Publié le 1er avril 2020
Plusieurs travaux de recherche montrent les bénéfices apportés au colza par une association avec des légumineuses. Cette technique suscite l’intérêt d’agriculteurs toujours plus nombreux, et constitue le moteur d’actions techniques innovantes portées par les acteurs du développement agricole : témoignages.
« Mener du colza en association avec des légumineuses m’a redonné envie d’accorder une place à cette culture dans mon assolement ». Voilà ce que répond Philippe Pradelles quand on lui demande les raisons qui l’ont amené à tester puis adopter l’association de légumineuses au colza sur ses parcelles. Les impasses techniques, en particulier la lutte contre les insectes d’automne, avaient poussé cet agriculteur tarnais à renoncer à la culture du colza pendant plusieurs années. Depuis, l’émergence de leviers agronomiques innovants a totalement changé la donne.
Regain d’intérêt du colza pour les producteurs
Ce témoignage est loin d’être isolé. Les surfaces de colza associé à des légumineuses sont en constante progression, 12% de la sole nationale en 2018, contre 7% en 2014. Les enquêtes « Pratiques culturales » de Terres Inovia1, dont sont issus ces chiffres, indiquent en outre que la plante associée la plus utilisée est la féverole, seule (41% des surfaces) ou en mélange avec une autre espèce (14%). On trouve aussi du trèfle (8%) et de la lentille (11%). La lutte contre les insectes est le premier objectif cité par les producteurs, viennent ensuite la couverture du sol et l’économie d’azote minéral.
Depuis une dizaine d’années, Terres Inovia a mené une batterie d’essais et réalisé de multiples observations en grandes parcelles autour de l’association de légumineuses au colza. Ces travaux ont permis d’identifier trois grands types de services pouvant être attendus de cette technique : (i) améliorer la nutrition azotée et le fonctionnement du colza, (ii) contribuer à limiter les dégâts d’insectes d’automne, et (iii) accroitre la concurrence de la culture vis-à-vis des adventices. D’autres bénéfices à l’échelle du système de culture peuvent également être visés, avec des espèces pérennes notamment. « Avec ces espèces en association, Les agriculteurs mettent en avant l’intérêt soit de pouvoir les récolter, soit de bénéficier d’une couverture du sol après récolte du colza. Cela ouvre en outre la possibilité de semer le blé suivant en direct dans le couvert, avec un gain de temps, un sol propre si le couvert est homogène et beaucoup plus de portance », précise Laetitia Masson, conseillère agronomie à la Chambre d’agriculture de l’Isère.
Des dynamiques locales autour du colza associé
De nombreuses structures de développement agricole partagent le même constat : d’une part le colza associé présente une réelle attractivité pour les agriculteurs, il peut d’autre part aider un colza bien implanté à avoir un meilleur comportement face à des facteurs limitants, voire des impasses techniques très impactantes. Il est donc logiquement devenu le moteur de dynamiques de développement locales. Cependant, un besoin légitime d’adapter les références de Terres Inovia, principalement acquises dans le Centre et l’Est de la France, à des contextes pédoclimatiques différents s’est imposé. Il s’agissait notamment d’élargir la base de connaissances opérationnelles : choix et intérêt d’autres espèces de légumineuses, influence des modes de semis, optimisation des programmes de désherbage, adaptation aux exigences de la production de semences…
La maîtrise de l’implantation, un préalable incontournable
« Associer des légumineuses ne rattrapera jamais une implantation ratée » rappelle néanmoins Gilles Sauzet, Ingénieur Développement chez Terres Inovia. La réussite de l’implantation et une croissance dynamique à l’automne, sont « les 2 piliers indissociables» d’un colza robuste, c’est-à-dire apte à être moins impacté par les bioagresseurs ou les aléas climatiques, lui est conféré par, à savoir Il convient donc de cumuler les leviers agronomiques, choix du précédent, apport de produits organiques, optimisation du travail du sol et de la date de semis, et bien évidemment associations aux légumineuses, pour donner toutes les chances de réussite au colza. Avec cette approche, il est possible de réussir et de sécuriser l’implantation du colza, comme en témoigne le groupe d’agriculteurs du Berry accompagnés par G. Sauzet.
Dans le Berry, les surfaces en colza ont drastiquement chuté en 2019 et 2020, entre 70% et 80% par rapport à la moyenne des 20 dernières années. Or, au sein d’un groupe de 15 agriculteurs accompagnés par Terres Inovia, chez qui le colza occupe au moins 20% de la SAU, 90% des intentions de semis se sont converties en colza bel et bien installé à la sortie de l’hiver. Dans le sud-ouest, un réseau de parcelles (voir encadré) suivies en 2020 par 12 partenaires a montré un taux de réussite de 90% des parcelles par rapport aux intentions de semis. Preuve qu’avec ces approches, il est possible de réussir et de sécuriser l’implantation du colza. « L’accompagnement est un plus pour aider les agriculteurs à trouver des solutions à leurs problématiques », complète Gille Sauzet.
Matthieu Abella (Terres Inovia), avec G. Perdrieux (CA 81)