Le bloc de construction Chanvre, c’est énorme !

Publié le 5 mai 2010

Une idée simple à la base. Deux ans de travail pour la mise au point. Un partenariat industriel. Au final, un produit « révolutionnaire » appelé à jouer dans la cour des grands. Éric Gazagnes, directeur Développement de l’usine Agrofibre (groupe Euralis), revient sur l’aventure du bloc de construction en chanvre, dont les préséries devraient sortir début 2011.

TUP : Comment est née l’idée du bloc chanvre ?

Éric Gazagnes : D’un simple constat. Les chènevottes* pouvaient être mieux valorisées. Leur utilisation dans le bâtiment est un marché de niche, réservé aux passionnés d’auto-construction ou aux artisans techniquement pointus. On a donc décidé de se lancer dans un programme de recherches, en 2007, avec l’INSA** de Toulouse, sur un produit industriel à base de chènevotte et destiné à la construction. Nous avons travaillé pendant 2 ans à mettre au point une formule composée d’un granulat végétal (chanvre) et un éco-liant sans ciment, pour respecter la dimension écologique que nous voulions donner à notre production. Très vite, nous nous sommes orientés vers la réalisation d’un bloc (brique) de construction, par vibro-compaction.

TUP : Comment passe-t-on du concept au développement industriel ?

E.G. : Une fois la composition du bloc et son process de fabrication validés par des tests en labo, il a fallu vérifier si la « recette » fonctionnait dans un format industriel. Nous nous sommes donc rapprochés de la société SEAC Guiraud, spécialisée dans la réalisation de matériaux de construction en usine (blocs, panneaux, poutrelles, …) et dans la réalisation d’études pour ouvrages d’art. Cette entreprise toulousaine est un partenaire de poids. Leader dans le bloc béton, avec une vingtaine d’usines en France, SEAC a mené les essais du bloc de chanvre dans son usine de Varilhes, dans l’Ariège. Les premiers tests étaient très encourageants et ont permis de valider définitivement notre concept. Restait et affiner la formule sur des questions de résistance et de performance mais aussi à adapter l’outil industriel. Notre but étant de proposer un produit de haute qualité, il fallait concevoir un moule spécifique qui nous permette de fabriquer un bloc de type monomur, avec des propriétés mécaniques mais aussi isolantes de premier plan. Le 26 janvier dernier, nous avons donc signé un accord de licence qui donne à SEAC l’exclusivité de l’utilisation de notre brevet « bloc de construction chanvre ». En contrepartie de quoi, l’entreprise s’engage à se fournir en chènevotte uniquement chez Agrofibre. Grâce à ce partenariat, nous avons pu intensifier les essais et améliorer notre produit.

TUP : Que reste-t-il à faire avant de lancer la commercialisation ?

E.G. : Le bureau d’études de la SEAC finalise le moule qui devrait être prêt en fin d’année. Les préséries de blocs nous serviront à déposer le dossier d’avis technique, indispensable pour la mise en marché. Pour des matériaux innovant comme celui-là, la certification du CSTB*** prend un peu de temps. Elle devrait arriver fin 2011, début 2012. En attendant, nous pourrons réaliser les premiers bâtiments sous avis technique expérimental (ATEX), pour démontrer notre savoir-faire et « crédibiliser » notre produit.

TUP : Comment se positionne le bloc de chanvre par rapport à ses concurrents ?

E.G. : On sait déjà que le bloc de chanvre sera extrêmement bien placé, sur plusieurs domaines, parmi les matériaux de construction (brique, bloc béton, Syporex), notamment au regard du nouveau label « Bâtiment bio-sourcé » que le ministère du développement durable devrait mettre en place au printemps 2010. En terme de performance thermique, le bloc chanvre tient le haut du pavé. La recyclabilité est évidente avec un granulat végétal et un liant essentiellement à base de chaux et d’argile. La performance mécanique est bonne mais on attend la certification pour avancer des chiffres. Quant à sa mise en œuvre, elle sera aussi simple que n’importe quel bloc. Avec l’avantage de ne pas avoir à ajouter d’isolant supplémentaire. D’un point de vue économique, le bloc de chanvre est fabriqué à partir de matières premières renouvelables et bon marché, et uniquement de façon mécanique, sans chimie, ni cuisson. C’est aussi un produit local, récolté, transformé et conditionné ici. Il  donc très économique. Pour un même procédé de brique monomur, le chanvre sera au même prix, voire moins cher, que le béton ou le béton cellulaire.

TUP : L’avenir semble donc des plus prometteurs…

E.G. : Sans aucun doute ! Chez SEAC-Guiraud, pour exemple, c’est François Guiraud en personne, qui mène le dossier. Le béton classique est de plus en plus impacté par la notion de développement durable. Pour SEAC, se positionner sur un nouveau matériau est un enjeu stratégique majeur. Pour nous comme pour eux, le bloc de construction chanvre est un marché énorme ! Le label « Bâtiment bio-sourcé » devrait aussi booster le marché, par des avantages fiscaux liés aux performances de notre produit. Sans compter l’image qu’il véhicule. Un produit sain, performant, durable, léger, facile à monter et surtout abordable, je vous laisse imaginer le potentiel…

 

 

 
* La chènevotte est la partie centrale et moelleuse de la tige de chanvre. Obtenue par défibrage mécanique, elle est essentiellement constituée de composés cellulosiques et ligneux et se présente sous forme de granulats. La chènevotte représente environ 45% du poids de la paille.
** L’Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse est une grande école publique d’ingénieur qui diplôme environ 500 ingénieurs par an, dans 10 spécialités, allant de l’informatique au génie civil en passant par les nanotechnologies et l’environnement.
*** Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment est un établissement public, placé sous la tutelle du ministre du Logement et du ministre de l’Écologie. Il procède, entre autres, aux essais et certification sur les matériaux (évaluation qualitative de produits et procédés innovants ; évaluation des risques ; tests acoustiques, thermiques, mécaniques…).

 

Auteur de l’article : Sébastien Garcia