Gestion des adultes de grosse altise dans un contexte en évolution

Arnaud Micheneau – Terres Inovia

Le principal moyen de maitriser le risque associé aux adultes de la grosse altise repose sur une stratégie d’esquive : obtenir un colza à plus de 3 feuilles au moment de l’arrivée de l’insecte. Lorsque cet objectif n’est pas atteint, il s’agit alors d’être attentif et réactif pour intervenir si la parcelle est en danger. Cet article présente la stratégie à adopter, les solutions disponibles et les recommandations de Terres Inovia.

Un insecte sauteur, plus actif de nuit que de jour

Coléoptère de 3 à 5 mm, la grosse altise est caractérisée par son corps noir brillant et ses pattes arrière proéminentes, lui conférant comme insecte sauteur, la capacité de se déplacer au sol. Considéré dans le sud-ouest comme la principale menace pour le colza d’hiver, les dégâts engendrés par la grosse altise adulte sont identifiables sur les feuilles des jeunes colzas (jusqu’à 3 feuilles) par des morsures circulaires. En cas d’attaques importantes, et en l’absence de gestion, ces attaques peuvent conduire à la destruction complète de la parcelle. L’insecte présente également une activité nocturne bien plus importante qu’en pleine journée. 

L’arrivée des adultes de grosse altise sur les parcelles est déclenchée par une variation de température. Une baisse suivie par une remontée au-dessus de 20°C entraîne le déplacement des populations vers les champs de colza, depuis leurs zones refuges. Ce phénomène est attendu chaque année à partir du 25 septembre, et peut certaines années être décalé sur début octobre.
Par conséquent la principale voie de maîtrise du risque associé aux adultes de grosses altises consiste en une stratégie d’esquive. Le colza étant sensible aux attaques jusqu’à 3 feuilles, il s’agit d’obtenir un colza à plus de 3 feuilles au 25 septembre. Pour cela, la levée doit être effective au 5 septembre au plus tard. L’évolution des semis de colza sur le mois d’août sur ces dernières années est donc bien liée au risque des adultes de grosses altises.

Identifier l’arrivée des grosses altises à l’aide des cuvettes enterrées

Contrairement à sa petite sœur l’altise des crucifères, la grosse altise se déplace au sol. Par conséquent, pour identifier sa présence sur la parcelle, les cuvettes jaunes doivent nécessairement être enterrées, avec les rebords au niveau de la surface du sol. Le fait de simplement poser la cuvette jaune sur le sol ne permettra pas un piégeage aussi pertinent.

Attention, l’observation d’individus de grosse altise dans une parcelle ne suffit pas pour déclarer la parcelle en danger. Le seuil de nuisibilité est défini par l’importance des dégâts de morsures sur les plantes de colza de la levée jusqu’à 3 feuilles. On estime ainsi que le seuil d’intervention est atteint lorsque au moins 8 pieds sur 10 présentent des dégâts avec 25% de surface foliaire détruite. Au-delà de ce seuil, la vitesse d’évolution des dégâts et la vitesse de développement des colzas sont à prendre en compte. Un début d’attaque sur un colza à cotylédons sera à surveiller de façon extrêmement rigoureuse et demandera une réactivité plus importante que sur des stades plus tardifs à 2 ou 3 feuilles, bien que toujours dans la phase de sensibilité. 

Dès 4 feuilles, le colza entre en phase de croissance active. Par conséquent, la vitesse d’émission de nouvelles feuilles s’accélère et les dégâts de grosses altises ne sont alors plus dommageables. 

L’outil d’aide à la décision «Risque Grosse Altise, développé par Terres Inovia permet de raisonner au mieux l’intervention sur l’adulte de grosse altise

Gestion insecticide du ravageur en culture dans le contexte 2022

À la suite du retrait du phosmet, le 1er mai 2022, le délai d’utilisation des produits à base de cette matière active expire le 1er novembre 2022. Jusqu’à cette date, il est donc possible d’utiliser Boravi WG (et produits assimilés). 

En l’absence de Boravi WG, l’alternative repose sur les pyréthrinoïdes qui conservent une efficacité vis-à-vis de la grosse altise dans notre région. Cette efficacité, parfois en retrait et plus irrégulière comparée à celle du Boravi WG, reste acceptable et peut permettre de préserver la culture. La différence est principalement visible sur les 48h qui suivent le traitement durant lesquelles le phosmet présente un « effet choc » que l’on ne retrouve pas avec les pyréthrinoïdes. Néanmoins, 7 jours après le traitement les efficacités mesurées restent comparables (fig.1). 

Dans la gamme des pyréthrinoïdes, les molécules testées par Terres Inovia se différencient   entre elles, par des écarts qui s’accentuent dans le temps, après application (fig.2). 

  • 3-4 jours après le traitement, les pyréthrinoïdes lambda-cyhalothrine, cyperméthrine (on peut y associer la deltaméthrine) et l’étofenprox sont comparables. 
  •  7 jours après le traitement, on observe des différences. Lambda-cyhalothrine, cyperméthrine et deltaméthrine conservent leur efficacité (50 à 60 %). L’étofenprox est en retrait. 
  • L’esfenvalérate est en retrait à 3-4 jours ou 7 jours.

Savoir 
Les pyréthrinoïdes sont des produits de contact/ingestion
, par conséquent la qualité de la pulvérisation est essentielle. L’efficacité du traitement est étroitement liée à la quantité de végétal consommé et donc de molécule ingérée.
Par conséquent, un volume de bouillie de l’ordre de 200 l/ha est recommandée. L’utilisation d’adjuvant peut présenter un intérêt en cas de volumes plus faibles de l’ordre de 80-100 l/ha, pour des volumes d’eau plus importants, autour de 200 l/ha ce bénéfice n’est plus visible.
Il est recommandé de privilégier une application en fin de journée   étant donnée forte activité du ravageur à partir de la tombée de la nuit, comparée à son activité en plein jour

 Efficacités comparées du Boravi WG et du Karaté Zéon 7 jours après application sur 7 essais en l’absence de résistance skdr
Efficacité comparée de différentes pyréthrinoïdes à 3/4 jours et 7 jours après application

Proscrire les interventions non justifiées pour préserver l’efficacité des pyréthrinoïdes

Dernières solutions insecticides efficaces autorisées après le 1er novembre 2022 (expiration du délai d’utilisation des produits à base de phosmet), les pyréthrinoïdes sont concernées par les phénomènes de résistance. L’usage répété de ces molécules favorise ou accentue en effet une pression de sélection d’individus résistants, qui va générer à plus ou moins long terme une perte totale d’efficacité de ces solutions. Le sud-ouest est à ce jour épargné par les résistances dite SKDR, qui se traduisent par une résistance totale des altises aux pyréthrinoïdes. Il est essentiel de maintenir notre région dans la situation actuelle. Pour cela, Terres Inovia recommande de réserver le recours au traitement insecticide, uniquement aux situations où la survie du colza est en jeux. Toute intervention à partir de 4 feuilles est à proscrire. Soulignons par ailleurs, que la gestion des larves d’altises, plus tard dans le cycle du colza doit se raisonner indépendamment de celle des adultes. Autrement dit, une intervention sur adulte, doit se raisonner en fonction du risque que ces insectes exercent sur les plantules de colzas, et en aucun cas en anticipation d’un éventuel futur risque lié aux larves ultérieurement.  Pour en savoir plus : demandez la fiche «Bien raisonner la gestion insecticide de la grosse altise» ou le guide colza 2022 auprès de e.broquet@terresinovia.fr – 05 82 08 34 05 – Sur www.terresinovia.fr : un compte utilisateur (gratuit) vous permettra de télécharger le guide colza, d’utiliser les outils en ligne et de suivre les actus de campagne régionales.  

Vos contacts régionaux 
Arnaud Micheneau (a.micheneau@terresinovia.fr) – Sud Nouvelle Aquitaine, Gers, Hautes-Pyrénées
Quentin Lambert (q.lambert@terresinovia.fr)- Occitanie

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Auteur de l’article : Sébastien Garcia