’usine Agrofibre de Cazère…
Daniel Salviac : On est loin de notre objectif, en effet. Le problème est que beaucoup de nos agriculteurs ont encore, malgré tout, une vision à court-terme, seulement axée sur la rentabilité. Ils regardent uniquement la différence de marge avec les autres cultures, comme le tournesol, qui est notre principal « concurrent ». Ils ne voient pas les atouts que représentent le chanvre, au regard des politiques qui se mettent en place, que ce soit en terme de diminution des phytos, de contraintes environnementales ou de diversification des productions. Or l’enjeu est bien, pour nous, de maintenir l’usine de Cazères que nous avons créée. Si on perd cet outil, on ne pourra plus revenir en arrière.
TUP : Quel message voudriez-vous adresser aux agriculteurs de Haute-Garonne ?
Daniel Salviac : Il faudrait que les agriculteurs voient plus loin, même si le chanvre est moins rentable qu’un tournesol, pour le moment. Je rappelle tout de même que 3 à 5% de son assolement en chanvre ne remet absolument pas en cause le compte de résultat d’une exploitation. Mais répété par plusieurs agriculteurs, ces quelques % suffiraient à faire tourner notre usine à son optimum. Avec les cours porteurs en céréales, ce devrait être le moment de consacrer un peu de moyens à cette culture et d’investir dans cet outil industriel. Que ce soit par solidarité ou simplement par coopération au début, cette démarche permettrait de pérenniser une filière et de faire en sorte qu’elle soit pleinement opérationnelle quand le marché du chanvre arrivera à maturité. Nos agriculteurs auraient ainsi un bel atout dans leur manche, économiquement rentable, agronomiquement avantageux et qui répond aux attentes de la société.
TUP : Combien est payé le chanvre ?
Daniel Salviac : Cette année, nous avons pratiqué les mêmes prix que l’an dernier. C’est-à-dire 120 € la tonne de paille, départ coin de champs. Le chènevis a été payé 750 €/T. Pour la prochaine campagne, nous voulons inciter les agriculteurs à mieux suivre leur culture et valoriser les plus hauts rendements. Pour les rendements jusqu’à 6 T/ha de paille, le prix sera donc toujours de 120 €/T. Mais entre 6 et 8 T, il sera de 130 €/T et, au dessus de 8 T, de 140 €. Pour le chènevis, tout dépendra des contrats de vente que nous aurons obtenus. Pour le moment, nous avons prévu un prix d’acompte de 650 €/T, avec un complément de prix en fonction des contrats à venir.
TUP : Où en est-on du développement de la brique de chanvre monomur ?
Daniel Salviac : C’est désormais la société SEAC-Guiraud qui gère ce dossier. Elle a rencontré un problème de résistance du bloc de chanvre. Ce problème, qui n’existait pas lors des tests préliminaires, est apparu avec le passage à la production industrielle. SEAC a donc repris le dossier et travaille à la recherche d’un nouveau liant qui réponde aux exigences techniques. Ce débouché n’est donc pas encore acquis pour la chènevotte. Mais c’est sur la fibre, que nous avons un gros défi à relever. La société allemande Hock, qui prenait depuis des années 40% de notre production de fibre pour fabriquer de la laine isolante, a suspendu le contrat avec Agrofibre. Le nouveau directeur de l’usine de Cazère, Mathieu Arlaud, a donc un sérieux travail de recherche de débouchés pour la fibre, pour compenser la défection de Hock et équilibrer les comptes de l’usine.