Publié le 5 décembre 2010
« Au moyen-âge, il y avait des vols de fumier dans les fermes. Dès cette époque, on avait déjà compris la valeur économique des effluents d’élevage… » C’est par ces mots que Matthieu Noël, d’Invivo, introduisait une réunion technique organisée par Éric Tussau, de la coopérative Gascoval, et Jean-Christophe Patapy, de la société MEAC spécialisée dans les amendements basiques. Ce 26 novembre dernier, une vingtaine d’éleveurs s’était rendue sur l’exploitation de Patrick Pintat, à Mazère sur Salat, pour savoir pourquoi et comment « lever le pied sur les engrais minéraux ».
800 € d’économie d’engrais
Éric Tussau, en charge de ce secteur du Comminges chez Gascoval, s’est rendu compte que les éleveurs qu’il accompagne se contentaient la plupart du temps d’épandre leur fumier sur les parcelles proches de l’exploitation. « On se retrouve donc avec une très grande hétérogénéité des parcelles en terme de fertilisation, avec les parcelles les plus éloignées peu soignées », constate-t-il. Pourtant, une optimisation de ses épandages sur l’ensemble de ses parcelles peut représenter un avantage agronomique et économique non négligeable. Invivo, groupement coopératif qui rassemble près de 300 coopératives françaises, a développé un logiciel baptisé Épiclès, qui permet une analyse globale du plan de fertilisation de toute l’exploitation, prenant en compte les contraintes logistiques, budgétaires et environnementales de l’agriculteur. Avec 1,7 million d’hectares suivis en France, cet outil d’avoir une idée très précise des démarches à mettre en place pour optimiser la fertilisation, dans tous les types de sol et modes de production possibles. Pour cette journée d’information, Matthieu Noël s’est basé sur l’analyse de 70 exploitations à orientation bovine du bassin de production Gascoval. « Nous avons défini une exploitation type du Comminges, d’une SAU de 95 ha avec 54 UGB », précise-t-il. « En prenant en compte les pratiques réelles de ce secteur, cette exploitation type produit 285 T de fumier et 170 m3 de lisier. Ces effluents servent en moyenne à fertiliser l’intégralité des 6 ha de maïs fourrage (fumier) et un tiers des 23 ha de prairie (lisier) et des 10 ha de maïs grain (fumier) que compte l’exploitation type. »
Par rapport aux pratiques constatées sur les 70 exploitations, Matthieu Noël a montré que le simple fait de prendre en compte la valeur agronomique des fumiers et lisiers, épandus uniformément sur l’ensemble des parcelles (même les prairies de fauche), permet des économies de 2 T d’ammonitrate, 600 kg de Super 45 et 500 kg de chlorure. Soit, sur la facture globale Engrais d’une exploitation, une réduction des dépenses d’environ 800 €. Une somme qui pourrait être réinvestie dans la fumure de fond, histoire de maintenir la fertilité de la parcelle.
Précieuses analyses
Pour arriver à optimiser ces apports, évaluer au jugé la qualité de ses effluents ne suffit pas. « De nombreuses analyses sont possibles mais souvent trop peu utilisées », déplore Matthieu Noël. « L’analyse des effluents est un exemple très parlant. En fonction du mode de stockage des fumiers et lisiers, on constate d’énormes différences des valeurs azotées. » De fait, seuls 20% des lisiers qui ont été analysés ont ainsi une valeur proche du lisier pur. 33% sont des lisiers très dilués (précipitations sur des fosses non couvertes) et le reste sont des lisiers extrêmement dilués. Si les premiers apportent 3,2 unités d’azote au m3, près de la moitié des lisiers observés n’ont plus qu’une valeur de 0,6 U/m3. « Avec une telle variabilité, une analyse d’effluents est très utile pour raisonner ses épandages », explique l’ingénieur d’Invivo. « Même si cette analyse est encore complexe à réaliser, nous travaillons beaucoup sur son développement et sa généralisation. »
Autre outil indispensable, l’analyse de terre. « C’est la connaissance de l’état de fertilité des sols qui permettra de raisonner le conseil PK », poursuit Matthieu Noël. « Déjà bien rodée, cette analyse devrait être systématique dans toutes les exploitations. »
Débats sur l’analyse des végétaux et le labour
Invité par Jean-Christophe Patapy, Pierre Castillon de l’institut technique Arvalis fut soumis à un feu de questions de la part des éleveurs présents. Intervenant sur les analyses de terre, il a rappelé l’importance de surveiller les oligoéléments. « Le maïs, par exemple, est une des cultures les plus sensibles aux carences en oligoéléments : cuivre, zinc et manganèse », rappelait-il. « Mais si on apporte du zinc alors qu’il y a une carence en cuivre, on aggrave la situation, ce qui se ressent très vite en terme de production. D’où l’importance d’une analyse précise des composantes du sol. » Toutefois, l’analyse de terre n’est pas toujours la meilleure option selon la culture. Ainsi, Pierre Castillon expliquait que, pour les prairies de longue durée, la teneur des sols en PK se concentre en surface. Si le carottage se fait sur 20 ou 30 cm, les résultats seront faussés et donc inutilisables. « Il est préférable de recourir à l’analyse d’herbe pour ces prairies », estime-t-il. « Les analyses N, P et K seront faites sur des échantillons d’herbe (fauchée ou pâturée) prélevée au printemps, lors du 1er cycle de croissance. C’est la seule méthode satisfaisante. » S’en sont suivies des discussions animées sur l’entretien des prairies, avec quelques surprises pour les éleveurs. Ainsi, Pierre Castillon déconseillait fermement de retourner plus d’une fois les tas de compost. « Plus le compostage est long, plus la valeur agronomique du compost s’effondre », déclarait-il. « Très efficace pour assainir, homogénéiser et désodoriser le fumier, il doit cependant être de courte durée pour rester intéressant en teneur d’azote et phosphore. »
Le labour a également donné lieu à d’instructifs échanges. « Le meilleur labour est le moins profond », rappelle Pierre Castillon. « Trop profond, il va diluer la matière organique principalement présente en surface et augmenter les effets de battance. »
Il serait trop long de retracer l’ensemble des sujets abordés lors de cette rencontre. Toujours est-il que les éleveurs présents n’ont pas regretté de s’être déplacés, ce matin-là. « Il y a un réel besoin d’informations sur ces thèmes de la fertilisation et du travail du sol », conclut Éric Tussau. « Je ne peux que conseiller aux éleveurs de participer à ce type de réunion le plus souvent possible. Il y a énormément de bénéfices à en retirer tant les marges de progression sont importantes. » À bon entendeur…
Les règles d’or des effluents d’élevage
Ce qu’il faut éviter !
Apporter tous les effluents produits sur les seuls hectares mis en culture, sans rotation, ce qui conduit :
– à des apports massifs (>50T/ha) mal valorisés
– à un surenrichissement d’une faible partie des surfaces au détriment du reste de l’exploitation
Ce qu’il faut faire !
– Limiter les quantités apportées sur les surfaces en cultures et pratiquer une rotation avec des prairies temporaires,
– Apporter le reste des lisiers ou fumiers tous les 2 ou 3 ans sur les prairies de fauche recevant peu de déjections au pâturage.