Matthieu Abella – Terres Inovia
Les dégâts d’oiseaux à la levée sont une préoccupation majeure pour les producteurs de tournesol. Depuis 2016, les équipes de Terres Inovia, fortement mobilisées sur cette problématique ont étudié différentes stratégies, et certaines pistes sont encore en cours d’étude. Il n’existe pas de solution « miracle », en revanche plusieurs leviers ont été identifiés et leur mise en œuvre combinée permettra d’atténuer les dégâts. Parmi ces leviers, la présence humaine, bien que contraignante, est à ce jour incontournable !Une période critique de 2 semaines à partir de l’émergence face aux colombidés, et dès le semis pour les corvidés. Corneilles ou corbeaux freux, peuvent causer des dégâts dès le semis, en s’attaquant aux graines. Les pigeons ramiers et pigeons de ville quant à eux vont plutôt consommer les cotylédons, et sont les plus fréquents dans le Sud-Ouest. La fenêtre de sensibilité des plantules de tournesol aux dégâts de pigeon ramier dure environ 2 semaines de l’émergence à la première paire de feuilles. Les lésions des cotylédons (consommation partielle) ne sont pas préjudiciables pour la culture contrairement aux dégâts sur apex tige (apex sectionné), l’observation du type de dégât est donc indispensable avant de prendre une éventuelle décision de re-semis.
Les stratégies à mettre en oeuvre
Au semis tout doit être fait pour favoriser une levée rapide. De manière générale, les dégâts d’oiseaux sont d’autant plus faibles que la levée est rapide et homogène. Il est donc primordial de soigner l’implantation pour obtenir un tournesol vigoureux qui dépasse la période sensible rapidement. A noter que l’environnement de la parcelle : proximité d’un clocher, hangar, ou encore d’un bois, sont des facteurs qui augmentent le risque de dégâts.
Lorsque c’est possible, une stratégie de semis « groupés » à l’échelle d’un territoire de proximité favorisera une dilution de la pression oiseaux et pourra limiter les dégâts sur les parcelles. L’efficacité de cette stratégie dépendra du ratio entre surface de tournesol du semis au stade 2 feuilles et les populations d’oiseaux en présence.
De l’émergence à la première paire de feuilles, principalement deux leviers.
– L’effarouchement. L’installation d’effaroucheurs doit se faire au plus près de la levée et non pas au semis. Ils doivent être en nombre suffisant et régulièrement déplacés pour limiter l’accoutumance des oiseaux. Utilisé seul, ce levier ne garantit pas une efficacité optimale car les oiseaux se déplacent sur de larges distances : ils se souviennent, raisonnent et communiquent entre eux. Une présence humaine régulière (tous les jours de la levée jusqu’à 2-4 feuilles) dans la parcelle est une solution efficace notamment le matin au lever du jour et au coucher du soleil … – La régulation des populations d’oiseaux (tirs, cage à corvidés…). Les méthodes de régulation sont possibles hors période de chasse, si l’espèce cible est classée ESOD « Espèce Susceptible d’Occasionner des Dégâts » sur votre département. La démarche requiert l’identification de l’espèce visée, une demande d’autorisation à la préfecture et délégation du droit de destruction, si le demandeur n’a pas de permis de chasse. Pour tout renseignement consulter les services préfectoraux et les fédérations départementales de chasseurs.
Déclarer les éventuels dégâts observés sur vos parcelles pour informer les pouvoirs publics et argumenter le classement ESOD* d’une espèce : c’est important.
La prévention des dommages importants causés aux cultures est en effet un motif de classement qui permet d’élargir les modalités de destruction par des tirs ou par piégeage en dehors des périodes d’ouverture de la chasse. La régulation des populations est un moyen complémentaire pour agir en prévention. Il est donc important de déclarer les dégâts observés.
Les informations capitalisées servent également à mieux connaitre les oiseaux, ce qui est essentiel pour élaborer des stratégies de lutte efficaces.
* ESOD : espèce susceptible d’occasionner des dégâts Comment déclarer les dégâts ? Terres Inovia et Chambres d’Agriculture France œuvrent conjointement pour la coordination et la mutualisation des déclarations de dégâts. Dans cet objectif, le formulaire accessible sur le site de Terres Inovia, vous permettra de déclarer vos dégâts, quel que soit le département où est situé la parcelle. https://www.terresinovia.fr/-/declarer-ses-degats-d-oiseaux-et-visualiser-les-zones-a-risque
Plusieurs stratégies à l’étude
Si plusieurs solutions testées se sont montrées inefficaces (voir ci-dessous), les acteurs du développement agricole ne baissent pas les bras et poursuivent des pistes d’étude afin de Construire une approche territoriale et collective.
Le couplage de méthodes de répulsion (effarouchement) et d’attraction (bandes ressources) semble prometteur. Cette stratégie implique l’acquisition de connaissances précises sur la façon dont les oiseaux exploitent les ressources dans les paysages agricoles. Des recherches en partenariat sont en cours pour comprendre comment les colombidés sélectionnent les ressources alimentaires.
Favoriser la prédation naturelle À plus long terme, la gestion des populations de prédateurs doit être pensée dans un cadre global de gestion des habitats. L’objectif étant d’obtenir des communautés plus diversifiées et de favoriser la nidification de prédateurs naturels (comme l’autour des palombes et le faucon pèlerin) pour retrouver un équilibre dans les populations d’oiseaux.Des innovations en matière d’effarouchement à l’étude. Différents concepts de drones effaroucheurs sont aujourd’hui développés : du drone terrestre au drone volant biomimétique, avec possibilités de réaction à l’environnement (détecteur de mouvements). L’analyse d’image en temps réel est un axe de travail prometteur sur lequel travaille Terres Inovia en partenariat avec l’INRAE.
Certaines stratégies testées ont montré une efficacité insuffisante
Parmi les solutions testées jusqu’alors par Terres Inovia, certaines n’ont pas montré une efficacité suffisante pour limiter une attaque d’oiseaux modérée à forte.
-Les répulsifs. Aucun répulsif oiseaux n’est homologué pour un usage sur tournesol mais diverses préparations à allégation répulsive sont commercialisées. Quatre d’entre elles ont été évaluées par Terres Inovia mais sans résultat probant, soit en pulvérisation en plein à la levée (AMO 03-09, AVIFAR, GIBSTOP), soit en enrobage de semence (PNF 19).
-Réduire la durée de la phase sensible du tournesol avec un Engrais « starter » . Trois engrais dit « starter » ont été testés selon les recommandations des fabricants : ECOBIOS, Trika® Expert et Microplus. Aucun de ces produits n’a montré de différence sur la durée entre levée et 1ère paire de feuille par rapport au témoin non traité. -Créer un effet de confusion avec un semis du tournesolsous couvert. Cette stratégie permet de diminuer le taux d’attaque par effet de confusion mais la conduite génère, et avec encore plus d’acuité lors d’années sèches une concurrence préjudiciable à la culture du tournesol. Des travaux sont menés par Terres Inovia et ses partenaires pour améliorer les règles de décisions pour trouver un compromis idéal entre l’effet du couvert sur les dégâts des oiseaux et la réussite du tournesol.