Une parcelle ressuscitée

Publié le 18 juin 2011

« Quasiment miraculeux ! » C’est tout ce qui venait à l’esprit de Ferdinand Johan, en 2007, suite au chaulage massif d’une de ses parcelles, à Lézat. Mais revenons un peu en arrière. Habitant à Tarabel (canton de Lanta) mais exploitant la majorité de ses terres du côté de Lézat, Ferdinand Johan a commencé à travailler dès 1995, une parcelle argilo-calcaire de 22 ha, au lieu-dit Jourda. Alternant tournesol, blé dur, sorgho et blé tendre, tout se passait normalement jusqu’à ce qu’en 2004, quelques signes de faiblesse apparaissent sur les cultures.

Effondrement

« Au départ, j’ai pensé à un problème passager, dû à une attaque que je n’aurais pas détectée ou un incident climatique », avoue Ferdinand Johan. « Mais très vite, la situation s’est gravement détériorée. C’était impressionnant. Mes rendements pour la campagne 2005-2006 se sont littéralement effondrés sur 4 ha de cette parcelle. Les plantes ont à peine levé et ont crevé dans la foulée. Plus rien ne poussait, c’était incompréhensible. » C’est alors que l’exploitant a l’idée de faire appel à Arvalis Institut du Végétal, pour élucider ce mystère. C’est Pierre Castillon, spécialiste de la fertilisation chez Arvalis, qui mènera l’enquête. Très surpris, au premier abord, de l’ampleur du phénomène, il effectue des prélèvements de sol qu’il soumet à une analyse poussée. Verdict : intoxication des plantes par l’aluminium (voir encadré).

Remède de cheval

La solution proposée est aussi radicale que le mal qui frappe la parcelle : il faut chauler massivement, à raison de 7 tonnes par ha ! « Même les techniciens de coopératives qui ont suivi l’histoire étaient soufflés de la quantité de chaux préconisée », se souvient Ferdinand Johan. « Et certains m’en parlent encore… Pour 4 ha, c’est un peu plus d’une semi-remorque que nous avons épandue. C’était du carbonate à action rapide, avec un Indice de Positionnement Agronomique (IPA) de 110. » Même s’il est partisan du semis direct, Ferdinand Johan a également suivi les conseils de Pierre Castillon et labouré l’intégralité de la parcelle après l’intervention. « C’était à contrecœur », reconnaît-il. « Mais le pH étant très bas sur au moins les 20 premiers cm, il le fallait. Et pour cette unique fois, je reconnais que le résultat a été spectaculaire. Cela m’est revenu à environ 400 €/ha, mais ça en valait la peine. » De fait, le sorgho qui a suivi le chaulage a renoué avec des rendements normaux et s’est même offert le luxe de résister sans sourciller à un violent orage, quand les autres parcelles alentours ont vu une partie des cultures emportée par les précipitations. Ferdinand Johan a réitéré l’opération, l’année dernière, sur une autre parcelle située à Massabrac qui présentait les mêmes symptômes. « Après un tournesol, j’ai chaulé à 2 T/ha puis semé un blé dès le lendemain, en semis direct. Aujourd’hui, la parcelle est en pleine forme et mes blés sont splendides. »

Entretien obligatoire

Pour autant, le problème n’est pas réglé définitivement. Cette année, la parcelle de Lézat montre à nouveau des signes inquiétants de dégradation. « Cela a recommencé l’an dernier sur les blés », constate Ferdinand Johan. « Aujourd’hui, certaines zones de tournesol sont clairsemées et la levée est difficile, comme en 2004. Je pense que des interventions ponctuelles, même à forte dose, ne remplacent pas un amendement régulier. C’est vrai que ce n’est pas une habitude chez moi, comme chez beaucoup de collègues, de chauler régulièrement. Pierre Castillon est revenu en fin d’année dernière, voir l’évolution de la parcelle. Je crois que je vais devoir à nouveau faire appel à lui pour mettre en place un plan d’entretien régulier si je ne veux pas avoir des rechutes tous les 4-5 ans. »

L’avis de Pierre Castillon, Arvalis Institut du Végétal

Maîtriser l’acidité du sol

« J’ai été très surpris de l’ampleur du phénomène sur une zone tout de même très restreinte de la parcelle. Une dégradation aussi grave du sol est relativement rare, même si on a pu observer des phénomènes similaires dans la région, surtout sur des sols argilo-calcaires. Si les causes peuvent être multiples, l’intoxication des plantes est la conséquence d’une trop grande acidité des couches supérieures de ces sols.

Chez Ferdinand Johan, le pH était de 4,5 sur les 20 cm de profondeur sur lesquels j’ai fait mes prélèvements. C’est une valeur extrêmement basse, rarement rencontrée sur des sols cultivés. Or, l’abaissement du pH sous la barre des 5,5 contribue à rendre de plus en plus solubles certains composés minéraux, dont ceux comportant de l’aluminium et du manganèse. Ces éléments peuvent alors devenir toxiques. La toxicité de l’aluminium est de loin la plus grave. Elle provoque une forte réduction de la croissance des racines et celles-ci ne sont plus capables d’assurer l’alimentation minérale et hydrique des plantes. Ce qui s’est produit à Lézat…

Donc pour remonter ce pH au dessus du seuil de toxicité aluminique, il fallait un amendement basique conséquent, en l’occurrence 7 T/ha. Il est difficile de connaître les causes exactes de l’acidification d’un sol. Tout d’abord, c’est un phénomène naturel qui est plus marqué au printemps et en été. Souvent lié à la fertilisation, l’acidification découle de la nitrification de l’azote ammoniacal, qu’il provienne d’engrais azoté ou de l’humus. Mais généralement, cet azote nitrique est capté par les racines des plantes. Pour atteindre des niveaux critiques tels que chez Ferdinand Johan, le phénomène a dû être amplifié. On peut suspecter un drainage trop important dans ces terres caillouteuses, qui entraîne l’azote nitrique dans le sol avant d’avoir pu être prélevé par les racines. Mais il peut y avoir de nombreuses autres raisons.

Apparemment, le problème réapparaît chez Ferdinand Johan 4 ans seulement après l’apport de calcaire broyé (carbonate micronisé IPA 110). C’est surprenant et va nécessiter de faire une analyse complète du sol, de l’environnement et des pratiques de l’exploitant.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia